Paul Huber : « Je ne laisserai passer aucune attaque à l’encontre des magistrats »

Publié le 07/10/2024 à 9h29

L’audience solennelle d’installation du président du tribunal de Meaux (Seine-et-Marne), Paul Huber, l’ancien directeur des services judiciaires à la Chancellerie, a réuni de nombreuses personnalités ce 4 octobre, date du 66e anniversaire de la Constitution. L’occasion, pour lui, de rappeler que « l’indépendance [des juges] est inscrite » dans ce texte fondateur et qu’il ne laissera « passer aucune attaque, tentative d’intimidation ou de déstabilisation à l’encontre des magistrats ».

Paul Huber : « Je ne laisserai passer aucune attaque à l’encontre des magistrats »
Légende : Paul Huber, officiellement installé ce vendredi 4 octobre, jour du 66e anniversaire de la Constitution (Photo : ©I. Horlans)

 La 1ère chambre correctionnelle du tribunal judiciaire (TJ) de Meaux n’avait jamais accueilli autant de monde qu’en ce vendredi 4 octobre – seul le box des détenus était inoccupé. Debout, assis, en civil ou en uniforme, chacun se tenait au coude-à-coude pour assister à l’installation solennelle de Paul Huber, arrivé du ministère de la Justice où il occupait la haute fonction de directeur des services judiciaires (DSJ), en charge du fonctionnement et de l’organisation des cours et tribunaux de France. Un poste obtenu à 42 ans, exception notable, en septembre 2020. La première vice-présidente du TJ, Isabelle Verissimo, issue comme lui de la promotion Simone Veil de l’École nationale de la magistrature, a d’ailleurs salué « le parcours remarquable, particulièrement impressionnant » de son collègue diplômé en 2003.

Sa carrière et ses qualités unanimement reconnues expliquent la présence de plusieurs personnalités (voir notre encadré ci-dessous). Selon l’usage, Mme Verissimo a prononcé le discours de bienvenue.

Paul Huber : « Je ne laisserai passer aucune attaque à l’encontre des magistrats »
Isabelle Verissimo, première vice-présidente du tribunal judiciaire de Meaux, a présenté Paul Huber (Photo : ©I. Horlans)

« Catherine Mathieu vous laisse une juridiction en très bon état »

Avant de présenter son président, elle a rendu hommage au prédécesseur, Catherine Mathieu, « partie assurer le poste, bien mérité, de présidente du tribunal judiciaire de Créteil [Val-de-Marne]. Elle s’est distinguée dans ces murs à bien des égards : magistrate dynamique, efficace et disponible, elle a fait face aux situations parfois difficiles avec humanité et respect » (notre article du 29 juillet ici). « Elle vous laisse une juridiction en très bon état. » Pour preuve : « La résorption totale du stock de dossiers à l’instruction » et « la maîtrise des délais ».

La première vice-présidente a retracé les 21 années d’exercice de M. Huber (notre encadré sous l’article du 29 juillet), « les hautes responsabilités » qui furent les siennes, notamment en cabinet ministériel et à la DSJ. Mais aussi son engagement à l’Association des jeunes magistrats. Il est en effet réputé pour son écoute et sa bienveillance.

Entouré de parents et d’amis « venus parfois de loin », confiera-t-il, Paul Huber a écouté les réquisitions d’installation du procureur Jean-Baptiste Bladier, au ton chaleureux. Il lui a fait part de « la gratitude » du tribunal, qui voit « un aréopage, dont la composition est si prestigieuse », assister à l’audience : « Un sentiment d’honneur et de fierté nous étreint ! » Lui aussi a eu des mots élogieux pour Mme Mathieu et « sa capacité à présider dans la concorde ».

Revenir en juridiction, une preuve « d’authenticité et d’humilité »

Paul Huber : « Je ne laisserai passer aucune attaque à l’encontre des magistrats »
Le procureur de la République, Jean-Baptiste Bladier, et à sa droite, le nouveau procureur adjoint, Alexandre Verney (Photo : ©I. Horlans)

Avec humour, M. Bladier a fait remarquer à l’assistance un point essentiel : au lieu de rester en administration centrale, « entre le marteau ministériel et l’enclume juridictionnelle », voire de briguer une place enviable dans le privé, Paul Huber a demandé à « retrouver la légitimité du terrain ». Une preuve « d’authenticité et d’humilité », « de son attachement profond à sa vocation première » : « Afin de mesurer la portée de ce choix, il faut avoir une connaissance suffisante des arcanes de la Place Vendôme. » Savoir par exemple que le poste de DSJ « suffit à éveiller les esprits les plus amorphes, à aiguiser les appétits les plus rassasiés, à réveiller les ambitions, à nourrir les fantasmes des uns, le complotisme des autres, à provoquer flatteries et courbettes ».

Le procureur a remercié Bernard Rosat, directeur des services de greffe, et son adjointe Stéphanie Zenadji de leur « investissement professionnel » et sollicité qu’il soit officiellement « donné acte » de l’arrivée de Paul Huber. Isabelle Verissimo l’a invité « à prendre place au siège qui est désormais le [sien] ». Central.

En introduction, il a eu une attention pour chaque haut magistrat, puis a indiqué avoir rencontré la quasi-totalité des 49 juges désormais sous sa responsabilité. Énonçant sa méthode – « échanger, établir des diagnostics, proposer d’éventuelles évolutions » –, il a ajouté : « Ensemble. »

Ensuite, son discours a pris un tour plus politique.

« La contestation (…) fragilise notre État de droit »

Le nouveau président constate que « la justice est de plus en plus sollicitée, donc de plus en plus exposée ». En particulier par « la contestation de plus en plus fréquente [de ses] décisions, des juges eux-mêmes, en dehors des voies de recours, sans connaissance de la motivation ni du contexte de la décision : c’est un vrai sujet d’inquiétude ! Elle fragilise notre État de droit. Plus que jamais, l’autorité judiciaire doit assurer pleinement sa place dans le fonctionnement de nos institutions ».

Coïncidence ? Peut-être pas. La cérémonie, organisée ce vendredi, marque le « 66e anniversaire de notre Constitution », publiée le 4 octobre 1958. « Il m’apparaît donc important de rappeler que l’indépendance de l’autorité judiciaire [y] est inscrite. Le président de la République en est le garant, il est assisté dans cette mission par le Conseil supérieur de la magistrature. » Il prévient qui osera remettre en cause l’État de droit et critiquer la justice : « Je ne laisserai passer aucune attaque, aucune tentative d’intimidation ou de déstabilisation à l’encontre de magistrats du siège. Je vous soutiendrai avec fermeté, en privilégiant dans mon expression publique la clarté et la pédagogie. »

Paul Huber, dont tous soulignent « l’honnêteté », « la droiture », ne manie pas la langue de bois. Il n’a cité personne, mais les auteurs d’assauts contre l’institution se reconnaîtront.

L’exécutif doit « respecter la trajectoire promise, et votée »

Insistant sur « l’engagement collectif » à Meaux « qui est la fierté de tous », il rappelle que « l’augmentation des effectifs » – six magistrats au siège et au parquet, six greffiers à l’horizon 2027, en plus de ceux installés ce jour (voir notre encadré ci-dessous) – « viendra soutenir cet effort ». Aussi met-il en garde ceux tentés de réduire le budget : « La déception sera très forte si la trajectoire promise, et votée, notamment par les parlementaires qui soutiennent aujourd’hui le gouvernement [Barnier], n’est pas respectée. » Il y voit « un enjeu important car cela pourrait durablement fragiliser la confiance entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif et législatif ». M. Huber évoque également l’importance « des nombreux contractuels, des juristes assistants pleinement intégrés », dont le sort pourrait être menacé en cas de diminution budgétaire.

Ils participent à la « réduction des délais », un point fort à Meaux où cette année, au pénal et au civil, « l’agilité et la souplesse, une force », ont permis de traiter un grand nombre d’affaires : « En matière civile, les dossiers sont jugés un mois après l’ordonnance de clôture. » Grâce à « l’aide de juges et greffiers d’autres services qui ont renforcé les affaires familiales », ont été  « créés 32 audiences supplémentaires depuis le mois de mars ».

En correctionnelle, les résultats sont tout aussi satisfaisants.

S’agissant de ses priorités, elles ne diffèrent pas de celles de Mme Mathieu et du procureur Bladier : « La lutte contre la prostitution de mineur(e)s et les violences intrafamiliales. » Enfin, il entretiendra « le climat apaisé » de cette juridiction « composée de jeunes collègues solidaires et engagés » et portera son action à un niveau « d’exigence, de cohérence et transversalité en [s]’appuyant sur le dynamisme de chacune et de chacun ».

Illustration de son souhait de maintenir l’esprit collectif, Paul Huber cite Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. »

Paul Huber : « Je ne laisserai passer aucune attaque à l’encontre des magistrats »
Le tribunal judiciaire de Meaux a accueilli neuf magistrats, quatorze greffières et deux directrices au greffe (Photo : ©I. Horlans)

De hautes personnalités à la cérémonie 

 Le palais de justice de Meaux avait renforcé sa sécurité pour accueillir les personnalités « qui m’ont fait l’amitié de se déplacer », a salué Paul Huber. Notamment Carine Chevrier, Secrétaire générale du ministère, Laureline Peyrefitte, directrice des Affaires criminelles et des Grâces, son homologue à la direction des Affaires civiles et du Sceau, Valérie Delnaud, le premier président de la Cour d’appel de Paris, Jacques Boulard, Marie-Suzanne Le Quéau, procureur général, Olivier Christen, le procureur antiterroriste de France.

Également présents, une conseillère à la Cour de cassation, deux membres du Conseil supérieur de la magistrature, les sous-directeurs de la DSJ, les présidents des TJ de Paris, Bobigny, Melun, Fontainebleau, Sens, Évry et  Lille, six procureurs de la République, dont Jean-Michel Bourlès (Melun) et Arnaud Faugère (Fontainebleau), tous deux issus de l’antiterrorisme, le vice-bâtonnier du barreau de Meaux Jean-Christophe Ramadier, des élus, la colonelle de la gendarmerie, les directeurs de police, des pompiers, de la Douane Paris-Est, de la PJJ et de la prison de Meaux-Chauconin.

 

Nomination de 9 magistrats et 14 greffières

 Ce 4 octobre, le tribunal a aussi accueilli 8 juges, un procureur adjoint, 14 nouveaux greffiers et 4 juristes assistantes.

 – Alexandre Verney, procureur de la République adjoint. Il a exercé aux parquets d’Amiens et de Paris, à la direction des Affaires criminelles et des Grâces et au Secrétariat général du gouvernement.

– Mélanie Leduc, première vice-présidente, en charge de l’application des peines (6e poste), coordinatrice du service. Elle a exercé Reims, Meaux et Bobigny, à la DSJ et à l’agence du travail d’intérêt général.

– Adrien Luneau, vice-président, juge des contentieux de la protection au TJ de proximité de Lagny-sur-Marne. Officier de police judiciaire durant sept ans, magistrat à Angers et Bobigny, il était commissaire adjoint dans le Xe arrondissement parisien depuis 2021.

– Noël Leuthereau-Morel, juge des contentieux de la protection à Meaux où il a autrefois exercé comme assistant de justice, avant d’intégrer la DSJ et la cour d’appel de Nancy.

– Hélène Chopard-Dit-Jean, juge des enfants. Elle occupait déjà la fonction au tribunal de Senlis.

– Claire Laborde, juge des enfants, précédemment auditrice de justice et 3e de sa promotion à l’ENM.

– Marion Mezzetta, juge civile, présidente de la chambre du conseil. Elle a exercé comme juge d’instance à Lagny-sur-Marne.

– Laura Giraudel, juge civile à la 1ère chambre. Elle a été avocate durant 12 ans à Bordeaux.

– Roxane Raynaud, juge aux affaires familiales. Elle a exercé à la SNCF et au sein du Groupe Casino.

Le président Huber a aussi présenté quatre juristes assistantes, puis donné la parole à Bernard Rosat, le directeur de greffe. Il a eu le plaisir d’accueillir deux directrices, quatorze greffières et deux adjointes administratives, « ce qui met fin à un sous-effectif inédit ». Plusieurs greffiers stagiaires doivent rejoindre ce dispositif avant la fin de l’année.

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