Ces femmes battues qui prennent la défense de leur conjoint…
Le rugbyman Mohamed Haouas a été condamné, le 30 mai dernier, à un an de prison sans mandat de dépôt par le tribunal correctionnel de Montpellier pour avoir frappé sa femme. Il lui a infligé un croche-pied et une gifle parce qu’il venait de découvrir qu’elle fumait…À l’audience, l’épouse est venue dire qu’elle ne voulait pas le quitter et qu’elle lui laissait encore une chance. Une déclaration très critiquée sur les réseaux sociaux. Notre chroniqueuse, Me Julia Courvoisier, souligne que le cas est plus fréquent qu’on ne l’imagine et s’interroge : que faut-il faire ?
Le souci avec le tribunal médiatique qui nous est imposé au quotidien, c’est qu’il ne supporte pas la contradiction. Au point que de plus en plus d’avocats de la défense sont menacés, injuriés et harcelés pour avoir simplement exercé leur métier. Il faut condamner tout de suite et passer à autre chose, en mode fast justice.
Or, le tribunal médiatique est bien souvent à des années lumières de la réalité que l’on vit dans les vrais tribunaux où le débat existe encore et où la justice se rend réellement et sérieusement. Là où les avocats sont respectés et où les parties s’affrontent dans le respect du droit.
Il y a quelques jours, un rugbyman de haut niveau a été condamné par un tribunal correctionnel pour avoir frappé sa femme. En droit pénal, on ne parle pas de « violences conjugales » mais de « violences volontaires avec la circonstance aggravante qu’elles sont commises sur le conjoint ». Les peines encourues dépendent d’abord de la gravité des conséquences sur la victime (on parle d’ITT, interruption temporaire de travail) : moins de huit jours ou plus de huit jours. Cela peut aller de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende à dix ans de prison et 150.000 euros d’amende. Les peines encourues sont doublées lorsque le prévenu est en récidive légale.
Des coups ? Non, une erreur, une mauvaise passe, un acte d’amour
Les violences dites « conjugales » sont ainsi prises au sérieux par le Code pénal, mais aussi par la justice. Même si tout n’est pas parfait. Les violences conjugales sont un fléau qu’il faut combattre, ce qui suppose que les victimes déposent plainte et que les auteurs soient condamnés.
Dans ce dossier, l’épouse a refusé de déposer plainte et de se constituer partie civile à l’audience. Pire même, aux yeux du tribunal médiatique, elle a défendu son mari et elle a souhaité, publiquement, qu’il revienne le soir même au domicile conjugal pour y reprendre une vie normale.
Une interview que le tribunal médiatique a trouvée dérangeante, comme si les victimes devaient toutes exiger la prison pour leurs conjoints violents : la prison, encore la prison, toujours la prison.
Cela existe évidemment. Certaines femmes sont conscientes du danger qu’elle courent et espèrent l’incarcération qui les mettra à l’abri de leur agresseur.
Mais la situation inverse existe aussi, elle est même plus fréquente qu’on ne croit. Certaines femmes ne souhaitent pas mettre fin à la vie commune avec leur mari violent. Elles viennent en audience pour le défendre, en arguant que c’est une « erreur », une « mauvaise passe à traverser », voir … un « acte d’amour » !
J’ai vu des femmes, que mes clients avaient frappées, refuser absolument de mettre fin à leur histoire, et même tout faire pour aller visiter leur conjoint violent en détention. Des relations malsaines sans doute, dangereuses, qui vont à l’encontre des politiques actuelles et de l’action que mène l’institution judiciaire pour protéger ces femmes.
Certains parlent « d’emprise », c’est un phénomène très particulier qu’il faut se garder de dévoyer. Une femme qui ne voit pas le problème dans le fait que son mari la gifle occasionnellement est-elle sous emprise ? Nul ne sait.
Dans ce type de situation, que doit faire la justice pénale (la vraie) qui arrive en bout de chaine ? Mépriser la parole de la victime qui ne veut pas se séparer de son époux violent et incarcérer celui-ci quand même ? Ou bien au contraire écouter cette parole et sanctionner l’homme violent sans toutefois ordonner la séparation physique contrainte, ce qui a été décidé ici ?
Militants et politiques en mal d’électeurs
La justice pénale peut-elle obliger un couple à se séparer contre sa volonté ?
La justice pénale doit-elle aller contre la demande d’une victime lorsque cette demande heurte ses convictions et sa façon de concevoir la place de la femme dans un couple ?
Je n’ai évidemment pas d’avis général sur la question car chaque dossier est différent. Chaque affaire familiale qui se retrouve devant un juge pénal mérite bien autre chose que de se retrouver sur les plateaux télé à être commentée par des militants ou des politiques en mal d’électeurs.
Espérons seulement que cette femme ne soit plus jamais victime de violence de la part de son époux et qu’elle réussisse à comprendre, contrairement à ce qu’a expliqué sa belle-mère à la télévision, que non, se prendre une petite claque, ce n’est pas normal et cela ne doit pas arriver.
Espérons aussi que cet homme réalise que sa femme n’est pas sa chose et qu’il doit se soigner.
Et si cela n’arrive pas, ce sera à la justice, pas au tribunal médiatique, d’en tirer les conséquences.
Référence : AJU372869