Farid El Haïry est innocent

Publié le 15/12/2022

La Cour de révision a annulé ce jeudi la condamnation pour viol sur mineur infligée il y a près de 20 ans à Farid El Haïry, défendu par Me Frank Berton, suite à l’aveu par la plaignante du fait qu’elle avait menti. Il faut entendre cette leçon sur la parole et la preuve. 

Farid El Haïry est innocent
Allégorie de la Justice – Première chambre de la cour d’appel de Paris (Photo :© P. Cabaret)

Vingt-trois ans. Durant 23 ans Farid El Haïry a vécu avec le poids d’une condamnation pour viol. Il a été inscrit dans un fichier infamant, astreint à pointer comme un coupable, sa famille a même dû indemniser celle qui se présentait comme sa victime. Jusqu’à ce que celle-ci finisse par écrire au procureur pour lui dire qu’elle avait menti : ce n’était pas ce garçon du quartier qui l’avait violée, mais son propre frère. Ce jeudi, la cour de révision a annulé sa condamnation. Farid El Haïry devient le 12econdamné aux assises reconnu victime d’une erreur judiciaire depuis 1945. Il faut l’écrire, ne pas craindre de le répéter, Farid El Haïry est innocent, tant on connait l’insupportable différence entre l’accusation qui tonne en une, et l’innocence que murmure une brève en bas de page.

Entendre la leçon…

Qu’une décision aussi rare tombe précisément maintenant résonne comme une mise en garde, un indispensable rappel à la preuve. Ce d’autant plus que le cas est chimiquement pur. La parole de la victime, et uniquement elle, l’a fait condamner en 2003, la parole de la victime, et uniquement elle,  l’innocente aujourd’hui. Il n’y a pas de place pour le doute ou l’interprétation. Alors il faut entendre la leçon, aussi dérangeante soit-elle. Non, on ne peut pas sacraliser la parole de la victime. Même si celle-ci dit vrai dans 99,9% des cas. Parce qu’il peut arriver que la colère, la souffrance ou l’envie de vengeance égarent. Parce qu’aucun combat, si légitime soit-il, ne justifie d’accepter en toute conscience qu’il y ait « des pertes » comme le soutiennent certains, comprendre que quelques innocents soient accusés à tort. Parce qu’on ne répare pas une injustice par la commission d’une autre injustice au motif qu’il ne s’agirait que d’un juste retour des choses. Un innocent est un innocent. Il n’est pas innocent des faits, mais un peu coupable d’autre chose, au hasard d’être un homme.

Pour que la justice soit enfin à la hauteur

Mais alors faut-il se résoudre à supporter encore des injustices multi-séculaires sous prétexte que les juristes interdiraient d’en commettre de nouvelles ? Tel n’est pas le propos. Il faut au contraire tout mettre en œuvre, absolument tout pour que la justice soit enfin à la hauteur dans le traitement des violences faites aux femmes. Cela signifie former les personnels, tant policiers que médicaux et judiciaires, mettre des moyens dans les juridictions, imaginer peut-être de nouvelles procédures, renforcer les structures d’aide et d’accompagnement, inventer tout ce qui manque encore…

On peut tout revendiquer et même tout exiger. La cause le justifie.

Excepté une seule chose : le droit de condamner sans preuve.

 

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