Insolite : Quand Halloween s’invite au tribunal

Publié le 31/10/2024

En ce 31 octobre, une petite visite horrifique des décisions de justice s’impose…

Insolite : Quand Halloween s’invite au tribunal

Halloween n’excuse pas le mal

Commençons par un arrêt de la Cour d’appel de Caen (CA Caen, 1er sept. 2008, n° 08/00542) qui a estimé qu’était justifiée la sévérité de la peine de 6 mois d’emprisonnement prononcée à l’encontre de celui qui, le soir d’Halloween, s’arrête pour danser devant une taverne en feu et en frappe le propriétaire…

Les sorcières du tribunal administratif

Peu de gens le savent, mais les juridictions administratives françaises sont très favorables aux activités de sorcières et autres voyants en tous genres… Sans doute car l’appel aux esprits et le recours aux médiums devient le seul moyen pour les fonctionnaires de savoir quand sera dégelé leur point d’indice, mais là n’est pas le sujet aujourd’hui même si cela fait peur.

En 1995, la Cour administrative d’appel de Lyon avait annulé le licenciement disciplinaire d’un brigadier de police qui était sanctionné car il faisait fonctionner, à son domicile, un « cabinet de voyance et d’exorcisme ».

En 2011, c’est la Cour administrative d’appel de Paris qui a estimé injustifié le licenciement de la policière qui organisait, durant son temps de service de nuit à l’hôpital, des séances de spiritisme avec ses collègues. Sa hiérarchie estimait que cette pratique avait porté atteinte à l’image de l’institution policière. Or, puisque ces séances spirites ont eu lieu dans un espace clos et invisible des visiteurs de l’hôpital où l’unité de police en question transportait les gardés-à-vue alcoolisés pour des prises de sang, l’image de la police n’a pas pu s’en trouver affectée… (lire le détail ici).

Et en 2013, c’est le Tribunal administratif de Versailles (TA Versailles, 26 févr. 2013, n° 0904311) qui suivra cette ligne à son tour en faveur d’un agent communal qui distribuait – sur son temps de travail ! – des cartes de visite relatives à ses activités « de voyance, de magie et de sorcellerie ». Les juges ont même estimé que cela ne constituait absolument pas une faute grave.

Contrôle fiscal vs boule de cristal

Tous les services de l’État ne sont en revanche pas aussi conciliants… notamment les impôts (ils le sont rarement d’ailleurs). La Cour d’appel de Lyon, en 2003, a dû intervenir une nouvelle fois pour sauver un autre voyant, cette fois-ci mauvais payeur (et sans doute mauvais voyant) car il n’a pas vu venir la saisie de son matériel de travail pour régler sa dette fiscale : « une boule de cristal, 12 pendules, une clé du paradis et un micro générateur électromagnétique ». En effet, ces biens devaient lui être rendus car les instruments nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle ne peuvent pas être saisis !

Poupées vaudou vs collègues

Certaines juridictions administratives se sont montrées plus sévères en cas d’exercice d’activités paranormales sur le lieu de travail. Si la Cour administrative d’appel de Paris, a admis les séances de spiritisme discrètes en 2011, en 2008 (CAA Paris, 3 déc. 2008, n° 08P01128) elle a en revanche validé le licenciement de la fonctionnaire qui accroche pendant plusieurs semaines, dans son bureau et visible de tous, une poupée vaudou à l’effigie de sa supérieure hiérarchique grimée en sorcière et parsemée d’épingles…

Sorcière de l’école vs enfants punis

La chambre criminelle de la Cour de cassation a quant à elle estimé en 2017 que le fait, pour une enseignante, de punir les enfants de sa classe en les enfermant dans un placard sordide au fond de la salle qu’elle appelait « le placard aux sorcières » n’était pas admissible…

Dès 1992, cette même chambre s’était montrée très réticente vis-à-vis des tours joués par les esprits farceurs et divers fantômes. Elle avait jugé coupable de vol celui qui, se targuant de pouvoirs magiques, indique lors d’un rituel à un couple de commerçants qu’ils doivent placer une enveloppe de 103 000 francs sous leur lit pour assurer la prospérité de leur commerce. Puis qui, à l’ouverture de l’enveloppe vide quelques semaines plus tard, prétend que la somme leur a été prise par les forces « invisibles ».

Exorcisme au Café de Flore

Finissons notre visite hantée de la justice française en restant à la Cour de cassation, laquelle eut à juger à la fin des années 1990 d’une affaire d’exorcisme public en plein Paris :

« Statuant sur le pourvoi formé par Josiane Z. contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, qui, pour violences avec préméditation, l’a condamnée à 1 an d’emprisonnement avec sursis ;

Aux motifs qu’elle s’était rendue aux abords de la boutique de M. X. pour prier contre son pouvoir qu’elle qualifiait de satanique, projetant de l’eau dite bénite, collant des images pieuses sur les vitrines, l’apostrophant au Café de Flore et en d’autres endroits, le traitant par exemple de “diable qui veut la transformer en chèvre” et que, se trouvant dans son propre véhicule face au Café de Flore, elle psalmodiait des prières afin d’exorciser X. ;

L’infraction de violences volontaires ne supposait pas nécessairement un contact physique entre l’auteur et la victime dès lors que les agissements du prévenu étaient de nature à entraîner des répercussions physiologiques ou psychologiques chez la victime ;

Selon M. X., Josiane Z. avait terni son image auprès de ses clientes et l’avait contraint à quitter les lieux où il se trouvait, ajoutant qu’il craignait en permanence de la voir survenir, la prévenue se livrant à ses agissements plusieurs fois par semaine… »

Ce que Josiane Z. reprochait à sa condamnation en appel, c’était que la cour « ne pouvait pas se contenter des déclarations de la victime, sans constater que les gestes ou attitudes de la prévenue étaient objectivement de nature à impressionner une personne raisonnable ». Mais la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi, en semblant admettre que l’action des forces invisibles est réelle puisque comme elle le dit au-dessus, il y a eu « violence volontaire sans contact physique »… Bonsoir !

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