Insolite : Quand la musique, de Baby Shark à Michel Sardou, sert de punition

Publié le 15/06/2023

« Sans musique, la vie serait une erreur » écrivait Nietzsche ;  mais  elle peut être une souffrance quand on n’a pas choisi de l’écouter. De la classique querelle de voisinage, à la vengeance préméditée, en passant par la torture carcérale, voici un florilège de décisions à objet musical dénichées par notre spécialiste du bizarre, Raphaël Costa. 

Insolite : Quand la musique, de Baby Shark à Michel Sardou, sert de punition
Photo : ©AdobeStock/Koldunova

Si vous avez un enfant, vous savez sans doute déjà que la chanson Baby Shark doo-doo doo-doo (de rien) – la vidéo la plus vue de tout YouTube – relève davantage de la punition pénale que d’une comptine pour enfants…

Des surveillants pénitentiaires reconnus coupables d’acte de cruauté

Que cette musique puisse constituer une torture particulièrement raffinée, c’est ce qu’ont vite compris les surveillants de la prison du comté d’Oklahoma aux États-Unis. En 2019, plusieurs détenus ont déposé une plainte contre l’administration pénitentiaire au motif que ses agents les avaient forcés à écouter en boucle Baby Shark, menottés à un mur pendant plusieurs heures. Les surveillants concernés viennent d’être reconnus coupables d’acte de cruauté et condamnés à verser 200 dollars d’amende et 300 dollars de dommages et intérêts aux victimes. Ils ne pourront plus exercer ce type d’emploi et devront par ailleurs  exécuter 40 heures de travaux d’intérêt général !

Mais il arrive que la justice américaine elle-même décide d’utiliser la musique comme punition… En effet, dans certains États fédérés, les magistrats ne sont pas soumis au principe de légalité des peines, qui interdit en principe de condamner les délinquants à d’autres châtiments que ceux expressément visés dans la loi. Ces tribunaux sont sont donc libres d’inventer la punition qu’ils veulent !

Vingt heures de musique classique obligatoire

C’est ainsi qu’en 2005, la juge Susan Fornof-Lippencott a condamné un jeune homme de 24 ans qui avait infligé à son voisinage du rap à fond dans sa voiture à écouter 20 heures de musique classique (notamment Beethoven, Chopin et Bach) en échange d’une réduction de son amende (35$ au lieu 150$)[1]. La même année, c’est dans le Missouri que plusieurs jeunes également auteurs de tapage nocturne se virent imposer par la justice l’obligation d’écouter une heure durant une playlist de musiques entêtantes qu’ils détestaient, parmi lequelles le fameux tube des Platters « Only Youuu… »

En France, les magistrats sont limités par le manque de créativité du législateur. Ce sont donc surtout les justiciables qui font preuve d’initiatives musicales à visée punitive. C’est ce qu’ont constaté les juges de Mont-de-Marsan, le 19 janvier 2022. Ce jour-là, le tribunal a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis une femme qui, afin d’agacer son ex-mari et sa nouvelle compagne vivant dans la maison mitoyenne à la sienne, écoutait Michel Sardou à fond toute la journée…

Insupportable Céline Dion

Quant à ceux qui préféreraient prendre le risque de la sanction plutôt que de se passer d’écouter leur musique préférée, qu’ils prennent garde, certains juge recourent à la confiscation. Comme celui de Medway Council (Royaume-Uni), qui le 28 avril 2014 a ordonné la saisie de la chaine hi-fi, des disques et de tout le matériel audio de d’un homme qui passait ses journées à écouter Céline Dion et rendait ainsi le quotidien de ses voisins insupportable…

Enfin, a également été condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis par le Tribunal correctionnel de Lisieux, un homme qui regardait en boucle le film musical Dirty Dancing. Pour que sa femme ne l’en empêche pas, ce mari charmant la droguait régulièrement…

Bonsoir !

Raphaël Costa

[1] Pour les références de ces cas, voir le chapitre consacré dans : Inattendu que… tour du monde des curiosités juridiques, Éditions du Trésor, 2022.

 

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