Insolite : Quand l’exposition « Serial Killer » instrumentalise les victimes

Publié le 30/05/2025 à 16h24

L’exposition mondiale « Serial Killer », autoqualifiée de plus grande collection d’objets liés à des tueurs en série, ouverte depuis le 25 février à Paris, est prolongée jusqu’à fin juin. Visite de cette expérience plus que douteuse…

Insolite : Quand l’exposition « Serial Killer » instrumentalise les victimes
Affiche de l’exposition Serial Killer, à Paris jusqu’au 22 juin.

La promesse d’une visite « pédagogique »

« Serial Killer : de la victime au bourreau », tel est le nom complet de cette expérience qui promet de vous faire « plonger dans l’esprit » des tueurs en série, « d’un point de vue scientifique, historique et éducatif ». Le tout est organisé autour de « centaines d’objets originaux, dont des documents et des croquis des tueurs les plus célèbres réalisés par les tueurs eux-mêmes ».

Le visiteur, qui vient de dépenser 23 € en semaine ou 27 € s’il n’est disponible que le week-end, se voit annoncer qu’il va « pénétrer dans les reconstitutions détaillées des scènes de crime les plus notoires et en apprendre davantage sur comment le FBI identifie et analyse les profils psychologiques de ces individus »[1].

L’instrumentalisation hypocrite des victimes

Si la communication de l’évènement annonce partir de la victime pour comprendre son bourreau, c’est en fait tout l’inverse que l’on découvre en parcourant les anciennes Galeries Lafayette Montparnasse, reconverties en centre d’exposition où les écharpes tricotées en prison par des tueuses en série ont remplacé les vêtements de marque sur les rayons…

« Les Galeries Montparnasse », qui accueillent le musée itinérant, offrent plus de 10 000 mètres carrés à cette exposition présentée comme centrée autour des victimes de serial killers, mais où il faut attendre la dernière salle, vide de tout objet et d’intérêt, pour découvrir « l’hommage » aux victimes, dont les photos sélectionnées au hasard habillent les 25 mètres carrés de cette dernière pièce…

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Présentation de la dernière salle « dédiée aux victimes », prétexte à 10 000 mètres carrés d’objets de tueurs en série…

 

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L’un des 4 murs de photos de victimes sélectionnées au hasard…

Avant cela, l’exposition leur « rend un vibrant hommage » en offrant à l’envi : reconstitutions glauques de scènes de crimes, reproductions des meubles en peau humaine d’Ed Gein (ayant inspiré le film Massacre à la tronçonneuse), objets manufacturés sans lien avec les tueurs en question, mais mis sous cloche… Et la liste est longue des murderabilias (objets collectionnés en raison de leur lien avec des faits divers) présentées de façon obscène et grotesque…

Une maison hantée plutôt qu’une expo culturelle

On peine à y trouver la promesse des brochures annonçant que le matériel exposé et les explications accompagnatrices sont censés « transformer chaque objet en un morceau d’histoire qui raconte, de manière éducative et profonde, la souffrance, la justice et les leçons que nous pouvons en tirer »…

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Reconstitution « scientifique et profonde » d’une potence de pendaison permettant de « comprendre les tueurs en série »

En effet, en quoi contribuent à ce but : une reproduction du cadavre momifié de la mère de Norman Bates dans le film Psychose d’Alfred Hitchcock, le gant « officiel » de Freddy Krueger des Griffes de la nuit et le masque dédicacé par l’acteur interprétant Jason Voorhees dans Vendredi 13 ?

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Reproduction imaginaire du mobilier morbide réalisé par Ed Gein en peau humaine
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Objets collector de films d’horreur à « visée pédagogique » en criminologie

Ces collectors de slashers (films d’horreur où un tueur chasse et tue des victimes l’une après l’autre), laissent place à des « exemples » d’objets sans intérêt ayant été utilisés par des tueurs en série… dont on peine à voir l’intérêt scientifique, entre baignoire ensanglantée, seringues neuves, et même des chaussettes de sport…

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Chaussettes achetées dans le commerce sans lien le crime présenté

Outre les objets collectors de slashers (films d’horreur où un tueur chasse et tue des victimes l’une après l’autre), on trouve surtout de nombreuses scènes de crime reproduites avec des mannequins en cire, d’une promesse d’enseignement en criminologie, on se retrouve, dès la 2e salle, dans une variante inutilement gore du Musée Grévin, pour adultes en mal de sensations fortes.

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Panneau accompagnant une baignoire recouverte de faux sang
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Seringues achetées en pharmacie sans lien avec le crime présenté

Un parc d’attractions vieillissant mais ultramoderne

Comme tous les parcs d’attractions, cette exposition souffre du côté vieillot et ridicule de certaines installations… Si à Disneyland ce sont les animations du Manoir Hanté faites de miroirs et de mannequins rigides qui côtoient les effets spéciaux ultra-techno de Star Wars ; à l’expo Serial Killer, ce sont les saynètes et reconstitutions ridicules sinon inutiles qui précèdent des salles interactives et immersives… Un passage nécessaire pour, semble-t-il, attirer le jeune public (quelques visiteurs le jour où nous y étions, semblaient être en dessous de l’âge minimum de 14 ans portant imposé par les conditions de vente des tickets…).

L’exposition tueurs en série offre un versant « digital » et propose quelques attractions à la pointe de la technologie après une vieille paire de fesses en résine, censée montrer de façon « éducative et profonde » que quand Ted Bundy mord les fesses d’une victime, il y laisse la trace de ses dents…

Là où les Avengers ont viré Aérosmith de leur roller coaster l’an passé, ici ce sont des chaises électriques de fête foraine et des squelettes d’Halloween éclairés en bleu qui laissent place à une première pièce entière dotée d’écrans tactiles d’1,5 m de largeur et qui permet d’effectuer un test « êtes-vous un psychopathe » en 20 questions…

On notera les nombreux visiteurs adultes faussement dark et gothique appuyant en public sur écran géant et avec « gourmandise » sur la touche « je me reconnais beaucoup » en réponse à des questions comme « Le sujet a commis différents types de crimes (autrement dit, votre champ d’action criminel n’est pas limité à une seule sphère telle que le sexe ou l’argent) ? » ou encore « Le sujet a un historique d’actions cruelles à l’égard des autres »…

Mais le clou du spectacle son et lumière est la salle dédiée à la réalité virtuelle, où 16 stations et caques de VR proposent deux expériences (« pédagogiques et profondes », bien évidemment) :

  • se mettre dans la peau d’un enquêteur effectuant ses premières constatations en découvrant et analysant une scène de crime dans un vieux manoir ; sur le lit de la chambre, il nous est montré un cadavre ouvert en deux avec ses intestins allongés à côté de lui ;
  • se mettre dans la peau d’une victime de tueur en série masqué en épouvantail qui vous pourchasse dans un champ de blé en se rapprochant toujours davantage jusqu’à finalement vous retrouver et vous surprendre en pleine face…

Une boutique « souvenir » inoubliable

Une fois passées les nombreuses salles faussement pédagogiques (malgré nos critiques, de nombreux panneaux explicatifs accompagnent cette collection privée d’objets liés au crime en série) s’étendant sur plusieurs milliers de mètres carrés, puis le cagibi dédié aux « victimes, raison d’être de l’exposition », la visite s’achève par le passage obligé dans la boutique souvenir…

Pour l’achat du catalogue, nous sommes repartis avec un cadeau offert par la maison : une affiche énorme de John Wayne Gacy, le tueur déguisé en clown aux 33 victimes…

Insolite : Quand l’exposition « Serial Killer » instrumentalise les victimes
Étagère de tasses vendues à la « boutique souvenir »

Ayant la nausée plutôt que soif après cette visite de plus d’une heure trente, nous n’avons pas trouvé utile d’acheter le mug Ted Bundy (16 € la tasse pour 20 victimes confirmées, mais plus du double suspecté) ou le thermos Jeffrey Dahmer (20 € la bouteille, 17 victimes).

Comme l’indique le verso de la brochure, « Ted Bundy et Jeffrey Dahmer n’attendent que toi » !

Bonsoir…

 

 

[1] Un merci affectueux à William Walas qui a fait office d’accompagnateur et de photographe pour cet article !

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