Insolite : quand Secret Story se fait clasher au tribunal
Ici la Voix. Si vous avez été déçus par le retour de Secret Story sur TF1 cette semaine, alors laissez-moi vous consoler avec le clash infligé à l’émission par le tribunal de grande instance de Paris en 2011…
Émilie de Secret Story : « Je suis une fille de joie »
Cette année-là, le 1er juin[1], le vice-président du tribunal parisien doit se prononcer en référé, donc en urgence, sur demande de deux anciens habitants de la Maison des Secrets. Émilie et Léo, un couple qui s’est formé dans l’émission et dont les sextapes sont à nouveau publiées dans la presse à scandale.
Et malgré sa sortie devenue culte – « Cindy, elle casse nos délires, et moi je suis plutôt une fille de joie… » – , Émilie, la grande gagnante de sa saison 3, qui parlait en fait de son caractère, n’est pas du tout en accord avec la publication de ces vidéos. Vidéos qui, d’après elle, ont été volées et publiées sans son accord, tandis que le magazine en cause raconte qu’elle les commercialise.
Mais la voix préfère s’arrêter ici (au « synopsis de la synthèse » comme aurait dit Zarko de la saison 5), et laisser le magistrat vous raconter cette affaire…
Secret Story : une émission « où il n’y a ni secret ni histoire »
« Émilie et Léo sont deux intrépides aventuriers de la médiatisation télévisée ayant illustré les meilleures heures du programme de téléréalité intitulé par anti-phrase “Secret Story” où il n’y a ni secret ni histoire, mais une observation des faits et gestes des jeunes gens qui y participent sous l’œil des caméras, où le téléspectateur finit par s’attacher aux créatures qu’il contemple, comme l’entomologiste à l’insecte, l’émission ne cessant que lorsque l’ennui l’emporte, ce qui advient inéluctablement, comme une audience qui baisse.
Mais “Un seul être vous manque et tout est dépeuplé”, alors, sevrés du programme télé qui s’achève, les aficionados se ruent sur les gazettes, sûrs qu’elles sauront entretenir aussi durablement que possible le feuilleton du rien, passion toujours inassouvie des sociétés contemporaines. Les cobayes, trop heureux de voir quelques flashs qui crépitent encore, et désormais adeptes de l’exposition de soi, courent de l’une à l’autre, comme un canard sans tête, accordant interviews ou posant pour des photos.
Les publications que de telles mœurs font vivre s’en offusquent quand le ciel menace, et dénoncent quelquefois la règle du jeu, comme des enfants qui ergotent pour ne jamais se séparer.
C’est ainsi que le magazine Entrevue a publié un dossier intitulé “Comment Émilie et Léo vendent leur vie privée : réduits à faire une sextape” abondamment illustré par des images extraites d’une vidéo montrant les ébats intimes des deux intéressés.
L’indignation fut à son comble.
Émilie saisit le juge des référés en soutenant que ces images avaient été prises à son insu, lequel ordonna la suppression des photographies litigieuses et une mesure de publication judiciaire en page de sommaire du plus prochain numéro à paraître.
Mais l’affaire ne devait pas en rester là… ».
Balle perdue pour Jean-Marc Morandini
« Jean-Marc Morandini, journaliste spécialisé dans le potin télé, comme le coucou dans le nid des autres, invita Émilie appelée avec délicatesse à s’expliquer sur les faits révélés par Entrevue, laquelle pleura et s’en vint, puis Léo qui nia se trouver à l’origine de la vilenie, mais resta.
Le démenti du démenti ne devait pas tarder.
Jérôme G., rédacteur d’articles pour le magazine assura sur NRJ12 qu’Entrevue avait acheté la vidéo, qui tire un nom commun de sa nature-même, “sextape”, pour la bagatelle de 5 000 euros à un personnage qu’il devina l’ami de Léo, lequel avait entre-temps engagé un procès civil à la société éditrice d’Entrevue en ne réclamant rien d’autre que le prix de l’honneur, soit un sou de l’Europe que la rumeur tint pour le denier de Judas.
Le magazine OOPS fit un résumé de ce feuilleton sous le titre : “C’est lui qui a vendu sa sextape avec Émilie ! avec un portrait en pied du traître supposé, mais non sans reproduire en un fac-similé de petites dimensions la double page d’Entrevue en montrant 16 photos extraites de la vidéo.
Émilie invoque, dans le cadre de la présente instance, l’atteinte à la vie privée et à son droit à l’image que caractérise une telle reproduction, dans le magazine OOPS, de la double page d’Entrevue, ne se plaignant de rien d’autre ».
Le juge « tremblant mais sans remords » du côté d’Émilie
« OOPS invoque, pour dénier toute atteinte à la vie privée, la jurisprudence relative à la relation de faits publics déjà divulgués, laquelle est cependant inopérante en l’espèce, dès lors que la preuve n’est nullement rapportée que la demanderesse se trouverait à l’origine d’une telle divulgation, ce qu’elle conteste et que les faits de la cause paraissent démentir en dépit de la difficulté extrême de distinguer le vrai du faux, la part du jeu et de l’argent des indignations sincères, ce que montre le miroir et ce qui s’y joue non loin, la caverne et les ombres.
OOPS invoque encore l’illustration légitime d’un fait d’actualité mais ce moyen, aussi exquis soit-il, ne saurait tout à fait emporter la conviction du juge de l’évidence, s’agissant de photographies de cette nature, dont la publication par Entrevue a été sanctionnée civilement comme caractérisant une atteinte à la vie privée et au droit à l’image cinq mois avant la publication litigieuse, car il est vrai – et le fait mérite d’être noté – que l’intrigue demeure, près d’un semestre plus tard, toujours entretenue.
C’est vainement enfin qu’OOPS plaide la délicatesse au motif que le petit format de la reproduction ne permettrait à quiconque de reconnaître Émilie dont le visage a été de surcroît très légèrement flouté sur les vignettes la montrant pratiquant une fellation, son identité étant livrée au public, les photographies la rendant parfaitement reconnaissable, y compris les deux clichés au flou hamiltonien, où on la devine face caméra.
Aussi est-ce la main tremblante mais sans remords que les atteintes à la vie privée et au droit à l’image seront retenues ».
Le juge « sans rancune » des mises en scènes stupéfiantes…
« Le préjudice est généralement, en cette matière, inhérent aux atteintes ; encore doit-il s’apprécier au regard du prix que les demandeurs paraissent attacher, non à la publicité qu’ils recherchent, mais aux valeurs que le droit protège.
Or, sur ce point, OOPS soutient sans être contredite, et en versant aux débats de nombreuses factures paraissant en attester, qu’Émilie a coutume de monnayer ses interviews illustrées sur les sujets les plus intimes, dont le plus fréquent est sa relation avec le dénommé Léo qui se trouverait à l’origine de la vidéo en cause et de sa divulgation, sans que la demanderesse ne justifie avoir entrepris quelque action judiciaire à l’égard de ce dernier et pas plus à l’endroit de Public qui a publié la même reproduction de la double page d’Entrevue. La société défenderesse signale en particulier, sans susciter plus de réplique, deux faits qui méritent toute l’attention du juge :
— Émilie aurait vendu un sujet dit “arrangé” au magazine OOPS sous le titre “Émilie trompée par…”, ce qui convainc qu’elle ne craint nullement la publicité faite à un coup du sort relevant ordinairement de la sphère protégée de la vie privée,
— elle aurait également vendu à OOPS un sujet paru postérieurement au numéro en litige intitulé “Émilie mêlée à un trafic de drogue”, ce qui atteste qu’aucune des deux parties n’est rancunière.
Le juge ne l’est pas plus à l’égard d’aucune d’entre elles, mais il a un exigeant métier qui le retient quelquefois à de plus amples tâches.
Il réparera ce qui est réparable en allouant à Émilie un euro à titre de dommages et intérêts et, s’agissant de l’indemnité sollicitée sur le fondement de l’article 700, conviendra humblement que les considérations d’équité ne lui commandent rien qui vaille… ».
À cette révélation finale, on comprend qu’Émilie a continué à travailler avec Entrevue après la publication de la sextape… Sans doute un syndrome de Stockholm (ou « complexe de Stalingrad » selon Élise, saison 3). Et vu les remarques du juge, Émilie a dû reprendre les mots de Capucine (saison 6) en lisant le jugement : « J’aurai pensé avoir un peu de compatie de sa part ». Bonsoir !
Notes de bas de pages
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1.
N° 11/53904. Plusieurs extraits ont été coupés.
Référence : AJU435766