Quand la NASA refuse de payer le parking sur un astéroïde

Publié le 19/10/2023

Faudra-t-il un jour payer son parking dans l’espace ? L’idée peut faire sourire. Pourtant, un Américain a réclamé en justice, le plus sérieusement du monde, des frais de stationnement à la NASA. Les explications de notre spécialiste de l’insolite, Raphaël Costa.  

Quand la NASA refuse de payer le parking sur un astéroïde
Photo : ©AdobeStock/IA

L’affaire remonte à février 1996, avec l’envoi de la sonde Near Earth Asteroid Rendezvous en direction de l’astéroïde 433 Éros. Il faudra quatre ans à l’engin spatial pour atteindre ce géocroiseur (astéroïde qui évolue à proximité de la Terre).

Les parkings cosmiques aussi sont payants

Mais dès le lancement de la mission, Greg Nemitz, qui se qualifie lui-même d’« activiste spatial », décide d’utiliser une procédure de droit américain pour revendiquer la propriété du corps céleste. L’intéressé explique : « Malgré la découverte de 433 Éros en 1988, personne n’avait encore revendiqué sa propriété. Donc je l’ai fait. »

S’estimant officiellement propriétaire de l’astéroïde, Greg Nemitz attend que la NASA pose sa sonde sur son terrain pour lui envoyer la facture du stationnement de celle-ci, qui occupe la zone 29 de son parking cosmique depuis le 28 février 2001. Il utilise même les photos produites par la sonde litigieuse pour « démontrer » à l’agence spatiale qu’elle s’est garée sur une place payante.

Sans possibilité technique de retour sur Terre ou de simplement quitter la surface de 433 Éros, la facture risque d’être salée pour la NASA. Mais le propriétaire est raisonnable, il ne demande que 20 centimes par an à l’agence spatiale, non pas pour l’éternité mais uniquement pour cent ans, soit un « forfait » à 20 dollars pour le siècle.

Nemitz fonde sa facture sur le 5ème Amendement de la Constitution américaine, lequel offre à chacun le droit de propriété sur ses biens, ainsi qu’une compensation financière en cas d’usage public d’un bien privé.

Forfait post-stationnement vs Traité de l’espace

Cependant, l’État américain lui oppose l’article 2 du Traité de l’espace de 1967, convention internationale fondatrice du droit spatial aujourd’hui ratifiée par plus de 120 États, comprenant tous ceux ayant des activités spatiales. Cet article contient le principe de non-appropriation, aux termes duquel « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes » ne peut faire l’objet d’appropriation nationale.

Ayant exposé son cas publiquement, la NASA répond à sa facture par courrier dès 2001 : « Une revendication individuelle de propriété sur un corps céleste (l’astéroïde 433 Eros) est sans base légale. Contrairement aux revendications individuelles relatives aux ressources des fonds marins, lesquelles ont été considérées et débattues au Congrès américain qui a légiféré à ce sujet en les autorisant expressément. Il n’existe pas de loi similaire concernant les ressources spatiales. » Et en 2003, c’est le Département d’État lui-même (branche du gouvernement fédéral chargée des relations internationales) qui envoie un courrier au pseudo-propriétaire : « Le Département considère que la propriété privée d’un astéroïde est exclue par l’article 2 du Traité de l’espace. En conséquence, nous concluons que votre demande est dépourvue de base légale ».

Mais en réponse, Greg Nemitz porte l’affaire devant le tribunal fédéral du Nevada, qui conclut à son tour que le Traité de l’espace, même si sa rédaction formelle ne s’adresse qu’aux États, « ne crée aucun droit justifiant l’appropriation privée par Nemitz des astéroïdes ». Toujours mécontent, le gardien de parking astral fit appel, et perdit de nouveau pour les motifs déjà énoncés par les premiers magistrats.

Quant à la sonde ? Elle stationne toujours gratuitement ici, sur 433 Éros, à une distance de 170 millions de kilomètres de la Terre… Bonsoir !

 

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