Sonia, enceinte de 7 mois : « J’étais debout, il m’a étranglée avec ses mains »
Parce qu’elle l’énervait, un soir, Samir a étranglé, bousculé et fait chuter Sonia, sa compagne, enceinte de 7 mois. Cette dernière a déposé une plainte qu’elle a retirée deux jours plus tard – ce qui n’a pas empêché le déferrement de Samir à l’audience de comparution immédiate de Pontoise, mercredi 27 avril.
Assise au premier rang, Sonia fait grise mine. La présidente l’a remarqué : « Ça va madame ? Vous êtes enceinte ? ». Elle l’est, en effet, de 7 mois.
« — Si ça ne va pas il faut partir, je ne veux pas que vous ayez un malaise.
— Je vais essayer de rester un peu ».
Elle tente de trouver une position plus confortable sur ces bancs qui ne le sont pas, étend ses jambes, pose un bras sur le dossier, l’autre sur son ventre, et ses yeux sur le box.
A l’intérieur, Samir, barbu de 35 ans. Terni par une nuit en garde à vue, il parcourt d’un regard vague la salle presque vide, sans s’attarder sur Sonia, sa compagne. Elle au contraire le fixe intensément. Elle porte son enfant et deux jours auparavant, Samir l’a étranglée.
À la présidente qui lui pose la question rituelle, souhaite-t-il être jugé le jour même ou avoir du temps pour préparer sa défense il rétorque : « Je préfère être jugé aujourd’hui.
— Eh bien, c’est ce qu’il va se passer ! »
La présidente débute alors un long exposé des faits.
« Madame raconte qu’elle a déménagé à Eaubonne avec son compagnon, c’est-à-dire vous, Monsieur, il y a environ 4 mois, et que depuis elle subit des violences verbales et physiques. Au commissariat, ce dimanche 24 avril, vous expliquez, Madame, que Monsieur a été très violent la veille au soir. » Il y a eu des gifles, des coups, des insultes, il a également détruit son smartphone en le projetant contre un mur. Samir ce soir-là voudrait qu’elle « dégage » mais « avec l’enfant, elle l’oblige à l’héberger », cite la présidente.
« Vous dites : je l’aime, je veux me remettre avec lui. »
Sonia a eu tellement peur qu’elle s’est décidée à aller parler aux policiers et leur a déclaré vouloir porter plainte, « même si c’est très dur pour moi ». En pleurs, elle a ajouté : « J’étais debout et il m’a étranglée avec ses mains, il a serré, sans plus, il m’a poussée avec ses deux mains et je suis tombée sur le flanc droit. Il ne m’a pas aidée à me relever ». Les blessures ont été constatées par un médecin, mais Sonia se s’étant pas rendue aux unités médico-judiciaires, aucune ITT n’a été retenue. « C’est votre copine Safia qui est venue vous aider et vous accompagner à l’hôpital », reprend la présidente. « C’est une copine, mais pas trop non plus, car elle n’a pas voulu témoigner pour vous ; madame ne voulait pas d’ennui. » Le lendemain, Safia revient au commissariat et dit : « Ma copine ne veut plus porter plainte. » La présidente se tourne vers Sonia : « Vous dites : je l’aime, je veux me remettre avec lui. »
Le 25 avril, les policiers ont appelé Sonia pour insister. Elle les informe à ce moment-là qu’elle ne peut pas sortir de chez elle : son compagnon est parti au travail avec toutes les clefs de l’appartement où elle est enfermée. Le soir, Samir est placé en garde à vue.
Sonia ne change pas d’avis. Le 26 avril, elle retire sa plainte, car, dit-elle, elle l’aime et elle est enceinte. « Je voulais juste qu’il fasse une garde à vue pour le punir, que ça lui serve de leçon. Je ne pensais pas que ça prendrait de telles proportions. » Samir est déféré en comparution immédiate où il comparaît ce jour, mercredi 27 avril.
La présidente s’adresse à Sonia d’une voix douce. « Restez assise. Madame, quand vous évoquez ce qui vous a été fait, vous dites bien la vérité, vous n’êtes pas une menteuse ? Mais vous dites qu’il est le père de votre enfant et que vous espérez qu’il change ?
— Oui, c’est à lui de voir en fait. »
La présidente se tourne vers le prévenu : « Monsieur, nous vous écoutons sur les faits. »
«— Je l’ai prise par la gorge et je l’ai bousculée, avoue Samir.
— Ce sont des violences ?
— Oui. »
En garde à vue, il réfutait toute violence. A l’audience, il nie avoir porté des coups, mais concède qu’il ne s’en souvient peut-être pas.
«— Vous dites que c’était pour calmer madame. Il fallait la calmer ? Pourquoi ?
— Elle était agressive, impulsive.
— Cela se manifestait comment ? Par des insultes ? Ce ne sont pas des gestes, ce sont des mots. Qu’en pensez-vous ? » Samir préfère ne pas répondre, puis il répète : Sonia l’insultait souvent. Il se tourne vers elle. « Monsieur, vous ne regardez pas madame, vous vous adressez au tribunal ! »
« Moi, je peux vous dire que ça recommence presque toujours »
Sonia savait que le retrait de sa plainte n’aurait pas d’effet sur les poursuites, et elle sait qu’il risque la prison et qu’elle devra quitter leur appartement dont elle ne peut payer le loyer, car elle ne travaille pas. Elle a demandé à une association de l’aider à trouver un endroit où loger si ce scénario devait se réaliser.
Avant le réquisitoire, la présidente livre son analyse : « Monsieur, je vais vous dire une chose. Je ne sais pas ce qu’il va se passer, je ne sais pas si ça va recommencer. Moi, je peux vous dire que ça recommence presque toujours. Comment allez-vous nous convaincre ? Est-ce que vous êtes disposé à suivre des soins ? À voir un psychologue ? Parce que vous ne buvez pas, ne vous droguez pas. C’en est presque inquiétant. » Ajoutons que Samir, ambulancier de profession, a un casier judiciaire vierge.
« Monsieur est un impulsif. Il ne se contrôle pas ! »
Le procureur se lève, grave. « On a une dame qui est l’archétype de la victime de violences conjugales. Comment fera-t-on pour qu’elle retrouve sa dignité de femme ? » Qualifiant les faits de « dérapage extrêmement dangereux », il requiert 10 mois de prison avec sursis probatoire et une obligation de soins. Il réclame également que le logement soit attribué à Sonia et que, pendant les deux ans du sursis, Samir ait l’interdiction d’entrer en contact avec elle. « Monsieur est un impulsif. Il ne se contrôle pas ! »
L’avocat du prévenu n’est pas d’accord avec l’interdiction de contact, dont il sera impossible selon lui d’obtenir une main levée. « Comment obliger Monsieur à payer le loyer ? Et puis, ils doivent être ensemble au moment de l’accouchement. Ils ont des projets ensemble. C’est un précieux soutien. »
Sonia a hésité mais, épuisée, elle n’est finalement pas restée pour entendre la décision. Samir est entré de nouveau dans le box et a entendu la présidente le condamner à 10 mois de sursis probatoire, à une obligation de soins et de travail. Puis, elle lui a dit : « Si jamais vous recommettez des violences, Monsieur, vous irez en prison direct. »
Référence : AJU301157