Tueries du Brabant en Belgique : un dernier espoir ?
Dans les années 80, l’affaire dite « des tueurs fous du Brabant » a ensanglanté la Belgique. Le 27 juin dernier, la justice annonçait fermer le dossier. Mais un rebondissement a permis de relancer les investigations. Les explications de Michel Leurquin, auteur d’un livre d’enquête sur ce scandale*.

Le 27 juin 2024, le Parquet fédéral recevait les parties civiles du dossier dit « des tueurs fous du Brabant » dans les anciens bâtiments de l’Otan rachetés par le ministère de la Justice. Ces bâtiments sont devenus le « Justicia » utilisé notamment pour les grands procès d’Assises comme celui des attentats de Bruxelles. Les familles des victimes ne savaient pas trop à quoi s’attendre, mais elles nourrissaient encore quelques espoirs car le Parlement belge venait d’adopter une réforme en matière de prescription. La loi sur l’imprescriptibilité qui englobait déjà depuis des décennies les crimes de génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre venait d’être étendue en 2019 aux violences sexuelles sur mineurs, mais aussi aux crimes graves en raison de leur portée, en particulier du nombre de victimes, ou de la peur intense et la terreur suscitée chez les citoyens et aux crimes visant à déstabiliser ou à détruire les structures fondamentales du pays. Une loi d’exception votée pour le dossier « Brabant wallon ».
Les mauvais garçons et le bar à filles
On ne reviendra pas sur les détails de cette journée déjà relatée dans notre article du 21 août 2024 (à lire ici). La conclusion des trois magistrates à l’époque est sans appel : l’enquête sur les tueurs du Brabant est clôturée définitivement. Mais il existe encore une petite porte d’entrée : si des parties civiles apportent de nouveaux éléments, leurs avocats pourront demander des devoirs d’enquêtes supplémentaires en passant par la chambre du Conseil de Mons. On s’étonnera qu’une telle Chambre puisse ainsi ordonner au puissant Parquet fédéral de faire de nouvelles investigations, mais c’est un garde-fou démocratique et c’est très bien ainsi.
Deux avocats ont estimé que des éléments n’avaient pas donné lieu à des investigations suffisantes et ont déposé un recours devant la Chambre montoise. Le premier, l’avocat français Patrick Ramaël, estime que deux mauvais garçons de Charleville-Mézières ayant des bars à filles en Belgique, les frères Sliman, étaient le noyau dur de la bande et que les enquêteurs de la Cellule Brabant Wallon (CBW) n’avaient pas exploité suffisamment cette piste. La décision de la Chambre, reportée pour une question de conflit d’intérêts, est attendue courant mars. Un autre avocat, flamand, Kristiaan Vandenbussche qui défend la famille d’une personne assassinée sur le parking d’un supermarché à Alost le 9 novembre 1985 a également plaidé à Mons. La réponse est tombée assez vite : au grand étonnement de tous, les juges de Mons ont ordonné des devoirs d’enquête supplémentaires au Parquet fédéral sur cette « nouvelle ancienne » piste.
Le secours inattendu d’un jeu d’enfants

Kristiaan Vandenbussche est tombé sur une pièce… étonnante dans le dossier : la copie d’une feuille de papier arrachée à un carnet avec des modèles de voitures et leur plaque. Un document non exploité à l’époque. Des enfants habitant Opwijk (près d’Alost) avaient une passion en novembre 1985 : observer les voitures et noter leur numéro de plaque. Maitre Vandenbussche constate que figure sur la liste une Mercedes blanche avec une plaque d’immatriculation jaune et des lettres noires, vue aussi lors de l’attaque. Le lendemain de l’attaque du 9 novembre, le père de l’enfant alertera la gendarmerie locale qui saisira le carnet, mais sans l’exploiter…
La liste des enfants signale aussi une Golf GTI foncée. Après quelques recherches, l’avocat découvre que la plaque appartient à une société spécialisée dans le commerce d’alcool qui fournissait chaque semaine des boissons au restaurant L’Auberge du Chevalier à Beersel, où le veilleur de nuit José Vanden Eynde a été brutalement assassiné le 23 décembre 1982 par la bande. Les plaques auraient pu être changées par un garagiste dont le nom revient souvent dans le dossier. Cette même société effectuait également, par le biais de factures falsifiées, des livraisons de vin et de champagne au bureau de change Kirchen and Co, une entité controversée principalement impliquée dans le commerce de diamants.
L’avocat flamand parviendra-t-il à résoudre l’une des plus grandes affaires criminelles au monde grâce à un simple détail retrouvé après quatre décennies ? La balle est dans le camp du Parquet fédéral et de la juge d’instruction qui se sont engagés à faire le nécessaire pour que cette piste soit enfin exploitée comme il se doit. C’est peut-être là que le bât blesse : la magistrature belge va-t-elle aller au bout ?
*Michel Leurquin, Les tueurs fous du Brabant. La Manufacture de livres, février 2024.
Pour en savoir plus sur le traitement judiciaire de cette affaire : Le mystère des « Tueurs fous du Brabant » sera-t-il un jour élucidé ? – Actu-Juridique
Référence : AJU497384
