Avocats : « Le Secret, la Justice et nous »
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 novembre dernier par le Premier ministre de l’examen de constitutionnalité de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Les avocats espèrent qu’à cette occasion, les sages de la rue de Montpensier se pencheront sur le secret des avocats – l’un des points les plus discutés de la loi (1) – , comme il l’a fait à propos du secret médical dans sa décision du 9 novembre portant sur la loi de vigilance sanitaire. Dans cet objectif, Me Sophie Mazas, avocate à Montpellier a déposé des observations en intervention (amicus curiae). Elle a opté pour la forme inhabituelle mais valable juridiquement du poème, parce que, confie-t-elle à Actu-Juridique, « de guerre lasse, la technique n’ayant pas réussi à passer le filtre de l’examen lors de textes précédents, je suis passée à la forme poétique ».
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Le Secret, la Justice et nous
Sages de Montpensier, je vous saisis d’un doute,
Pas celui, mesquin, d’être moi-même sous écoute,
Je ne vous écris pas pour défendre mon être,
Mais bien pour le Secret, préservé dans mes aîtres.
Au seul motif « plausible » de ma complicité,
La perquisition de mes dossiers serait autorisée,
Blanchiment, trafic fiscal et le crime suprême,
Le terrorisme, aussi, est convoqué sur scène.
Tout est bon aujourd’hui pour voir dessous la robe
De l’Avocat, les faits qui pourtant se dérobent ;
Mais pour que la Vérité, en toute fin surgisse,
Et que du fil du procès ressorte la Justice,
Auxiliaire de Justice, je dois être protégé,
Des intrusions du juge, de la police, du parquet.
Débordant du cadre, du sonnet et des vers,
Je pense à la Turquie, aux souvenirs amers,
De mes Confrères, exposés pour de prétendus vices,
Instrumentalisés par devant la Justice.
Eux là-bas, nous ici, aux clients associés,
« Complicité » politique, aux dires du parquet.
La loi contestée la suffit « non intentionnelle »
Et sans l’avoir commis, en serions criminel.
Nous voila devenus la cible potentielle,
D’une démocratie qui verrouille autour d’elle
Tous les discours clamant « Que la Justice est belle ! ».
En ayant oublié que, sans Droit de la Défense,
Sans secret ni espoir d’un à qui se confier,
Thémis a disparu, sans son humanité.
(1) Lire notre dossier complet sur la question du secret professionnel de l’avocat dans la loi sur la confiance dans l’institution judiciaire.
Référence : AJU259069