Droits de l’Homme : un guide en ligne pour renforcer les connaissances

Publié le 01/12/2023

Disponible dans une dizaine de pays européens, le guide sur les droits de l’Homme est désormais accessible en français. Coopérative, cette plateforme en ligne doit permettre de « contribuer à une meilleure connaissance des droits de l’Homme et renforcer par cela leur défense », explique Clémence Bisson, directrice des programmes au sein de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix, l’association responsable de la version française du guide.

Actu-Juridique : Ce guide a une dimension à la fois européenne et nationale ?

Clémence Bisson : Oui en réalité ce guide a été créé par un consortium européen à l’initiative d’une ONG lettonne : la Baltic Human Rights Society. L’idée est de proposer une plateforme européenne numérique d’éducation aux droits de l’Homme selon une approche innovante. Ainsi le sujet est abordé selon des thématiques (liberté d’expression, discrimination, prison, etc.) et non par articles de droit comme on a l’habitude de le voir. Depuis son lancement en 2014, ce guide est devenu progressivement disponible dans près d’une dizaine de pays : Lettonie, Estonie, Lituanie, Slovaquie, Slovénie, Bulgarie, et depuis peu en France et en Croatie. Il a également été traduit en Anglais et en Russe. Sa principale particularité est qu’il présente, pour chaque pays, une version adaptée au contexte juridique national. Ainsi, si le contenu de base est le même, fondé sur le travail d’experts juridiques et universitaires lettons, les développements varient selon le droit national de chacun des partenaires membres du consortium. Ces membres sont par ailleurs chargés de la traduction du guide. Il s’agit pour la France de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix.

AJ : La version française en ligne n’est donc pas le fruit d’un seul exercice de traduction ?

Clémence Bisson : Non, en effet. Les règles juridiques ne sont pas les mêmes en France qu’en Lituanie ou en Slovaquie par exemple, il a donc fallu que l’on adapte les contenus selon le droit et la jurisprudence française. Le tout étant validé bien sûr par un comité scientifique composé de professeurs d’université. Si les droits de l’Homme dans leurs principes sont semblables à tous les pays européens, les règles de droit qui les protègent et les encadrent ne sont pas toutes identiques dans les détails. Les atteintes à la liberté d’expression, par exemple, ne sont pas punies de la même façon dans chacun des pays membres du consortium.

AJ : À quoi va servir concrètement ce guide ?

Clémence Bisson : L’objectif est clair : contribuer à une meilleure connaissance des droits de l’Homme et renforcer par cela leur défense. Au sein de l’Institut nous considérons cet outil comme un pont entre les citoyens et les institutions telles que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) ou le Défenseur des droits. Ce guide, qui présente une démarche innovante par son caractère européen et son approche thématique, s’inscrit par ailleurs dans un ensemble d’actions déjà existantes qui visent à renforcer les savoirs des citoyens. C’est le cas par exemple d’un vadémécum sur les droits de l’Homme que nous avons publié par le passé avec le Conseil national des barreaux (CNB). Il complète également les actions de diffusion et de formation aux droits de l’Homme mises en œuvre sur le terrain auprès des jeunes, professionnels de l’éducation, détenus…

Enfin, si ce guide est riche en matière juridique, il n’en reste pas moins accessible et peut être, à cet égard, exploité comme un outil pédagogique pour les étudiants et les professionnels de jeunesse. Il y a notamment une série de tests qui permettent de mesurer ses connaissances de façon ludique.

AJ : Comment justement espérez-vous remplir votre mission et intéresser les citoyens ?

Clémence Bisson : Nous favorisons, autant que faire se peut, les partenariats. Notre action ne peut s’inscrire que dans une approche collective. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous avons organisé l’événement de lancement, le 14 novembre dernier, au côté d’une part, de la Baltic Human Rights Society, et d’autre part, avec les parties prenantes françaises que sont le Conseil national des barreaux, le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. À présent nous allons également nous atteler à développer un plan de communication pour informer le public le plus large possible.

AJ : À ce propos, comment définiriez-vous les « droits de l’Homme » ? C’est une notion évidemment connue mais néanmoins difficile à saisir pour un justiciable…

Clémence Bisson : Les droits de l’Homme se réfèrent à l’éventail des protections juridiques existantes pour tout être humain et ses libertés fondamentales. Les droits de l’Homme sont inscrits dans des grands textes internationaux tels la Déclaration universelle des droits de l’Homme, souvent méconnus des citoyens, créant ainsi une distance avec eux. Pourtant, les droits de l’Homme se vivent au quotidien. Ils se retrouvent dans la vie de chacun dans l’exercice par exemple de la liberté d’expression, de mouvement ou de réunion, le droit à l’éducation, à la culture. Sans eux, des activités qui nous paraissent tout à fait banales aujourd’hui pourraient être impossibles ou interdites. Sans droits de l’Homme, nous ne pourrions peut-être pas exercer une profession, nous rendre dans un espace public, nous faire soigner ou voter. Il est essentiel de les faire connaître pour que les individus puissent s’approprier ces droits fondamentaux et pouvoir notamment les protéger en les revendiquant en cas de violation auprès des autorités compétentes.

AJ : Les droits de l’Homme sont-ils menacés aujourd’hui ?

Clémence Bisson : Beaucoup d’entre nous estiment ces droits sont acquis pour toujours. Néanmoins, il est primordial de s’engager pour les préserver, voire les renforcer. L’actualité, en France, en Europe ou dans le monde, nous montre bien que les droits fondamentaux peuvent être continuellement menacés. Aussi, nous ne devons pas oublier que la violation des droits fondamentaux d’un individu constitue une violation pour tous. Les droits de l’Homme sont des droits individuels mais s’entendent universellement et de manière interdépendante, pour protéger la liberté, l’égalité et la dignité de l’ensemble des êtres humains. Il suffit qu’un droit soit fragilisé pour que l’ensemble des libertés fondamentales le soient aussi. Au sein de l’Institut international des droits de l’Homme et de la paix nous ne cessons de nous impliquer en faveur de l’éducation à ces enjeux afin de combattre toute forme de violence, de racisme, d’intolérance ou de discrimination.

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