Insolite : Quand planter son parasol à la plage semble illégal
Quiconque arrive sur une plage en été installe immédiatement sa serviette, son parasol ou sa tente, voire d’autres objets tout aussi indispensables à son confort. Mais cette occupation du domaine public est-elle bien légal ? Notre spécialiste des questions insolites, Raphaël Costa, est allé fouiller dans les grimoires les plus arides pour répondre à cette estivale interrogation…
Sauf à être juriste, et encore, il est assez rare de se rendre sur la plage avec un Code général de la propriété des personnes publiques (le CG3P) sous le bras. Et c’est heureux, car si l’ouvrage peut s’avérer aussi passionnant qu’un sudoku, son utilisation détend moins. Parfois même, elle inquiète.
Du droit d’occuper une dépendance du domaine public
Le trouble naît à la lecture de l’article L. 2122-1 : « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public […] ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ». Or justement, la plage fait partie du domaine public ! Et le fait d’y bronzer n’excèderait-il pas le « droit d’usage qui appartient à tous » ? Toujours est-il que la délivrance d’une « autorisation […] par l’autorité compétente est obligatoire lorsque l’occupation ou l’utilisation du domaine public devient privative »[1]. Et cette utilisation devient privative lorsqu’elle empêche « à l’usage commun une portion du domaine au profit d’un particulier »[2].
Dès lors, si la promenade au bord de l’eau et la baignade au dedans ne posent pas de difficultés d’appropriation du domaine public, la question des parasols, des serviettes étendues et des affreuses tentes coupe-vent semble plus délicate ! Tous ces accessoires de plage privent en effet les autres vacanciers de la portion du domaine public occupée.
Et bien que l’article L. 321-9 du Code de l’environnement permette à l’estivant de se rassurer et de retourner à sa bronzette – « l’usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages » – la lecture de ce code pour se détendre en bord de mer durant les congés n’est pas davantage entrée dans les mœurs habituelles des vacanciers que celle du CG3P (ce que nous déplorons…).
Heureusement, depuis un arrêt rendu par le Conseil d’état en 2021[3], une version commentée et à jour du CG3P se suffit à elle-même pour résoudre la question ! L’histoire est celle d’un hôtel en bord de mer qui propose à ses clients un ponton, des transats et des parasols sur la plage sans autorisation, hôtel qui conteste la décision du juge administratif de l’avoir expulsé du domaine public maritime en ordonnant le démontage de toutes les installations.
Et les châteaux de sable ?
Le Conseil d’État va alors profiter de cette affaire pour préciser le droit au parasol des particuliers, afin sans doute de mettre fin au stress inutile provoqué par l’article en question du CG3P : « l’installation et l’utilisation à titre précaire et temporaire d’accessoires de plage par les piétons n’excèdent pas le droit d’usage qui est reconnu à tous sur la dépendance du domaine public maritime qu’est la plage […] quand bien même ce matériel ne serait pas la propriété des usagers concernés et aurait été mis à leur disposition par des tiers dans l’exercice d’une activité commerciale, dès lors qu’il est utilisé sous leur responsabilité, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu’il est retiré par leurs soins après utilisation ».
L’hôtel en question n’a pas dû apprécier cette décision, vu que ses installations étaient permanentes et donc illégales. En revanche, cet arrêt rassure tous les vacanciers autant qu’il régularise l’ensemble de leurs équipements de plage temporaires et amateurs ! Ouf…
Toutefois, rien n’est dit sur le scandale d’urbanisme à venir que constituent les châteaux de sable, dont la construction semble illégale à moins de 100 mètres du bord de l’eau à marée haute ! « Les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage », article L. 121-16 du Code de l’urbanisme… Heureusement, sa lecture à la plage est encore moins courante que celle du Code de l’environnement et du CG3P. Pour l’instant…
Bonsoir !
Raphaël Costa
[1] Estelle Benoit, « Occupation privative du domaine public maritime : quid des accessoires de plage ? », Dalloz Actualité, 23 mars 2021.
[2] CAA Nancy, 5 novembre 2009, n° 09NC00181.
[3] 12 mars 2021, req. n° 443392.
Référence : AJU381024