Les célébrités ont-elles toujours un droit à l’image, même après leur mort ?

Publié le 07/11/2023
Les célébrités ont-elles toujours un droit à l’image, même après leur mort ?
VectorMine/AdobeStock

À l’heure des deepfakes, où l’intelligence artificielle crée des images et des vidéos à partir de celles de personnes décédées, qu’en est-il du droit du défunt et de ses héritiers sur ces pratiques ? Selon le droit civil, le droit à l’image s’éteint au décès de la personne mais, curieusement, le Code pénal semble être le garant de la mémoire des personnes décédées.

Le nom Birkin restera à jamais celui du sac à main le plus célèbre de l’histoire mais qu’en sera-t-il maintenant de l’image de la défunte Jane ? Le décès d’une personne célèbre ravive en effet toujours le vieux débat juridique concernant le droit à l’image des personnes décédées.

À l’instar de son célèbre compagnon d’une vie, Serge Gainsbourg, et d’autres icônes de notre temps, nombreuses sont les personnalités dont on continue de voir le visage ou la silhouette après leur mort. Une nouvelle émission est même allée plus loin et a choisi comme concept de redonner vie aux célébrités lors d’interviews. Ainsi, grâce à l’utilisation du deepfake, vous pouvez voir Dalida ou encore Coluche de retour parmi les vivants. Le deepfake, ou hypertrucage, est une technique basée sur l’intelligence artificielle permettant de superposer des fichiers vidéo et/ou audio sur des fichiers existants.

Ces interviews, bien qu’elles soient imaginées à des fins bienveillantes et positives d’hommage, suscitent de vifs débats. D’une part parce qu’elles n’ont en réalité jamais eu lieu, mais également pour une question de protection du droit à l’image. Ces célébrités ont certes été des personnalités publiques mais leur image reste-t-elle protégée après leur décès ?

C’est l’article 9 du Code civil qui, en France, consacre le droit à l’image et garantit ainsi à chacun le respect de sa vie privée et de son image. Ce droit s’applique à tous, y compris aux personnalités renommées lorsqu’elles ne sont pas en plein exercice de leur activité professionnelle.

Dans le cas des personnes décédées, la jurisprudence de la Cour de cassation est sans équivoque : « le droit à l’image, attribut de la personnalité, s’éteint au décès de son titulaire et n’est pas transmissible à ses héritiers » (Cass. 1re civ., 31 janvier 2018, n° 16-23591).

Ainsi cette protection offerte par l’article 9 du Code civil ne s’étend pas aux personnes décédées. Si les héritiers d’Élisabeth II avaient été soumis au droit français, comment auraient-ils pu faire valoir son droit à l’image après sa mort ?

En droit français, les ayants droit disposent de deux options. Tout d’abord, l’article 1240 du Code civil leur permettant d’invoquer un préjudice moral découlant de l’atteinte à la mémoire ou au respect de la personne décédée. Cependant, les ayants droit seraient confrontés à la difficulté de prouver un préjudice personnel.

Plus efficace semble l’article 226-8 du Code pénal qui prévoit des sanctions pour la publication d’un montage réalisé avec l’image d’une personne sans son consentement, à condition qu’il ne soit pas évident qu’il s’agit d’un montage. Le consentement de la personne décédée étant impossible, cet article remet même en cause la légalité de réaliser un deepfake à partir d’images de personnes décédées. Le Code pénal semble ainsi être le garant de la mémoire des personnes décédées. Or est-ce bien l’intention de cet article d’interdire dans tous les cas et pénalement la réalisation d’un tel montage ? Qu’en dirait la Cour de cassation ?

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