Le juge des référés du Conseil d’État refuse de suspendre le décret prescrivant aux préfets de certains départements d’instaurer un couvre-feu
Par l’article 51 d’un décret du 16 octobre dernier, le Premier ministre a prescrit aux préfets de 16 départements d’instaurer un couvre-feu entre 21 h et 6 h dans des zones qu’il leur incombe de définir.
Une association et plusieurs requérants individuels ont demandé au juge du référé-liberté du Conseil d’État de suspendre cette mesure ou d’en limiter la portée en restreignant sa plage horaire et en prévoyant de nouveaux motifs de dérogation. Par l’ordonnance de ce jour, le juge des référés rejette leur demande.
En période d’état d’urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités administratives de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie. À cet effet, elles peuvent notamment adopter une mesure générale faisant interdiction aux personnes de sortir de leur domicile durant certaines heures. Mais une telle mesure qui, par nature, porte atteinte à la liberté personnelle, doit être nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi.
Le juge des référés relève d’abord que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s’est amplifiée ces dernières semaines, et que la crise sanitaire s’aggrave nettement, en particulier dans les 9 métropoles des départements concernés. Il constate qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, les contaminations surviennent, pour une grande part, dans les lieux privés. Il précise qu’une mesure de couvre-feu semble avoir montré son efficacité pour limiter la propagation du virus lors de sa mise en œuvre en Guyane en mars dernier.
Le juge constate par ailleurs que la mesure est assortie de nombreuses dérogations correspondant à des déplacements indispensables, qu’elle est limitée dans le temps à la période d’état d’urgence sanitaire, et qu’elle revêt un caractère moins restrictif qu’un confinement.
Enfin, le juge souligne la difficulté de moduler les horaires d’interdiction selon les zones géographiques concernées, le risque que ferait courir une extension des motifs de dérogation, et l’obligation pour le Premier ministre et pour les préfets de mettre fin sans délai aux mesures dès qu’elles ne seront plus strictement nécessaires.
Le juge en déduit que la disposition prescrivant aux préfets d’instaurer un couvre-feu ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales.