Cette semaine chez les Surligneurs : l’erreur de G. Darmanin avec l’ultradroite

Publié le 17/05/2023

Le ministre de l’intérieur G. Darmanin a décidé de demander aux préfets de prendre systématiquement des arrêtés d’interdiction contre les manifestations d’ultradroite. Hélas, ça ne marche pas comme ça. Les Surligneurs vous expliquent pourquoi le juge administratif a désavoué le ministre. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur le drapeau européen et l’édition génétique. 

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Gérald Darmanin demande aux préfets de faire en sorte que toute déclaration de manifestation de la part d’un militant ou d’une association d’ultradroite fasse l’objet d’un arrêté d’interdiction

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a été interpellé à l’Assemblée à propos du défilé d’ultradroite à Paris le 6 mai, qui a choqué en raison des insignes et autres postures néofascistes constatés, en plus des cagoules interdites dans l’espace public. Il a jugé ce type de manifestation inacceptable, mais a justifié l’absence d’interdiction par une décision du tribunal administratif du 7 janvier 2023 qui avait suspendu un précédent arrêté préfectoral interdisant précisément une manifestation d’ultradroite, car les risques de troubles à l’ordre public n’étaient pas démontrés.

Le ministre a ensuite annoncé que dorénavant, il demanderait à tous les préfets de prononcer des arrêtés d’interdiction chaque fois qu’une déclaration de manifestation serait établie par une personne ou une association d’ultradroite. Ce qui pose deux problèmes.

Premièrement, un ministre ne peut ordonner aux préfets d’interdire une manifestation par principe. En effet, la loi confère au préfet le pouvoir de vérifier qu’une manifestation déclarée est susceptible de provoquer des troubles à l’ordre public, et de l’interdire s’il « estime » que tel est le cas (art. L211-4 CSI). Ce dernier apprécie le risque de trouble sur le terrain, au cas par cas, par l’analyse des faits au moment où ils se produisent, et pas à l’avance. Donc le ministre de l’Intérieur, en ordonnant aux préfets d’interdire systématiquement et par principe, empiète sur leurs pouvoirs légaux.

Deuxièmement, une interdiction d’une manifestation ne peut être prononcée que si trois conditions sont réunies. Elle doit être nécessaire au vu des circonstances locales. Elle doit aussi être la seule mesure adéquate, au sens où elle permet d’éviter le trouble. Et surtout, elle doit être proportionnée au sens où il n’existe pas de mesure moins sévère apte à éviter le trouble à l’ordre public. Cette proportionnalité s’évalue au cas par cas, jamais de façon générale et absolue comme l’a ordonné le ministre.

Gérald Darmanin a ajouté : « nous laisserons les tribunaux juger ». Il entend ainsi faire porter aux juges la responsabilité de ces images choquantes néofascistes dans les rues. C’est un pari risqué. À circonstances similaires, le juge suspendra tout arrêté d’interdiction qui ne démontre pas les risques de trouble, en somme toute interdiction de principe.

Toutefois, le défilé d’ultradroite du 6 mai a donné lieu à des comportements illégaux, en particulier de postures nazies ou néofascistes. Si le même individu ou le même mouvement déclarait une nouvelle manifestation à Paris ou ailleurs, le préfet pourrait se servir de ce précédent pour interdire et ainsi éviter la réitération d’un trouble à l’ordre public. (CE 9 janvier 2014, Dieudonné, n°374508).

Samedi 14 mai, très logiquement, le Tribunal administratif de Paris a suspendu en référé-liberté deux arrêtés d’interdiction de rassemblements et de réunions (un colloque) émis par le préfet de police de Paris .

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Pour le député (LFI) Arnaud Le Gall, le drapeau européen est “un symbole d’appartenance à une organisation sur la politique de laquelle [le peuple] n’a pas son mot à dire”

La proposition de loi des députés Renaissance visant à rendre le drapeau européen obligatoire sur le fronton des mairies semble avoir viré au débat “pour ou contre l’Union européenne”. Pour le député Arnaud Le Gall (LFI), si le gouvernement veut “réconcilier le peuple français avec l’Europe, il faudra d’autres mesures que d’imposer sur les mairies un symbole d’appartenance à une organisation sur la politique de laquelle il n’a pas son mot à dire ». Concrètement, ce n’est pas le cas.

Il peut y avoir un sentiment d’absence de prise sur la politique européenne. Or ce sentiment, relayé par le député, ne résiste pas à l’épreuve des faits et du droit, même si l’influence des citoyens français est forcément plus diluée dans un Parlement européen avec 79 députés sur 705, que dans une Assemblée nationale (AN) à 577.

Les députés du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, avec un scrutin à la proportionnelle. Théoriquement donc, la représentation des Français à Strasbourg est plus fidèle à la composition politique du pays qu’à l’AN : contrairement à l’élection à l’AN, le parti présidentiel n’a pas pu bénéficier au Parlement européen d’un scrutin majoritaire lui assurant une majorité de sièges alors qu’il n’avait pas obtenu la majorité des voix. Alors que le Rassemblement national et Renaissance avaient obtenu respectivement 23,34 et 22,42 % des voix aux élections européennes de 2019, ils ont obtenu chacun 23 députés. À l’Assemblée nationale, du fait d’un scrutin majoritaire à deux tours, le parti présidentiel avait obtenu 244 sièges en 2022 contre 89 pour le parti lepéniste, un écart bien plus important que l’écart en termes de votes au premier tour (25,75 % pour Ensemble ! contre 18,68 % pour le RN). La NUPES, qui avait obtenu 27 % des suffrages au premier tour, n’obtint que 127 sièges à l’Assemblée nationale.

Quoiqu’il en soit, les électeurs français ont contribué à faire changer les majorités au Parlement européen depuis 1979, ce qui n’est pas non plus sans influence sur la Commission européenne. Celle-ci met en œuvre la politique de l’Union, telle qu’elle a été décidée par le Parlement européen et le Conseil (les États membres). Elle est politiquement responsable devant le Parlement européen et, surtout, sa couleur politique doit être compatible avec celle du Parlement européen (art. 17 TUE). Les députés européens jouent ici un rôle de premier plan car ils doivent valider sa composition mais ils peuvent, en cours de  mandat, la renverser et la contraindre à démissionner s’ils estiment qu’elle ne respecte pas son mandat (art. 234 TFUE). Les députés européens, élus en partie par les citoyens européens en France, ont donc une influence déterminante sur la Commission.

De plus, un ministre français qui assiste à un Conseil de l’Union européenne, et vote les lois européennes aux côtés du Parlement européen, suit les consignes de son gouvernement qui est politiquement responsable devant l’Assemblée nationale (art. 20 de la Constitution), mais il est aussi responsable devant le Président de la République, lui-même élu au suffrage universel.

Enfin, le droit de pétition (art. 227 TUE), les plaintes auprès de la Médiatrice européenne ou du Parquet européen permettent également, à leur échelle, de renforcer la prise politique de chaque citoyen européen.

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Déréglementation des nouvelles techniques de sélection des plantes au niveau européen : l’édition génétique comme outil d’adaptation à la sécheresse

L’agriculture est l’un des secteurs les plus touchés par la sécheresse. L’une des solutions envisagées par l’UE pour lutter contre le changement climatique est l’utilisation des nouvelles techniques de sélection des plantes (new breeding techniques, NBT). Les NBT sont des techniques “capables d’altérer le matériel génétique d’un organiques et qui sont apparues ou se sont développées depuis 2001, date à laquelle la législation actuelle sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) a été adoptée”. Contrairement aux OGM, modifient seulement un gène déjà existant dans l’ADN de cette plante. Leur développement pourrait permettre de lutter contre les effets du changement climatique car les plantes issues des NBT seraient plus résistantes à la sécheresse, nécessitant moins d’eau, et seraient plus résistantes contre les maladies.

La question de leur régime juridique n’est toutefois pas résolue.

Comme il n’existe pas encore de norme européenne régissant la question des NBT, ces techniques ont pu être assimilées à celle des OGM par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Ainsi, le sort du développement des NBT est lié au régime très restrictif des OGM qui est issu de deux directives de 1990 (directives 90/219 et90/220).

En 2001, une directive avait déjà envisagé l’évolution future des techniques en prévoyant une définition assez floue qui pourrait englober les NBT. La directive prévoit notamment une autorisation préalable, la surveillance, la traçabilité et l’étiquetage de produits issus d’OGMs et donc, peut-être, de NBT. L’assimilation des NBT aux OGM (avec leurs contraintes) a été confirmée par la CJUE en 2018, ce qui n’a pas manqué de faire réagir les associations professionnelles qui ont adressé une lettre ouverte à la Commission, lui demandant de renouveler la législation à ce sujet.

Tandis que certains contestent l’assimilation des NBT aux OGM, d’autres  considèrent que les organismes produits par des NBT entrent dans la définition des OGM selon la directive de 2001. Cela étant, près de 420 000 citoyens européens – dont les eurodéputés écologistes et socialistes – ont signé une pétition souhaitant que les NBT soient soumis aux obligations de la directive de 2001.

Enfin, dans une décision du 7 février 2023, la CJUE a semblé faire évoluer sa jurisprudence favorablement aux NBT : elle a considéré que les organismes obtenus par la mutagénèse aléatoire in vitro (une des techniques NBT) sont exclus du champ de la directive de 2001 et donc de la définition des OGM. Il reste donc à voir ce que la Commission proposera pour réglementer les NBT au cours du second trimestre 2023.

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