Cette semaine chez les Surligneurs : peut-on condamner un politique à l’inéligibilité à vie ?
Jean-Luc Mélenchon pourrait-il, s’il était élu, faire en sorte que les personnes condamnées pour corruption soient inéligibles à vie ? Non, répondent les Surligneurs, spécialistes du legal checking. En revanche, sa proposition de bloquer les prix des biens de première nécessité est désormais rendue possible par les événements d’Ukraine. Les Surligneurs pointent aussi le caractère irréalisable des propositions de Marine Le Pen de rétablir les contrôles aux frontières et de Valérie Pécresse d’instituer une présomption de majorité des mineurs refusant de se prêter au test osseux.
Pour Jean-Luc Mélenchon, toute personne condamnée pour corruption doit être inéligible à vie
Balayer l’oligarchie, abolir les privilèges de la caste : le programme de Jean-Luc Mélenchon pour assainir la vie politique est ambitieux. Mais parmi ces mesures, il y en a une qui ne pourra pas être adoptée sans violer les droits fondamentaux : rendre inéligible à vie toute personne condamnée pour corruption.
Il est déjà possible, pour un juge, de prononcer une peine d’inéligibilité. C’est ce qu’on appelle une peine complémentaire, c’est-à-dire que le juge peut l’ajouter à la peine prévue pour corruption.
Les époux Balkany ont ainsi été condamnés en mai 2020 à 10 ans d’inéligibilité pour blanchiment de fraude fiscale. L’ancien ministre de François Hollande, Jérôme Cahuzac, avait lui aussi été condamné en 2018 à 5 ans d’inéligibilité. Et à chaque fois, cette peine venait en complément d’une peine principale : amende et emprisonnement.
Mais cette peine n’est pas obligatoire puisque le Code pénal précise que le juge décide de la prononcer “en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur”.
Pourquoi ne pas sanctionner plus durement les corrompus en les rendant systématiquement inéligibles ? Tout simplement parce que parmi nos droits fondamentaux, il y en a un, le principe d’individualisation des peines, qui prime sur tout notre droit pénal. Ce principe est protégé par le Conseil constitutionnel, qui se fonde sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, texte suprême en France. Rendre cette peine complètement automatique serait contraire à ce principe qui veut qu’à chaque personne on applique la peine qui est la plus adaptée.
Et c’est la même chose pour les peines prononcées à vie. Cette peine, qui pourrait se justifier dans certains cas, serait totalement disproportionnée dans d’autres.
En savoir plus ? Cliquez ici.
Marine Le Pen souhaite rétablir les contrôles aux frontières tout en prévoyant des procédures simplifiées pour les citoyens européens
Dans son programme de campagne, la candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle entend renforcer le contrôle de l’immigration. Pour ce faire, Marine Le Pen veut renégocier les accords de Schengen afin de réinstaurer les contrôles aux frontières, tout en prévoyant des “procédures de franchissement simplifié pour les citoyens des États de l’Union européenne”. Cette proposition est difficilement réalisable, et est même contraire au droit de l’Union européenne.
Il est tout à fait possible de promettre de rétablir les contrôles aux frontières… quant à mettre en œuvre cette promesse, c’est une autre histoire. À part en cas de crise dans ces situations prévues par la directive 2004/38 et le Code Schengen, il n’est pas possible de les rétablir. Ou alors il faudrait modifier les traités européens, ce qui requiert l’unanimité des États membres, dans un domaine qui est un pilier de l’Union. Autant dire que c’est quasiment impossible.
En savoir plus ? Cliquez ici.
Valérie Pécresse propose dans son projet de campagne de “présumer majeur tout mineur non accompagné qui refuse un test d’âge osseux”
La promesse de Valérie Pécresse a pour objet, comme elle l’indique, “de stopper l’immigration actuelle”, en établissant une présomption de majorité pour tout jeune étranger refusant de se soumettre à un examen radiologique osseux. Cette promesse électorale ne pourra être tenue sans modifier la Constitution et revenir sur les engagements internationaux de la France.
En effet, en 2019, une décision du Conseil constitutionnel confirme la possibilité d’avoir recours à ces tests, mais renforce les garanties qui s’y attachent au nom d’une “exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant” (découlant des articles 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946). Le Conseil souligne dans sa décision l’importance de s’assurer que “des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures” et il exclut formellement toute présomption de majorité.
En savoir plus ? Cliquez ici.
Blocage des prix de première nécessité : ce que proposait Jean-Luc Mélenchon est désormais possible
Pour Jean-Luc Mélenchon, candidat La France Insoumise à l’élection présidentielle, il existe une “urgence sociale”, qui servirait de fondement juridique pour un décret tendant à bloquer les prix des produits de première nécessité, ce qui inclut l’alimentation, mais aussi le gaz, l’électricité ou encore le carburant. Plus récemment, la candidate du PS à l’élection présidentielle, Anne Hidalgo, dans son message condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, anticipe une hausse en effet très prévisible des matières premières, et en conséquence de l’électricité et du gaz. C’est ce qui la conduit à réclamer le blocage de leur prix.
Nous avons pu écrire plusieurs fois et notamment à propos des promesses de Jean-Luc Mélenchon, qu’il serait très difficile de justifier, en l’état actuel de la législation, un blocage des prix, notamment du gaz et de l’électricité.
Désormais, la situation créée par l’invasion russe peut assurément être qualifiée de “situation de crise”, ou “circonstance exceptionnelle”. Il s’agirait de bloquer les prix dans un “secteur déterminé” au sens du Code de commerce, ce qui est bien le cas du gaz et de l’électricité.
En savoir plus ? Cliquez ici.
La loi sur les lanceurs d’alerte est-elle vraiment “la meilleure d’Europe” ?
Sylvain Waserman, député (Modem) du Bas-Rhin, a affirmé, le 11 février 2022, que la France a “la meilleure législation européenne en matière de protection des lanceurs d’alerte”. Qu’en est-il réellement ?
Faute d’applications concrètes, il est difficile de décrire une loi comme étant ou non la “meilleure d’Europe”. Mais en comparant la directive d’octobre 2019 et le contenu de la loi dite “Waserman”, il paraît à notre sens exact d’affirmer, à cette heure, que cette dernière est bien, sur le papier, la plus protectrice d’Europe.
En savoir plus ? Cliquez ici.
Référence : AJU277011
