Chez les Surligneurs : Peut-on doter le Parlement européen d’un droit d’initiative législative ?

Publié le 07/06/2024

Est-il possible, comme le réclament les Écologistes, de doter le Parlement européen d’un droit d’initiative législative ? Oui, mais ce serait difficile, nous expliquent les Surligneurs. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent également sur l’idée de rétablir les frontières nationales, sur la possibilité de prendre le contrôle des entreprises polluantes ou encore sur la question de savoir qui paie les avocats des policiers. 

Chez les Surligneurs : Peut-on doter le Parlement européen d'un droit d'initiative législative ?

Programme des Écologistes : « Doter le Parlement européen d’un droit d’initiative législative »

Marie Toussaint, tête de liste écologiste pour les élections européennes, propose de : « doter le Parlement européen d’un droit d’initiative législative ». Actuellement, ce pouvoir est exclusivement réservé à la Commission européenne (art. 17 TUE). Cette proposition vise à renforcer la démocratie au sein de l’Union en permettant aux députés élus par les citoyens européens de proposer directement des lois. Mais le processus sera long et complexe et ne dépend pas des députés européens.

Pour que le Parlement européen obtienne ce droit, il serait nécessaire de modifier les traités européens. Or, la révision de ces traités est un processus complexe et long (art. 48 TUE). Seuls les États membres ont le pouvoir d’initier des modifications des traités. Les députés européens, bien que représentants des citoyens de l’UE, ne disposent pas de cette prérogative.

La révision des traités nécessite de plus l’unanimité des États membres, ce qui confère à chacun un pouvoir de veto et rend toute modification particulièrement difficile. De plus, les amendements proposés doivent souvent être ratifiés par les parlements nationaux ou soumis à référendum dans certains États membres, ajoutant ainsi davantage de complexité et de longueur à ce processus.

En France, la ratification des amendements aux traités se fait généralement par le Parlement (art. 52 Constitution). Cette ratification peut se réaliser soit par un vote du Parlement réuni en Congrès, regroupant l’Assemblée nationale et le Sénat, soit par une procédure de ratification parlementaire classique (art. 53).

La ratification des amendements des traités peut également se faire selon une procédure de référendum (art. 11). Cependant, cette procédure de ratification est rarement utilisée pour les traités de l’Union européenne.

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Agnès Marion (Reconquête !) : « Il faut rétablir les frontières nationales »

Agnès Marion, candidate en septième position sur la liste Reconquête ! menée par Marion Maréchal-Le Pen, propose de “rétablir les frontières nationales” dans le cadre de la politique migratoire de l’Union européenne. Est-ce réalisable dans le cadre légal actuel de l’Union européenne ?

Cette expression reste floue en l’état. Selon le programme de Reconquête !, le parti envisage d’instaurer ce qu’il appelle une “triple frontière”. Ce concept implique le rétablissement des frontières intérieures de l’Union européenne et la fin de la libre circulation pour les personnes extra-européennes.

L’espace Schengen inclut les pays membres de l’UE ainsi que la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein, or, Reconquête !, qui milite pour le rétablissement des frontières nationales, regrette l’époque précédant l’entrée en vigueur de l’accord de Schengen. En effet, l’accord de Schengen abolit les contrôles systématiques aux frontières intérieures, facilitant ainsi une libre circulation entre les États signataires. Selon le code frontières Schengen (CFS), les États membres doivent supprimer tous les obstacles à la circulation fluide aux frontières intérieures (art. 22 CFS).

De plus, les ressortissants et ressortissantes de pays tiers, munis d’un visa Schengen valide ou d’un titre de séjour d’un État membre, peuvent circuler librement dans l’espace Schengen pour des périodes de 90 jours tous les six mois et de “droits en matière de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l’Union”.

Il est vrai que si le CFS prévoit la suppression des contrôles aux frontières internes, il permet aussi, exceptionnellement et de façon temporaire, leur réintroduction en cas de menaces sérieuses pour l’ordre public ou la sécurité intérieure. Cette limite se justifie par le principe de libre circulation mais aussi pour respecter certains droits humains et des libertés fondamentales, comme le droit d’asile et le principe de non-discrimination inclus dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Ainsi, les politiques visant à restreindre significativement l’immigration doivent respecter ces droits, ce qui limite la marge de manœuvre des États, et donc de la France pour rétablir ses frontières.

Par ailleurs, modifier l’accord de Schengen pour réintroduire les contrôles aux frontières de manière permanente nécessiterait un consensus parmi les États membres, ce qui paraît complexe. Sans modifier le droit, la France risque d’être lourdement sanctionnée par la Cour de justice de l’Union européenne. Dès lors, la seule option viable pour envisager un rétablissement des frontières nationales pourrait être de considérer une sortie de l’espace Schengen voire de l’Union européenne.

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Programme des Écologistes : « Prendre le contrôle des six entreprises pétro-gazières européennes les plus polluantes en rachetant 51 % de leurs actions »

Le programme écologiste pour les élections européennes de 2024 propose de « prendre le contrôle des six entreprises pétro-gazières européennes en rachetant 51 % de leurs actions pour devenir majoritaire au capital« . Toutefois, le droit de l’Union européenne ne le permet pas.

Les compétences de l’Union européenne sont clairement établies par les traités qui la régissent, et elles n’incluent pas le pouvoir d’acquérir des actions ou des parts d’entreprises. Cependant, elle peut jouer un rôle important en coordonnant et en soutenant les politiques économiques des États membres dans des secteurs clés comme l’énergie par le biais de directives et de recommandations.

Ainsi, l’Union peut « soutenir ou coordonner » les initiatives des États membres, mais sans pour autant empiéter sur leurs compétences (arts. 5 et 6 TFUE). Cela signifie que, tout en respectant les prérogatives des États membres, l’Union peut aider à aligner leurs actions vers des « objectifs communs. » Un domaine où l’UE est particulièrement active est celui de la politique énergétique (art. 194 TFUE). Les États membres ont la liberté de « nationaliser » ou « privatiser » des entreprises indépendamment de l’Union, préservant ainsi leur souveraineté en matière de gestion de la propriété des entreprises (art. 345 TFUE). Cette flexibilité devient particulièrement pertinente en situation d’urgence climatique, où un État peut envisager des mesures exceptionnelles, comme la nationalisation partielle d’entreprises, pour stimuler la transition vers des énergies plus propres.

La politique environnementale de l’Union soutient ces initiatives en insistant sur la nécessité que les mesures prises soient « nécessaires et proportionnelles aux enjeux environnementaux. » Ces mesures doivent également viser à améliorer la qualité de l’environnement tout en minimisant les impacts négatifs sur le marché et les libertés individuelles.

Face à l’urgence climatique, l’Union a également souligné la gravité de la situation, ce qui pourrait justifier des mesures économiques drastiques comme l’acquisition de parts dans des entreprises énergétiques pour les pousser vers des alternatives renouvelables. Cependant, de telles interventions doivent respecter les principes de non-discrimination et de libre circulation des capitaux et de l’établissement (arts. 63 et 49 TFUE). Bien que les États aient la latitude d’ajuster la propriété des entreprises pour répondre à des défis environnementaux, toute action entreprise doit être méticuleusement justifiée et conforme aux « normes du marché et à l’équité », conformément aux règles sur les aides d’État (arts. 107 et 108 TFUE). Cette interconnexion entre les différentes régulations offre un cadre légal possible pour des interventions étatiques dans l’économie, alignées sur les objectifs environnementaux globaux de l’Union européenne… à condition toutefois que l’urgence climatique reste un des objectifs de l’Union après les élections européennes.

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Matthieu Valet (RN) : « Un policier ou gendarme doit payer seul ses frais d’avocat »

Le 28 mai dernier, le Conseil constitutionnel, saisi de la conformité d’une loi déjà en vigueur, en a censuré une partie qui excluait les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l’aide juridictionnelle. Cette décision ouvre donc la prise en charge des frais de justice pour ces personnes, au même titre que pour les justiciables français ou résidents réguliers. Matthieu Valet, candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement National, a réagi à cette décision en déclarant qu’en parallèle de cette situation, « un policier ou gendarme qui se fait insulter doit payer seul ses frais d’avocat« . C’est faux car comme tous les agents de l’administration, les gendarmes bénéficient d’une protection fonctionnelle incluant la prise en charge de leurs frais de justice.

Le code de sécurité intérieure (CSI) prévoit que « l’État défend le policier ou le gendarme contre les attaques, menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations et outrages dont il peut être victime dans l’exercice ou du fait de ses fonctions » (art. R434-7 CSI). Pour répondre directement à Matthieu Valet, pourtant lui-même policier et ancien porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police, si un policier ou un gendarme se font insulter et qu’une procédure doit être engagée contre l’auteur des faits, l’État prend en charge les frais de justice. La prise en charge est également prévue si le policier ou le gendarme font l’objet de poursuites judiciaires pour leurs actes liés à leurs fonctions.

Cette protection fonctionnelle ne se limite pas aux seules forces de l’ordre. Elle bénéficie à tous les agents de la fonction publique (arts. L134-1 à L134-12 du code de la fonction publique), s’agissant des actes liés à leurs fonctions, qu’ils soient poursuivis ou poursuivants, y compris en cas de faute de service et devant les juridictions pénales. Sont donc pris en charge les frais de procédure et les éventuels dommages et intérêts que l’agent serait condamné à verser en raison d’une faute de service.

Les limites sont d’abord les condamnations pénales : la protection fonctionnelle ne couvre pas les condamnations à de l’emprisonnement ou à une amende pénale ; elle ne s’étend qu’aux frais de procédure. Ensuite, en cas de faute personnelle, c’est-à-dire détachable des fonctions de l’agent par sa gravité notamment, la protection fonctionnelle est exclue.

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