Confirmation de l’utilisation de drones en vue d’améliorer la surveillance locale

Publié le 07/03/2024
Drone, vidéosurveillance
Kadmy/AdobeStock

Avant les Jeux olympiques et pour éviter des drames durant la période des fêtes, comme ce qui s’était produit lors de l’attentat du 11 décembre 2018 à Strasbourg, il était urgent de sécuriser correctement les lieux. L’installation de drones a, dans cet objectif, été jugé pertinente par le tribunal administratif de Strasbourg, via l’ordonnance n° 2308339 du 23 novembre 2023. Strasbourg, précisément considérée comme la capitale française de Noël en raison de son marché de Noël historique, qui attire chaque année des millions de visiteurs, était concernée au premier chef. Le débat risque de se reproduire à l’approche de la cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques qui devrait se tenir sur la Seine et dont le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a déjà prévu l’utilisation de drônes pour sécuriser l’événement.

Aujourd’hui en France, la menace terroriste est élevée. Aussi la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, a, dans un arrêté du 15 novembre 2023, permis aux forces de l’ordre d’utiliser les drones en vue d’améliorer la surveillance locale et de repérer les personnes qui tenteraient de s’en prendre aux habitants ainsi qu’aux très nombreux visiteurs venant du monde entier durant cette période festive. En l’occurrence, la préfète a autorisé l’utilisation de deux de ces engins par la police pendant le marché de Noël strasbourgeois, qui avait déjà été pris pour cible en 2018 par un attentat terroriste ayant causé la mort de cinq personnes1 (I) ; ce recours aux drones, bien que critiqué, a finalement été maintenu (II).

I – L’utilisation des drones dans le cadre du marché de Noël strasbourgeois

Conformément à l’article L. 242-5 du Code de la sécurité intérieure, texte modifié par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 20232, « dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale ainsi que les militaires des armées déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du Code de la défense peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs aux fins d’assurer : 1° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s’y sont déjà déroulés, à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ; 2° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de maintenir ou de rétablir l’ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ; 3° La prévention d’actes de terrorisme… »

La captation d’images prises par des drones peut effectivement agir dans la prévention des menaces, raison pour laquelle les services de police et de gendarmerie peuvent être autorisés à recourir à des caméras installées sur des aéronefs, des hélicoptères, des ballons captifs ainsi que sur des drones, mesure approuvée par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (RPSI), promulguée en janvier 20223. Cette « vision grand angle » peut, dans certaines circonstances, faciliter la coordination et l’intervention des forces de l’ordre, pour par exemple secourir des personnes dans de grands espaces (montagnes, littoraux) ou assurer la sécurisation de la circulation sur les axes routiers. Son intérêt dans le cadre de la lutte contre les attentats est également à relever, notamment pour garantir la sécurité des manifestations sur la voie publique qui rassemblent beaucoup de monde. Cela peut effectivement aider à prévenir les atteintes à la sécurité des personnes.

Dans ce contexte, la préfète du Bas-Rhin a autorisé l’utilisation de deux drones afin de réduire les risques d’attentat et d’assurer la protection des personnes, l’idée étant, d’une part, de déceler au plus vite des mouvements anormaux de foule durant le marché de Noël strasbourgeois (dit Christkindelsmärik) et, d’autre part, de permettre aux forces de l’ordre de garantir la protection de tous les visiteurs, habitants de la ville mais aussi touristes venus profiter de cette manifestation traditionnelle des fêtes de Noël.

II – Les débats autour du recours aux drones

S’il est vrai qu’en cette période, la sécurité publique peut légitimement être renforcée et que le déploiement des forces de sécurité est compréhensible, des avocates ont pourtant estimé que le recours à ces outils par la police devait être interdit. Selon elles, les drones menacent la liberté d’aller et venir des visiteurs, portant atteinte à la vie privée du public qui ne peut plus se déplacer en ville anonymement.

Dans une requête enregistrée le 22 novembre 2023, deux avocates et un résident strasbourgeois ont ainsi remis en cause l’utilisation de ces drones, estimant que cette modalité de surveillance, dans la mesure où elle pouvait observer des comportements à l’échelle individuelle, constituait un préjudice aux libertés fondamentales.

Selon eux, les captations par vidéo étaient susceptibles de porter atteinte au secret professionnel qu’ils doivent à leurs clients, leur cabinet étant situé dans la zone de survol des drones en question. En conséquence, ils ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Strasbourg, espérant que l’arrêté de la préfète serait suspendu. Mais leur demande a été rejetée.

En effet, le 23 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a refusé de suspendre l’arrêté, estimant que l’installation de ces drones pouvait bénéficier à l’ensemble de la population et permettait de sécuriser les nombreuses rues étroites de la ville. De même, le juge a également relevé que l’arrêté préfectoral ne présentait pas un caractère disproportionné et ne portait pas une atteinte manifestement grave et illégale aux libertés invoquées.

Certes, même si des menaces imminentes liées aux fêtes n’avaient pas été relevées récemment, il fallait néanmoins sécuriser la ville et écarter tout risque de violences ou d’attentats.

Surtout, le marché de Noël strasbourgeois occupe un espace important sur le périmètre de la commune, et la zone à sécuriser est très étendue.

Aussi, même si de nombreux policiers et militaires patrouillaient régulièrement dans les rues et que les visiteurs étaient contrôlés lors de leur arrivée sur le site, il était pertinent que le travail des forces de sécurité fût complété par l’installation de drones.

Il a par conséquent été jugé que ces outils ne doivent pas être interdits car ils permettent de déceler rapidement des mouvements et des attitudes anormaux et, étant en contact avec les forces de l’ordre en temps réel, d’agir plus vite en cas de menace ou d’attaque. Ce dispositif assure donc une meilleure protection des visiteurs du marché de Noël, habitants ou vacanciers.

Certes, on peut comprendre que des personnes craignent que les images enregistrées sur les lieux de l’événement puissent être détournées ou leur causent du tort, portant atteinte à leur vie privée ; toutefois le juge des référés a souligné que l’utilisation de ces images à d’autres fins que la lutte contre les risques d’attentat était prohibée, hormis le cas où un signalement au procureur de la République soit jugé pertinent en raison de la gravité de l’attitude de certaines personnes – par exemple des voleurs, des individus violents, etc.

En l’espèce, la demande des avocats n’a pas été suivie. La raison en est que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le recours à ces drones respectait assurément l’objectif de sécurité publique. Selon lui, les modalités techniques de leur utilisation étaient conformes aux mesures sécurisantes et ne portaient pas atteinte de manière illégale à la vie privée des personnes.

Il a notamment relevé que, puisque les drones allaient survoler les lieux festifs entre une hauteur de 120 et 300 mètres, ils n’étaient pas en mesure, compte tenu de la pixellisation des images, de visualiser et d’identifier les visages des personnes en train de se déplacer dans les rues de Strasbourg. En effet, selon l’emploi qui est fait des drones, les visages ne sont pas toujours reconnaissables sur les vidéos captées.

En conséquence, lors du marché de Noël de Strasbourg en 2023, les drones mis en place par la police ont été autorisés car ils font partie des dispositifs utiles de sécurité, notamment de sécurité terrestre en vue de la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et aux biens, ainsi que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

C’est la raison pour laquelle le juge des référés a confirmé le 23 novembre dernier la légalité de l’arrêté de la préfecture, estimant qu’ils ne causaient aucune anomalie dans le cadre de la sécurisation de la ville de Strasbourg : « L’ampleur de la zone à sécuriser, de l’affluence attendue et de la configuration particulière des lieux comprenant de nombreuses rues étroites, ces circonstances justifiaient un déploiement particulier de forces de sécurité, complété par l’utilisation de deux drones, qui permettront de déceler plus rapidement les mouvements anormaux de foule et d’orienter les interventions des forces de l’ordre de manière plus rapide et pertinente dans un souci de meilleure protection des visiteurs du marché ». En outre, « les modalités techniques d’emploi des drones n’étaient pas disproportionnées à l’objectif poursuivi de sécurité publique ».

Un attentat ayant déjà été commis en 2018, de sérieuses menaces pesaient sur le marché de Noël, il était donc capital de renforcer la sécurité des habitants.

Certes, l’usage des drones est parfois un dispositif intrusif, il ne peut donc pas être utilisé en toute liberté, mais un usage ponctuel pendant les fêtes de Noël peut être justifié.

Il faut évidemment se méfier de la captation, de l’enregistrement et de la transmission des images récupérées dans ce cadre, mais nous pouvons être rassurés sur ce point s’agissant des drones installés à Strasbourg par la police nationale, qui a tenu compte de la mesure « urgence attentat » du plan Vigipirate et mis en place une surveillance efficace du marché de Noël dans cette ville.

Espérons que, grâce à ces mesures – à savoir la mise en place de drones et le recours à de nombreux militaires –, le marché de Noël de Strasbourg soit mieux sécurisé. Les personnes qui ne veulent pas de drones au-dessus de leur tête pendant cette période festive et qui contestent que la police soit autorisée à surveiller des comportements privés peuvent toutefois comprendre l’intérêt de ce dispositif sécurisant.

L’on peut à juste titre reconnaître que le recours à ces drones constitue une aide réelle pour les forces de l’ordre dans le travail qu’elles doivent accomplir, notamment face à des mouvements anormaux de foule.

Grâce à la décision prise par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, et puisque la justice a validé l’arrêté préfectoral autorisant l’utilisation de drones sur le marché de Noël de Strasbourg, la surveillance par lesdits drones a donc été approuvée et les festivités de fin d’année ont pu commencer de manière beaucoup plus sécurisée le 24 novembre, coup d’envoi du célébrissime marché de Noël strasbourgeois qui existe depuis plusieurs siècles.

C’est la première fois que des drones sont utilisés pour surveiller les personnes se déplaçant dans les rues pendant cette période festive, et ces moyens de sécurisation seront à l’avenir peut-être proposés dans d’autres communes d’Alsace, mais aussi ailleurs en France.

Assurer la protection de tous les visiteurs et mettre en place une sécurisation efficace pendant ces festivités est un enjeu majeur pour le bon déroulement et la réussite de cet événement. Les habitants et les touristes souhaitent pouvoir profiter des guirlandes, du vin chaud, des bretzels et autres et préparer leurs cadeaux de fin d’année en toute quiétude.

C’est pourquoi, dans ce contexte, il est rassurant de pouvoir compter sur l’instauration de mesures visant à éviter tout attroupement ou manifestation susceptible de perturber le bon déroulement du marché, et permettant une meilleure protection des visiteurs dudit marché.

Tout cela démontre l’importance cruciale de la sécurité publique, surtout lors d’événements qui rassemblent beaucoup de personnes, sur lesquelles pèse la menace de nouveaux attentats ; c’est pour cette raison que l’usage de drones par la police est autorisé par la justice, puisque la menace terroriste persiste en France depuis de nombreuses années et qu’elle « reste toujours à un niveau élevé »4.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Sachant qu’un attentat avait déjà été déjoué en 2000.
  • 2.
    L. n° 2023-610, 18 juill. 2023, visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces : JO, 19 juill. 2023.
  • 3.
    L. n° 2022-52, 24 janv. 2022, relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure : JO, 25 janv. 2022.
  • 4.
    Arrêté préfectoral du 15 novembre 2023 autorisant la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs à l’occasion de l’édition 2023 du marché de Noël de Strasbourg.
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