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Dynamiques criminologiques et appréhension du féminicide

Publié le 28/03/2024
Féminicide
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Les 26 et 27 janvier 2024 a eu lieu à Paris le 39e Congrès de l’Association française de criminologie, consacré aux savoirs criminologiques et aux pratiques professionnelles. Nous y avons évoqué la question des dynamiques criminologiques et de l’appréhension du féminicide. À cette occasion, nous avons soutenu la thèse selon laquelle l’influence de ces dynamiques se fait nettement sentir sur les pratiques professionnelles mais mériterait d’être plus importante d’un point de vue législatif. La consécration de l’incrimination de féminicide dans le Code pénal aurait d’une part des répercussions d’ordre symbolique, au niveau du vivre-ensemble et des valeurs portées par le législateur, d’autre part, des conséquences positives quant à la prévention des violences faites aux femmes.

Définition des termes du sujet. Afin d’expliquer pourquoi nous souhaitons évoquer aujourd’hui les dynamiques criminologiques et l’appréhension du féminicide, il convient de s’arrêter quelques instants sur la définition des termes de ce sujet.

Dynamiques criminologiques. Pluridisciplinaire, la criminologie est traversée par de nombreuses dynamiques qui l’animent, la font évoluer et la placent à l’intersection de domaines de recherche variés comme la sociologie, la statistique, l’histoire, l’ethnographie, la psychologie, le droit, etc. Certaines de ces dynamiques concernent plutôt la criminologie théorique1, parfois appelée criminologie générale, entendue comme la partie de la criminologie qui vise à expliquer l’action criminelle en étudiant ses facteurs et ses processus. D’autres dynamiques portent principalement sur la criminologie clinique2, laquelle permet d’approcher les cas individuels dans une perspective appliquée plus immédiatement opératoire.

Féminicide. Or, les interrogations contemporaines relatives au féminicide3 – i.e. le meurtre d’une femme en raison de son sexe – mettent en évidence le carrefour intellectuel que constitue la criminologie. Depuis quelques décennies, les chiffres et statistiques ont révélé l’ampleur du féminicide, qui fait l’objet d’une attention sociale croissante4. En tant que phénomène criminel, il est envisagé par la criminologie et, concomitamment, par la victimologie à la fois d’un point de vue théorique et d’un point de vue clinique.

Influence variable. Cependant, le retentissement de ces diverses dynamiques criminologiques sur son appréhension nous semble a priori variable. Expliquons-nous. Leurs répercussions sur les pratiques professionnelles nous paraissent notables : ces dernières ont beaucoup évolué, notamment en ce qui concerne les féminicides conjugaux et la prise en charge des victimes. En revanche, elles nous semblent plus discrètes sur le plan juridique. Le concept de féminicide, non codifié en France, demeure en effet inopérant.

Pris en compte des enjeux criminologiques par le droit. Faut-il voir dans cette prise en compte à double vitesse des dynamiques criminologiques une coupure franche entre la manière dont les praticiens se préoccupent du phénomène et celle dont le droit s’en saisit ? Si un tel hiatus existe, est-il le signe d’une carence juridique face aux enjeux criminologiques actuels et d’une politique criminelle5 défaillante ? C’est là tout le problème.

I – L’effectivité relative des dynamiques criminologiques théoriques

Identification du féminicide. La thèse que nous souhaitons soutenir est la suivante : les dynamiques criminologiques théoriques, principalement féministes, ont permis d’identifier les facteurs et processus du féminicide. Toutefois, leur influence scientifique demeure nettement supérieure à leur empreinte normative.

A – Une influence scientifique certaine des dynamiques criminologiques théoriques

Dynamiques féministes. Pour comprendre pleinement le phénomène féminicidaire, il convient de l’envisager non seulement comme une tendance criminelle collective, c’est-à-dire sous un angle macro-criminologique, mais encore comme une trajectoire criminelle individuelle, i.e. dans une optique micro-criminologique. Or, les dynamiques criminologiques contemporaines ont permis cette double analyse. En réalité, les criminologies féministes ont été les principales promotrices de cette analyse, et ce, dès les années 1970. C’est finalement l’ouvrage The Politics of Woman Killing, dirigé par Jill Radford et Diana Russell6, qui a popularisé le terme et permis d’en retenir l’acception qui prévaut aujourd’hui : meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme. Mutatis mutandis, cette approche féministe est indissociable de la victimologie qui envisage ces homicides spécifiques par le biais de leurs victimes directes et collatérales que sont souvent les enfants.

Dynamique macro-criminologique. Dans un premier temps, la macro-criminologie invite à observer la façon dont la criminalité est structurée. S’agissant du féminicide, elle conduit notamment à se demander s’il existe partout et à toutes les époques, s’il varie dans ses formes, quels en sont les facteurs et s’il a une ou plusieurs causes identifiables. In fine, l’objectif de cette dynamique est d’expliquer ce phénomène criminel et d’en proposer, éventuellement, une typologie.

Statistiques et continuum féminicidaire. À cet égard, les enseignements de la criminologie sont nombreux. Ils proviennent notamment des statistiques. Ces dernières montrent que le féminicide doit être replacé dans un contexte global de violences envers les femmes7. On retrouve là l’idée de continuum féminicidaire8 que Christelle Taraud définit comme « un agrégat de violences polymorphes, connectées les unes aux autres par des liens subtils et complexes, subies par les femmes de leur naissance à leur mort »9.

Féminicide en France. En France, on estime que, tous les trois jours, une femme meurt tuée par son partenaire de vie ou son ex-partenaire de vie. En 2022, 122 femmes ont ainsi été tuées dans le cadre conjugal ; 35 % d’entre elles avaient subi des violences antérieures. Cependant, d’après Alexia Delbreil, la violence préexisterait dans « presque 70 % des cas » même si aucune plainte n’a été déposée10.

Violences faites aux femmes. En moyenne, ces dernières années, ce sont donc environ 150 femmes qui sont décédées chaque année, tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Dans le même ordre d’idées, l’enquête VIRAGE réalisée en 2015 par l’Institut national d’études démographiques a révélé que 25 % des femmes âgées de 20 à 69 ans déclaraient avoir été victimes de violences dans l’espace public11. Par ailleurs, de sa création en 2007 à sa disparition en 2021, l’enquête de victimisation Cadre de Vie et Sécurité12 qui visait à connaître les faits de délinquance dont les ménages et leurs membres avaient pu être victimes dans les mois précédant le passage de l’enquêteur, est parvenue à des conclusions similaires : les femmes sont surreprésentées parmi les victimes de violences sexuelles. Leur taux de victimisation pour des actes à caractère sexuel est à peu près trois fois supérieur à celui des hommes. Autrement dit, les actes à caractère sexuel visent trois fois sur quatre des femmes. En outre, au sein du couple, les femmes sont également fortement victimisées. Elles représentent à peu près les deux tiers des victimes de violences par le conjoint. Et, là encore, la proportion de femmes victimes est encore plus importante en matière de violences sexuelles dans le couple : plus de 90 % des victimes de violences sexuelles au sein du couple sont des femmes.

Universalité du féminicide. La macro-criminologie enseigne par ailleurs que le féminicide est un crime universel : il se produit à toutes les époques et dans toutes les régions du globe indépendamment du développement économique de la zone concernée, durant les périodes de paix comme les périodes de guerre13. Cependant, ces formes varient en fonction du contexte14. Par exemple, dans certains États comme l’Iran, la Turquie et la Jordanie, les féminicides sont principalement des crimes d’honneur15 perpétrés sur des femmes qui ont prétendument déshonoré leur famille. En Inde ou en Chine, certains féminicides concernent l’élimination des nourrissons de sexe féminin par des familles qui préfèrent un héritier mâle.

Typologie de lOMS. L’Organisation mondiale de la santé recense ainsi quatre types de féminicides (notons qu’elle utilise le terme équivalent de fémicide)16 :

• le féminicide intime commis par l’époux ou par un petit ami, actuel ou ancien, de la victime ; il s’agit donc du féminicide qui s’inscrit dans la relation de couple ;

• le féminicide appelé « crime d’honneur » : c’est en fait le meurtre d’une femme par ses proches qui l’accusent d’avoir jeté l’opprobre sur sa famille (adultère, relations sexuelles, grossesse hors mariage ou viol) ;

• le féminicide lié à la dot, en particulier en Inde : il concerne des femmes tuées par leur belle-famille pour avoir apporté une somme d’argent jugée trop faible lors du mariage ;

• le féminicide non intime : il est perpétré par une personne n’ayant pas de relation intime avec la victime (i.e. l’auteur n’est pas le conjoint) ; si ce féminicide va de pair avec une agression sexuelle, il peut être présenté comme un féminicide sexuel.

Autre typologie. Le 26 novembre 2012, un symposium onusien sur le féminicide a quant à lui proposé de retenir onze catégories de féminicides17 :

1. meurtre à la suite de violences conjugales ;

2. torture et massacre misogyne ;

3. assassinat au nom de « l’honneur » ;

4. meurtre ciblé dans le contexte des conflits armés ;

5. assassinat lié à la dot des femmes ;

6. mise à mort des femmes et des filles en raison de leur orientation sexuelle ;

7. assassinat systématique de femmes autochtones ;

8. fœticide et infanticide ;

9. décès à la suite de mutilations génitales ;

10. meurtre après accusation de sorcellerie ;

11. autres meurtres sexistes associés aux gangs, au crime organisé, au narcotrafic, à la traite des personnes et à la prolifération des armes légères.

Point commun. En définitive, le point commun de ces diverses formes de féminicides et des violences qui les précèdent est d’être infligé aux femmes en raison de leur sexe dans un but de contrôle total des femmes, d’assignation de ces dernières à leur condition biologique et d’appropriation du corps féminin.

Dynamique micro-criminologique. Dans un second temps, la micro-criminologie se penche sur le passage à l’acte afin de déterminer pourquoi certains individus commettent des féminicides. Il s’agit alors d’envisager la personnalité de l’auteur et sa situation du point de vue de la praxéologie, qui est la science des actions humaines. À titre d’exemple, le profil des auteurs de féminicides conjugaux18 ainsi que le schème de leur passage à l’acte sont désormais bien décrits par la littérature. Des travaux récents ont ainsi mis en évidence le rôle de la séparation dans le passage à l’acte de certains individus. Alexia Delbreil et Jean-Louis Senon le soulignent : « La principale motivation à l’origine de la majorité des homicides conjugaux est la possession de la compagne associée à la jalousie, bien souvent excessive, dans un contexte de séparation ou de désir d’indépendance de la victime »19.

Les femmes, victimes potentielles. Il faudrait sans doute compléter ces données par une approche victimologique afin de dresser la liste des critères qui font des femmes des victimes potentielles, peut-être même des victimes latentes pour reprendre la terminologie d’Ellenberger20. La faiblesse physique, la dépendance économique, l’éducation prédisposant à l’effacement et à l’acquiescement social et familial, les périodes de vulnérabilité particulière que sont l’enfance, la puberté, la grossesse ou la vieillesse, la volonté de protéger l’entourage, notamment les enfants, sont autant d’éléments qui pourraient être pris en compte. Selon Ezzat Abdel Fattah, qui exploite lui aussi la catégorie des victimes latentes, elle concerne les « sujets qui révèlent une disposition inconsciente à devenir victimes, et qui de ce fait exercent sur le criminel une attraction semblable à celle que l’agneau exerce sur le loup »21.

Le féminicide comme phénomène structurel. En définitive, grâce à une approche pluridisciplinaire à la fois collective et individuelle, les savoirs criminologiques ont permis d’appréhender scientifiquement le féminicide qu’on peut décrire comme un phénomène structurel découlant de l’organisation sociale.

B – Une influence normative et légistique limitée des dynamiques criminologiques théoriques

Aspect contre-productif des dynamiques criminologiques. Si les dynamiques criminologiques ont permis une bonne connaissance du phénomène féminicidaire, elles n’ont, en revanche, guère favorisé sa prise en compte juridique en France. À vrai dire, ces dynamiques s’avèrent plutôt contreproductives, tant le droit pénal reste hermétique aux considérations, telles les considérations féministes, que les juristes ont tendance à tenir pour socio-politiques. De façon plus technique, diverses raisons peuvent être présentées comme un frein décisif à l’influence des dynamiques criminologiques sur le droit pénal. Nous voudrions démontrer que ces raisons sont dépassées : la consécration de l’incrimination de féminicide ne serait que le juste exercice par le législateur de son pouvoir de nomination22.

Première raison. La première raison pour laquelle le droit positif ne s’est pas ouvert au féminicide et aux dynamiques criminologiques qui le sous-tendent repose vraisemblablement sur le paradigme des incriminations. C’est là un obstacle légistique majeur qui semble difficile à surmonter. Massimo Vogliotti rappelle que, dans notre système juridique, l’État dispose du monopole de l’incrimination, ce qui érige l’infraction en offense publique23. Selon cet auteur, les conséquences sont claires : « Le rôle de la victime de l’infraction est monopolisé par l’État, qui laisse à la victime privée la position marginale de la constitution de partie civile, dont la seule logique est celle, privée, du dédommagement »24. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’incrimination de féminicide qui accorderait une place centrale à la victime n’ait pas les faveurs du droit positif. D’ailleurs, le parricide25 et l’infanticide26, incriminations construites selon un modèle semblable, ont été supprimés par la loi du 16 décembre 199227. Il faudrait donc remodeler l’imaginaire pénal pour permettre à l’incrimination de féminicide d’être consacrée. Cela dit, alors que la victime tend de plus en plus à être prise en compte comme une force agissante du procès pénal, il ne serait pas illogique de la prendre en compte dans la formulation de l’incrimination.

Deuxième raison. La deuxième raison qui tient le féminicide éloigné du droit positif est liée au rôle des mobiles en droit pénal28. En principe, ce dernier est indifférent aux raisons de l’infraction, il suffit que les éléments constitutifs de cette dernière soient réunis pour qu’elle soit constituée. C’est essentiellement la personnalisation de la peine qui tient compte du mobile afin d’adapter la peine infligée à l’auteur. Or, le terme de féminicide est en lui-même une référence au mobile de l’auteur : le machisme, le sexisme, la misogynie, la haine des femmes. La consécration d’une telle incrimination conduirait donc à reconsidérer la place accordée aux mobiles en l’occurrence, voire à instaurer un dol spécial29. D’autres problèmes se poseraient alors : celui de la preuve du caractère machiste, sexiste, misogyne ou haineux et celui des cas dans lequel l’homicide d’une femme n’est pas un féminicide. Quid par exemple d’une femme tuée lors d’un vol ou dans un accident de voiture ?

Mise en place de présomptions de féminicide. Le moyen de surmonter ces difficultés probatoires serait certainement de recourir à des présomptions simples de féminicide et c’est précisément ce que nous entendons proposer aujourd’hui. Il s’agirait de présumer le féminicide jusqu’à preuve du contraire à partir d’indices factuels et contextuels. Cette présomption réfragable n’aurait rien d’incompatible avec la présomption d’innocence. En effet, ce ne serait pas une présomption de culpabilité mais une présomption de mobile ou de dol spécial facilitant simplement la qualification féminicidaire d’un homicide30. Elle serait assez proche des présomptions de discrimination qui existent dans d’autres branches du droit31. Par exemple, on pourrait présumer que le meurtre ou l’assassinat d’une femme par son conjoint, son partenaire, son concubin ou par son ex-conjoint, ex-partenaire ou ex-concubin est un féminicide. On pourrait également présumer que le meurtre ou l’assassinat d’une femme précédé ou accompagné d’une agression sexuelle est un féminicide. Une présomption de féminicide pourrait également jouer en cas de meurtre ou d’assassinat d’une femme enceinte. La question de la mise en place d’une telle présomption en cas de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner pourrait se poser lorsque ces coups et blessures ont eux-mêmes un mobile sexiste.

Troisième raison. La troisième raison pour laquelle la consécration d’une incrimination spécifique de féminicide soulèverait des difficultés (et celle d’une présomption de féminicide également) est liée au principe d’égalité des citoyens devant la loi consacrée par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen32.

Avis de la Commission nationale consultative des droits de lHomme. Certains redoutent que la codification du féminicide débouche sur une sanction spécifique permettant de punir plus sévèrement un meurtre dont la victime est une femme. Or, le principe d’égalité semble, de prime abord, incompatible avec une telle indexation des peines en fonction du sexe de la victime, indexation qui pourrait laisser croire que le fait de tuer une femme est plus grave que le fait de tuer un homme. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme recommande l’usage du terme de féminicide dans le langage diplomatique et dans le langage courant mais pas sa codification.

« L’introduction du terme “féminicide” dans le Code pénal ne semble pas opportun (…), dans la mesure où elle comporterait le risque de porter atteinte à l’universalisme du droit et pourrait méconnaître le principe d’égalité de tous devant la loi pénale, dès lors qu’elle ne viserait que l’identité féminine de la victime. La Commission estime néanmoins que l’usage du terme “féminicide” doit être encouragé, à la fois sur la scène internationale dans le langage diplomatique français, mais aussi dans le vocabulaire courant, en particulier dans les médias »33.

Nommer un état de fait. Que répondre à cette critique ? Tout simplement qu’en codifiant le féminicide, il s’agit avant tout de nommer un état de fait et non de réprimer plus durement le féminicide, et ce d’autant moins que l’arsenal juridique permet déjà d’infliger des peines conséquentes, nous y reviendrons. Le but serait plutôt de faire produire à la fonction de nomination du législateur tous ses effets : en créant une incrimination spécifique, il s’agirait de jouer sur les ressorts symbolique et axiologique de la loi pénale dont on évoque parfois la valeur expressive. La création d’une telle incrimination traduirait, de façon emblématique, les rapports de domination qui sous-tendent notre société. Catherine Le Magueresse se montre ainsi favorable à l’incrimination de féminicide afin de changer les représentations sociales.

« C’est la matérialisation de la haine des femmes qui est recherchée pour caractériser le féminicide et non point seulement “l’identité féminine de la victime”. Là où la réalité est distincte, la loi peut également distinguer sans enfreindre le principe d’égalité cité (…).

L’une des fonctions du droit est de nommer la nature des choses. Ce n’est donc pas déroger que de chercher à traduire en droit la spécificité des féminicides, en créant une infraction autonome, conforme au principe de légalité des délits et des peines, afin de permettre à la répression de s’exercer sur un fondement plus précis »34.

Lincrimination de féminicide au service de légalité réelle. En définitive, loin d’être une atteinte au principe d’égalité, la codification du féminicide servirait sans doute l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. La victimologie nous apprend que les femmes sont davantage victimes de leur conjoint, il existe donc une inégalité de fait à laquelle le droit pourrait contribuer à remédier.

Quatrième raison. La quatrième et dernière raison pour laquelle les dynamiques criminologiques n’ont pas permis au féminicide d’intégrer le Code pénal est liée à l’existence d’autres incriminations permettant la sanction des féminicides. Autrement dit, d’aucuns tiennent le féminicide pour une « incrimination redondante »35.

Circonstance aggravante. Le Code pénal érige d’ores et déjà en circonstance aggravante le fait pour un crime d’être commis par le conjoint. Il en est ainsi des violences physiques ayant entraîné la mort sans intention de la donner36 et du meurtre37. En outre, la loi du 27 janvier 2017 a instauré à l’article 132-77 du Code pénal une circonstance aggravante qui augmente le maximum de la peine encourue lorsque le crime est commis en raison du sexe ou du genre. Cet article assure donc déjà la protection de l’identité sexuelle de tous les individus et, ce faisant, celles des femmes. Partant, la codification du terme ne changerait pas grand-chose en termes de répression. Il s’agirait davantage d’un symbole visant à stigmatiser la victimisation des femmes et à dénoncer la culture et le système dominants qui favorisent cette victimisation. Cependant, pour certains, la codification du féminicide dans ces conditions conduirait à assimiler les femmes à des proies et les hommes à des prédateurs ayant la haine des femmes chevillée au corps38.

« Plaisante justice, quune rivière borne ! Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà »39. Finalement, nous conclurons en évoquant le fait que les dynamiques criminologiques auquel le droit français reste fermé ont influencé la législation d’autres États. Récemment, le droit belge a ainsi pris en compte le féminicide grâce à la loi du 13 juillet 2023 sur la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides fondés sur le genre et les violences40. C’est l’occasion de rappeler que, par-delà tous les prétendus obstacles techniques précédemment évoqués, la reconnaissance du féminicide découle d’une volonté politique. On se demande comment la France, qui est souvent présentée comme le pays des droits de l’Homme, peut tergiverser lorsqu’il s’agit d’asseoir la protection du droit à la vie des femmes, fondamental entre tous. Enfin, la consécration de cette incrimination serait l’occasion de montrer que les dynamiques criminologiques ne sont pas étrangères au fonctionnement du système pénal. Les savoirs criminologiques ne devraient pas être cantonnés à une place purement scientifique, ils devraient aussi être une source d’inspiration pour un législateur en quête d’efficacité.

II – L’effectivité tangible des dynamiques criminologiques cliniques

Le féminicide en tant que manifestation de la récidive en matière de violences conjugales. La récidive légale est « une cause d’aggravation de la peine justifiée par le renouvellement d’infractions à la suite d’une condamnation définitive »41. Elle consiste par ailleurs en « une forme d’enracinement dans la délinquance, contre laquelle le législateur pénal mène une lutte aussi vaine que constante »42 et « révèle l’échec d’une première condamnation définitive »43. Le féminicide peut tout à fait correspondre à cette définition s’il est envisagé comme le résultat de la récidive en matière de violences dans le couple, au sein desquelles il demeure donc latent. Il consacre non seulement l’échec de la première condamnation mais également celui de la protection des victimes. Il concerne à la fois le volet répressif et le volet restauratif du droit pénal. Le maîtriser implique alors de se déconnecter du droit pénal pensé, à la faveur du droit pénal appliqué, tout en acceptant de l’associer à des sciences bien plus avancées sur le terrain, telles que la criminologie et la victimologie dans leur aspect clinique.

Définition de la clinique. Si nous nous attachons en premier lieu à son étymologie, la clinique est d’abord issue du latin « clinicus » et du grec « klinikos » ou « klinikê », qui est un dérivé de « klinê », signifiant « lit »44 au sens littéral. Cela renvoie à une démarche diagnostique, donc à « l’observation au chevet du malade »45. La clinique est originellement affiliée à la médecine, qui, au-delà de sa mission de diagnostic, poursuit un objectif de traitement. De prime abord, l’on pensera que la clinique, par opposition à la théorie, s’attache uniquement à la pratique d’une discipline. Or, selon Michel Foucault, l’objectif de la clinique se dirigerait plutôt vers le fait de « démêler le principe et la cause d’une maladie à travers la confusion et l’obscurité des symptômes ; connaître sa nature, ses formes, ses complications ; distinguer au premier coup d’œil tous ses caractères et toutes ses différences »46. La clinique comporte donc une dimension diagnostique non négligeable.

La criminologie clinique. La criminologie clinique renvoie à l’une des branches de la criminologie appliquée, qui s’oppose à la criminologie générale47. Elle s’inscrit dans une approche individuelle du délinquant, son objectif étant tourné vers la réadaptation. En ce sens, Henri Nhi Barte et Georges Ostaptzeff estiment que « le criminologue clinicien se saisit du phénomène crime comme le médecin celui du phénomène maladie »48. Selon eux, la criminologie clinique « a pour objet d’étudier la personnalité criminelle et son état dangereux, de porter un pronostic sur son comportement futur mais aussi d’élaborer des mesures, des moyens, des programmes de traitement et de prophylaxie susceptibles d’éviter la récidive du délinquant et de favoriser sa réadaptation »49.

Dans le même esprit, l’École de criminologie de Montréal place l’observateur au centre de la criminologie clinique puisqu’elle considère que « la ou le criminologue travaille auprès de personnes ayant posé des actes criminels ou délinquants ainsi qu’auprès de victimes d’actes criminels »50. Elle ajoute que « la criminologie clinique s’intéresse à l’individu derrière le comportement criminel afin de mieux le comprendre et de l’aider à progresser vers le désistement criminel ».51 Lorsque la criminologie clinique s’intéresse à la question du féminicide, elle va nécessairement s’orienter vers la prévention et le traitement de la récidive en tant que phénomène postérieur aux faits de violence au sein du couple.

Elle appelle donc à porter un regard sur les symptômes de ce phénomène – afin d’établir un diagnostic – et sur son traitement. L’influence diagnostique (A) et l’influence opératoire des dynamiques criminologiques cliniques (B) sont ainsi mises en lumière.

A – Une influence diagnostique des dynamiques criminologiques cliniques

Diagnostic du féminicide. Le diagnostic vient s’inscrire dans le cadre général de la clinique, puisqu’il s’agit d’observer les symptômes du phénomène. Il est donc primordial de s’intéresser à la question des violences faites aux femmes, qui constituent une première manifestation symptomatique, en amont de la survenance du féminicide.

Les dynamiques criminologiques cliniques doivent donc être envisagées au prisme d’une démarche diagnostique ayant pour objectif la prévention du féminicide. Ce diagnostic peut s’attacher à l’identification de situations précriminelles et de facteurs de passage à l’acte.

Identification des situations précriminelles. L’existence d’une relation de couple constitue de prime abord une situation précriminelle. Si l’on s’attache à notre propre système juridique, les chiffres révèlent en effet que la grande majorité des féminicides commis en France consistent en des meurtres conjugaux52. Ainsi, la situation précriminelle renvoie à un ensemble de faits, d’éléments et de comportements qui ont créé la situation criminelle53. Précisément en matière de féminicide, l’identification de ces situations constitue un enjeu de prévention capital.

Dans cette catégorie spécifique de féminicides, la dynamique criminelle est complexe car le passage à l’acte n’est pas instantané. Il s’inscrit dans le prolongement d’une situation préexistante entre la victime et l’auteur, d’abord la situation de couple, ensuite la situation de violences. Or, le passage à l’acte ne doit pas être envisagé seulement du point de vue de l’auteur.

Certaines théories criminologiques et victimologiques s’attachent à démontrer que la victime constitue « un élément essentiel de la situation précriminelle »54, dans la mesure où cette situation est la résultante des comportements qu’elle a adoptés, des relations dans lesquelles elle s’est inscrite et des choix qu’elle a pu faire. Elle est à la fois objet et sujet de l’infraction. Au-delà des vives critiques qui ont pu être dirigées à l’encontre de ces théories55, lesquelles comportent parfois un risque de dérive vers la question de la culpabilité de la victime56, il faut partir du postulat suivant : la victime joue un rôle dans sa propre victimisation. Il ne s’agit pas de lui attribuer une responsabilité, mais plutôt d’en tirer des conclusions afin de mieux cerner le mécanisme lié à la victimisation et donc d’adapter les stratégies de prévention. En ce sens, c’est la victimologie qui apporte les réponses nécessaires.

Le rôle de la victimologie. La victimologie a également un rôle propre dans ces dynamiques criminologiques diagnostiques. En effet, la victime constitue l’autre versant du passage à l’acte, « l’envers du crime »57. Les dynamiques criminologiques cliniques sont donc également des dynamiques victimologiques. Les théories victimologiques vont notamment nous permettre d’établir un certain nombre de facteurs de victimisation qui convergent vers l’établissement de profils à risque féminicidaire. Sans avancer que certaines personnes sont nécessairement vouées à être victimisées, la somme de ces facteurs fait augmenter le risque d’être exposé au féminicide. Les victimes ne doivent pas s’en tenir pour responsables, il s’agit au contraire d’établir une protection efficace. Il faut cependant distinguer clairement les facteurs de passage à l’acte liés à la victime de ceux liés au délinquant.

Les facteurs victimologiques de passage à lacte. Les études en victimologie démontrent que les femmes constituent déjà une population singulièrement exposée au risque de victimisation58. Elles révèlent également que les personnes ayant déjà subi une victimisation seront plus facilement sujettes à une revictimisation violente59, en particulier s’agissant des victimes qui s’inscrivent dans une relation de couple comportant elle-même des antécédents de violences60, pour lesquelles le risque de revictimisation serait sensiblement élevé61. D’autres études mettent par ailleurs en lumière « la dynamique derrière l’escalade des violences en contextes conjugaux »62, ce qui est susceptible de nous alerter sur une potentielle dégénérescence des violences vers le féminicide. La recherche en victimologie démontre enfin que les jeunes ayant déjà été victimisés sont plus susceptibles d’être revictimisés que ceux n’ayant jamais subi de victimisation63. À la suite de ces victimisations dans l’enfance, certains comportements viendraient s’ajouter aux facteurs de victimisation, tels que « des stratégies d’adaptation dysfonctionnelles comme l’utilisation de drogues et d’alcool [qui] peuvent les rendre plus à risque de revictimisation »64.

Ces facteurs concourent à une prédisposition à la victimisation. Or, le risque de revictimisation, en matière de violences, réside dans une aggravation de l’intensité de celles-ci et donc dans le risque de basculer vers le féminicide. Il en existe d’autres, cependant ceux-ci doivent retenir l’attention dans la mesure où ils sont implicitement pris en compte par le droit pénal65.

Cependant, il faut également porter une attention particulière à la combinaison des facteurs victimologiques et des facteurs criminologiques de passage à l’acte qui se produit lors de la rencontre entre une victime et un auteur potentiels. Le risque féminicidaire peut se voir ainsi démultiplié.

Les facteurs criminologiques de passage à lacte. Certains éléments sont identifiés en criminologie comme facteurs de passage à l’acte, du côté de l’auteur de l’infraction. Tel est notamment le cas de l’usage de substances, telles que l’alcool ou les produits stupéfiants66, qui, au-delà d’être identifiées comme des facilitateurs criminels, jouent un rôle dans la dégradation des relations et les difficultés affectives67, susceptibles de venir fertiliser la situation précriminelle en matière de violences dans le couple.

Il existe également une influence notable de certains facteurs biologiques, sociaux et psychologiques68. Plus particulièrement, certaines théories en criminologie s’attachent aux traits de caractère du délinquant et aux tendances réactionnelles69. Certains délinquants « se singularisent par l’incapacité à se juger correctement et à juger leurs rapports avec la société, le manque de prévoyance, l’insouciance et l’impétuosité, la tendance à des réactions de tête chaude »70. D’autres caractéristiques seraient liées à la « [l’] instabilité affective, [la] dominance, [l’] autoritarisme [et la] mauvaise intégration du caractère »71.

Ces facteurs mettent en lumière les symptômes que peuvent présenter les délinquants potentiels avant même que la dynamique criminelle s’enclenche. On pose ainsi un diagnostic sur la situation. Ceux-ci peuvent se manifester dans toute la phase antérieure au féminicide que vont constituer les violences dans le couple. La criminologie nous permet alors de les identifier et d’aborder ces situations, dans un cadre clinique, avec une grille de lecture beaucoup plus riche et précise afin d’adapter la prise en charge des victimes et des auteurs et d’adapter la sanction tout en rendant plus efficace la prévention de la récidive.

Le droit pénal s’inspire largement de ces théories lorsqu’il s’agit d’individualiser les peines, ce qui entraîne nécessairement des répercussions sur la façon dont le système judiciaire traite les violences au sein du couple et prévient le féminicide. Qu’il s’agisse du rôle du juge au stade de la décision, ou de celui du procureur de la République au stade de la procédure, l’influence de ces dynamiques criminologiques se manifeste implicitement dans le volet opérationnel du droit pénal et de la procédure pénale. Cette manifestation est implicite car elle n’est pas clairement assumée par les sciences juridiques. Pourtant, les dynamiques criminologiques et victimologiques s’insinuent dans le traitement des infractions, au rythme de multiples incisions dans la matière juridique. Elles alimentent non seulement certains principes juridiques mais également la motivation des décisions elles-mêmes.

B – Une influence opératoire des dynamiques criminologiques cliniques

Principe dindividualisation de la peine. Poursuivant l’objectif de protection contre un éventuel féminicide72, les magistrats s’attachent à l’analyse de la personnalité des auteurs et des victimes de violences, afin de rendre leurs décisions et d’adapter les sanctions73. Cette adaptation est dirigée non seulement vers le traitement de la consommation de substances identifiées comme facteurs de passage à l’acte, telles que l’alcool ou les produits stupéfiants, mais également vers le traitement de certaines problématiques liées à la personnalité de l’auteur. En ce sens, les dynamiques criminologiques influencent considérablement la sanction, puisque la peine sera notamment orientée vers le traitement de ces facteurs de criminalité. Si l’objectif poursuivi est celui de la réhabilitation sociale du délinquant, il s’agit également de protéger les victimes afin d’éviter que celles-ci ne subissent les conséquences de la récidive.

Les dynamiques criminologiques cliniques se retrouvent dans la possibilité pour le juge pénal de prononcer des obligations spécifiques, telles que l’interdiction d’entrer en contact74, ou les obligations de traitement prononcées dans le cadre d’une mise à l’épreuve75. Ces dynamiques vont par ailleurs se diffuser jusqu’à la compétence du procureur de la République76 et du juge aux affaires familiales, lorsque ce dernier rend une ordonnance de protection77. Tout le volet pratique qui consiste dans la protection des victimes et le traitement des auteurs se trouve donc largement influencé par ces dynamiques criminologiques et victimologiques opératoires, au point de venir juridiciser l’utilisation de moyens matériels, tels que le téléphone grave danger et le bracelet anti-rapprochement78. L’influence de la criminologie et de la victimologie sur le droit s’insinue à la fois dans l’élaboration des règles de fond et des règles de procédure, en droit pénal comme en droit civil (lequel n’est pourtant pas traditionnellement relié à la criminologie).

En réalité, le droit et la criminologie sont inextricablement liés : ils poursuivent tous deux des objectifs de protection des victimes et de prise en charge des auteurs. Maintenir une scission théorique n’aurait donc plus de sens à l’heure où la nécessité d’une justice efficiente et le besoin d’une formation spécifique se ressentent. À ce titre, les dynamiques criminologiques influencent la spécialisation de ces différentes prises en charge.

La spécialisation des acteurs et des disciplines. La spécialisation de la prise en charge concerne un certain nombre de professionnels clés en matière d’identification et de prise en charge des victimes. La prévention du féminicide passe par l’identification précoce des victimes, notre système juridique est empreint de ce constat. Or, cette identification doit prendre en compte le « chiffre noir de la criminalité »79, lequel consiste dans toute la statistique méconnue de la justice, lorsque les infractions demeurent dans l’intimité de la vie de couple de la victime et de l’auteur. Dans ces cas-là, l’identification repose sur la méthodologie pratique d’autres acteurs.

La sphère médicale est la première concernée. Notre système juridique a levé une difficulté de poids, qui résidait dans la sanction pour violation du secret médical80. Depuis 2020, sous l’influence du Grenelle contre les violences conjugales, la violation de ce secret est pénalement tolérée lorsqu’il s’agit de protéger les victimes81. Dans le prolongement de cette volonté de dynamiser l’identification et la protection des victimes, une technique peut être employée par les professionnels de santé, consistant dans « le questionnement systématique »82 des patientes. Il s’agit, pour le professionnel de santé, de poser une série de questions aux patientes, en postulant qu’elles peuvent éventuellement être victimes de violences et donc se trouver dans une situation de danger. L’utilisation de cette technique part du constat selon lequel une victime rencontrera des difficultés à révéler une situation spontanément, mais rencontrera plus de facilités si un professionnel lui pose la question83. Cette technique est par ailleurs fortement encouragée par la Haute autorité de santé84. Nous assistons donc à deux phénomènes. Le premier consiste dans la réunion des pratiques et des savoirs autour d’une problématique commune qui est la difficulté pour le système judiciaire d’atteindre les victimes hors de son champ. Le second phénomène est celui de la reconnaissance implicite du féminicide, dans la mesure où cette dynamique de spécialisation est notamment dirigée en faveur de sa prévention.

Le cas des professionnels de santé illustre bien cette dynamique. Or, cette dernière concerne plus largement toute une catégorie de professionnels de plus en plus qualifiés et spécialisés dans le traitement des violences dans le couple. Ceux-ci donnent une dimension encore plus profonde à la collaboration entre la criminologie et le droit pénal. La lutte judiciaire contre le féminicide85 tend ainsi à produire de nouvelles formes de cliniciens.

Le développement des cliniciens. La prévention du féminicide repose en partie sur la qualité de la prise en charge des victimes de violences. Outre la formation existante en matière de violences intrafamiliales en ce qui concerne les officiers de police judiciaire, la pratique de certains professionnels est spécifiquement orientée vers le traitement des violences dans le couple. Il s’agit notamment des associations d’aide aux victimes, qui doivent être titulaires d’un agrément général ou spécial depuis 201986.

En témoigne également la création de postes contractuels spécialisés sur les violences intrafamiliales et placés auprès des magistrats, ainsi que la mise en œuvre de comités de pilotage au sein des juridictions, associant différents acteurs juridictionnels mais également extérieurs87. Ces personnels et dispositifs constituent notamment un canal d’information entre les différents services d’aide aux victimes et de suivi socio-judiciaire des auteurs. Ils viennent cristalliser l’interconnexion entre droit, criminologie et victimologie d’une part, théorie et pratique d’autre part.

La transmission d’informations entre les différents services revêt une particulière importance dans la mesure où la prévention de la récidive doit se faire de manière globale. Cette spécialisation doit donc être poursuivie, encouragée, promue et, surtout, financée. Les crédits alloués (notamment à l’aide aux victimes) devraient être augmentés, alors que ce secteur est en plein essor et nécessite de recruter des personnels qualifiés (titulaires d’au moins un grade master), spécialisés et continuellement formés. En effet, si la pratique de l’aide aux victimes n’a plus à démontrer son caractère indispensable, il demeure que pour assurer une protection efficace des victimes et une justice efficiente, elle nécessite une impulsion financière suffisante.

En définitive, l’appréhension juridique du féminicide a d’ores et déjà considérablement évolué. Les dynamiques criminologiques et victimologiques ne sont sans doute pas étrangères à cette évolution.

Longtemps, certains féminicides ont été présentés comme des crimes passionnels ou des drames familiaux. Diverses représentations picturales du viol comme celle du Tarquin et Lucrèce de Titien ou du Verrou de Fragonard, ainsi que des personnages fictifs comme Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal ou Othello dans la pièce de Shakespeare ont sans doute contribué à la romantisation des violences faites aux femmes et du féminicide. Avant sa suppression par la loi du 12 juillet 197588, le deuxième alinéa de l’article 324 du Code pénal de 1810 prenait d’ailleurs en compte le féminicide afin d’encadrer les cas dans lesquels il pouvait être toléré et constituer une cause d’irresponsabilité pénale : « Néanmoins, dans le cas d’adultère, prévu par l’article 336, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable ». L’excuse prévue par le législateur concernait le meurtre commis spécifiquement par l’époux sur la personne de l’épouse. Autrement dit, dans le cadre matrimonial, le meurtre de la femme adultère a donc été excusable en raison de son statut d’épouse, et ce, pendant 165 ans, de 1810 à 1975. L’abrogation bienvenue de cette disposition marque certainement le point de départ d’une inversion de la perspective dont l’aboutissement pourrait être la consécration du féminicide en tant qu’infraction spécifique.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. not. : R. Gassin, S. Cimamonti, P. Bonfils, Criminologie, 7e éd., 2011, Dalloz, Paris, Précis, p. 313 : « La criminologie théorique est la branche de la criminologie qui a pour objet l’explication de l’action criminelle, ou, pour être plus précis, l’étude des facteurs et des processus de l’action criminelle. Elle constitue donc la partie purement scientifique de la criminologie ».
  • 2.
    Sur la criminologie clinique, v. not. : Jean Pinatel, Le phénomène criminel, 1987, Paris, MA éd., Le monde de…, p. 47.
  • 3.
    Sur le terme lui-même v. not. : L. Bodiou et F. Chauvaud, « Introduction », in L. Bodiou, Les archives du féminicide, 2022, Hermann, p. 5-12, spéc. p. 5 : « Entré dans le Petit Robert en 2015, décrété mot de l’année en 2019, le féminicide n’est ni un vocable récent ni un phénomène nouveau. En mai 1976, s’était tenu à Bruxelles le Tribunal international des crimes contre les femmes, le mot féminicide était lancé. Le journal Ouest France s’en faisait l’écho. Presque aussitôt relégué dans les coulisses, oublié de la scène médiatique, il s’impose néanmoins en 1992 ».
  • 4.
    En 2023, d’après Le Monde, 94 femmes auraient été tuées par leur partenaire, selon le ministre de la Justice mais ce chiffre est contesté par diverses associations : il serait inférieur au nombre réel de féminicides, et ce d’autant plus qu’il ne tient pas compte des suicides forcés, 2 janv. 2024, https://lext.so/nzgBYR.
  • 5.
    Sur la définition de la politique criminelle, v. par ex., J. P. Jean, Le système pénal, 2008, La Découverte, Repères, p. 13 : « La politique criminelle peut se définir aujourd’hui comme une politique publique, fondée sur une philosophie pénale et définissant des stratégies mises en œuvre par l’État dans sa fonction régalienne, conduite avec ses partenaires, pour répondre au phénomène de la criminalité ».
  • 6.
    J. Radford et D. Russell, Femicide : The Politics of Woman Killing, 1992, Twayne Publishers.
  • 7.
    Ainsi, selon C. Buisson et J. Wetzels, la typologie des violences sexistes et sexuelles « doit être lue au prisme du continuum ». Elles précisent que, s’agissant des violences physiques, leur « point culminant » n’est autre que le féminicide. V. C. Buisson et J. Wetzels, Les violences sexistes et sexuelles, 2022, Paris, PUF, Que sais-je ?, spéc. p. 9-15.
  • 8.
    V. Jaquier et J. Vuille dressent un constat similaire : « Les violences conjugales sont considérées comme un antécédent quasi systématique du féminicide, et les féminicides qui ne s’inscrivent pas dans un continuum de violences conjugales sont extrêmement rares ». V. V. Jaquier et J. Vuille, Les femmes et la question criminelle. Délits commis, expériences de victimisation et professions judiciaires, 2017, Zurich et Genève, éd. Seismo, Questions de genre, p. 319.
  • 9.
    C. Taraud, « Une histoire mondiale des féminicides : pour quoi faire ? », in C. Taraud (dir.), Féminicides. Une histoire mondiale, 2022, Paris, La découverte, p. 11-22, spéc. p. 15.
  • 10.
    A. Delbreil citée par Anaïs Coignac, « Le “crime passionnel” au XXIe siècle existe-t-il encore ? », Dalloz actualité, 20 sept. 2018.
  • 11.
    Pour une analyse approfondie des résultats de l’enquête VIRAGE, v. : E. Brown, A. Debauche, C. Hamel et M. Mazuy (dir.), Violences et rapports de genre. Enquête sur les violences de genre en France, 2020, Paris, Ined éd, Grandes enquêtes.
  • 12.
    Interstats, L’enquête Cadre de vie et sécurité, 1er févr. 2024, https://lext.so/ZTidpw.
  • 13.
    Il est alors souvent associé au viol. V. not. : D. Epelbaum, Des hommes vraiment ordinaires ? Les bourreaux génocidaires, 2015, Paris, Stock, p. 256-261.
  • 14.
    Sur les divers procédés létaux que recouvre le terme de féminicide, v. not. : V. Bellami, « Intégrer, définir, réprimer et prévenir le “fémicide/féminicide” en Amérique latine », Autrepart 2018, vol. 85, n° 1, p. 133-148 : « Quel que soit le continent, l’élément commun à tous ces phénomènes est le résultat : la mort d’une femme, quel que soit son âge, parce qu’elle est une femme, causée de manière directe ou indirecte […], passive ou active […], individuelle ou systématique […] ».
  • 15.
    V. not., F. Hostalier, « Crime d’honneur », Inflexions 2014, vol. 27, n° 3, p. 61-64.
  • 16.
    OMS, Comprendre et lutter contre la violence à l’égard des femmes : le fémicide, https://lext.so/-pGAob.
  • 17.
    Office des Nations unies contre la drogue et le crime, « Symposium sur le féminicide : un problème mondial qui nécessite une intervention ! », 2012, https://lext.so/84MGCJ.
  • 18.
    Notons que ces derniers ont longtemps été présentés comme des crimes passionnels. V. par ex., G. Kellens, Éléments de criminologie, 1998, Erasme Bruylant, Espaces Droit, p. 227-230.
  • 19.
    A. Delbreil et J.-L. Senon, « L’homicide conjugal : questions de prévention ? » in F. Chauvaud et a. (dir.), Le corps en lambeaux, 2018, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 309-319, disponible à l’adresse https://lext.so/rORsJm.
  • 20.
    H. Ellenberger, « Relations psychologiques entre le criminel et la victime », Revue internationale de criminologie et de police technique 1954, 8, 2, p. 103-121.
  • 21.
    E. A. Fattah, « La victime est-elle coupable ? Le rôle de la victime dans le meurtre en vue de vol », 1971, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, p. 26.
  • 22.
    Sur le pouvoir de nomination du législateur, v. P. Bourdieu, « La force du droit. Éléments pour une sociologie du champ juridique », in Actes de la Recherche en Sciences Sociales 1986, n° 64, De quel droit, p. 3-19, spéc. p. 12-14.
  • 23.
    M. Vogliotti, « Mutations dans le champ pénal contemporain. Vers un droit pénal en réseau ? », RSC 2002 p. 721.
  • 24.
    M. Vogliotti, « Mutations dans le champ pénal contemporain. Vers un droit pénal en réseau ? », RSC 2002, p. 721.
  • 25.
    C. pén., art. 299 anc.
  • 26.
    C. pén., art. 300 anc.
  • 27.
    L. n° 92-1336, 16 déc. 1992, relative à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur.
  • 28.
    Sur les mobiles, v. par ex., X. Pin, Droit pénal général, 15e éd., 2024, Dalloz, Cours Dalloz, Droit privé, p. 242-243, § 223.
  • 29.
    Sur le dol spécial : X. Pin, Droit pénal général, 15e éd., 2024, Dalloz, Cours Dalloz, Droit privé, p. 244, § 224.
  • 30.
    Mutatis mutandis, l’article 325 du Code pénal fédéral mexicain instaure de telles présomptions à partir de sept circonstances qu’il énumère : la victime présente des signes de violences sexuelles, des mutilations ou des lésions dégradantes ont été imposées à la victime, la victime a été, par le passé, victime de violences de la part de l’auteur quelle que soit la sphère (familiale, amicale, professionnelle), il a existé entre l’auteur et la victime une relation sentimentale, affective ou de confiance, le crime a été précédé de menaces, la victime a été séquestrée avant d’être tuée, son cadavre a été exhibé dans un lieu public.
  • 31.
    V. la présomption de discrimination en droit du travail : C. trav., art. L1134-1.
  • 32.
    V. not. C. Serre et C. Evrard, « Non, le féminicide ne doit pas être pénalement qualifié », Dalloz actualité, 8 oct. 2019.
  • 33.
    CNCDH, Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides, 26 mai 2016.
  • 34.
    C. Le Magueresse, « Faut-il qualifier pénalement le féminicide ? », Dalloz actualité, 17 sept. 2019.
  • 35.
    C. Serre et C. Evrard, « Non, le féminicide ne doit pas être pénalement qualifié », Dalloz actualité, 8 oct. 2019.
  • 36.
    C. pén., art. 222-8, 6°.
  • 37.
    C. pén., art. 221-4, 9°.
  • 38.
    C. Serre et C. Evrard, « Non, le féminicide ne doit pas être pénalement qualifié », Dalloz actualité, 8 oct. 2019.
  • 39.
    Blaise Pascal, Les Pensées, section V, 294. Sans doute par innutrition, Pascal s’inspire ici de Montaigne, Les Essais, livre II, 12, Apologie de Raymond Sebond : « Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà ? ».
  • 40.
    Cette loi belge distingue trois types de féminicide : le féminicide intime, le féminicide non intime et le féminicide indirect. Le premier est l’homicide d’une femme en raison de son genre commis par son partenaire ou un membre de sa famille, le deuxième est l’homicide d’une femme en raison de son genre commis par un tiers, le troisième est l’homicide non intentionnel d’une femme en raison de son genre lorsqu’il s’agit de la mort d’une femme résultant de pratiques qui causent un dommage aux femmes, ou le suicide d’une femme qui en résulte.
  • 41.
    G. Lopez et S. Tzitzis (dir.), Dictionnaire des sciences criminelles, 2004, Dalloz, p. 799.
  • 42.
    X. Pin, Droit pénal général, 15e éd., 2024, Dalloz, Cours Dalloz, Droit privé, p. 458.
  • 43.
    X. Pin, Droit pénal général, 15e éd., 2024, Dalloz, Cours Dalloz, Droit privé, p. 458.
  • 44.
    Dictionnaire de l’Académie Française, « clinique », https://lext.so/97SFMB.
  • 45.
    Dictionnaire de l’Académie Française, « clinique », https://lext.so/97SFMB.
  • 46.
    M. Foucault, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical, 5e éd., 1983, Paris, Presses universitaires de France, p. 88.
  • 47.
    R. Gassin, Criminologie, 3e éd., 1994, Dalloz, Précis, p. 535
  • 48.
    H. N. Barte et G. Ostaptzeff, Criminologie clinique, 1991, Masson, p. 1.
  • 49.
    H. N. Barte et G. Ostaptzeff, Criminologie clinique, 1991, Masson, p. 1.
  • 50.
    École de Criminologie de Montréal, « Qu’est-ce que la criminologie ? », https://lext.so/GpcCVu.
  • 51.
    École de Criminologie de Montréal, « Qu’est-ce que la criminologie ? », https://lext.so/GpcCVu.
  • 52.
    Sur la période 2016-2020, v. INSEE Références, Sécurité et société, 2021, p. 108.
  • 53.
    A.-B. Caire, Criminologie, 2022, Ellipses, Tout-en-un droit, p. 50 ; v. également, Le Comité de rédaction, « Éditorial », Criminologie, 1980, vol. 13, n° 1, p. 3-5.
  • 54.
    R. Cassin, P. Bonfil et S. Cimamonti, Criminologie, 2011, Dalloz, Précis, p. 231.
  • 55.
    P. Morvan, Criminologie, 2e éd., 2016, Lexis Nexis, p. 281-282.
  • 56.
    E. A. Fattah, « La victime est-elle coupable ? Le rôle de la victime dans le meurtre en vue de vol », 1971, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
  • 57.
    M. Baril, L’envers du crime, 1984, Centre international de criminologie comparée.
  • 58.
    S. Catalano, « Intimate partner violence in the United States », Bureau of Justice Statistics, U.S. Washington, DC : Department of Justice, 2006 ; C. Garcia-Moreno, H. Jansen, C. Watts, M. Ellsberg et L. Heise, « WHO multi-country study on women’s health and domestic violence against women : Initial results on prevalence, health outcomes and women’s responses », Genève, Suisse : World Health Organization, 2005.
  • 59.
    H. Hutchins et M. Sinha, « Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques », Juristat 2013, 3, 85-002-x.
  • 60.
    B. L. Cattaneo et L. A. Goodman, « Risk Factors for Reabuse in Intimate Partner Violence : A Cross-Disciplinary Critical Review », Trauma Violence Abuse 2005, vol. 6, n° 2, p. 141-175.
  • 61.
    A. R. Piquero, R. Brame, J. Fagan, et T. E. Moffitt, « Assessing the Offending Activity of Criminal Domestic Violence Suspects : Offense Specialization, Escalation, and De-Escalation Evidence from the Spouse Assault Replication Program », Public Health Reports 2006, vol. 121, p. 409-418.
  • 62.
    F. Ouellet, O. Blondin, C. Leclerc, et R. Boivin, « Prédiction de la revictimisation et de la récidive en violence conjugale », Criminologie 2017, vol. 50, n° 1, p. 311-337 ; v. not. Z. Eisikovits, et Z. Winstok, « Overdrawing and balancing : The contribution of past events to the escalation process from the batterer’s perspective » Violence against women 2001, vol. 7, n° 1, p. 5-21 ; S. Feld et M. A. Straus, « Escalation and desistance of wife assault in marriage », Criminology 1989, vol. 1, n° 27, p. 141-161 ; Z. Winstok, « Conflict escalation to violence and escalation of violent conflicts », Children and Youth Services Review 2008, vol. 30, p. 297-310.
  • 63.
    D. Finkelhor, R. K. Ormrod, et H. A. Turner, « Poly-victimization : A neglected component » in Child victimization. Child Abuse and Neglect 2007, vol. 31, n° 1, p. 7-26, cités par A. Lussier, J.-A. Wemmers et K. Cyr, « La polyvictimisation : qu’est-ce que c’est et quels sont les impacts sur l’intervention ? », oct. 2016, Centre international de criminologie comparée.
  • 64.
    A. Lussier, J.-A. Wemmers et K. Cyr, « La polyvictimisation : qu’est-ce que c’est et quels sont les impacts sur l’intervention ? », oct. 2016, Centre international de criminologie comparée. V. également T. K. Logan, R. Walker, J. Cole, et C. Leukefeld, « Victimization and substance abuse among women : Contributing factors, interventions and implications », Review of General Psychology 2002, vol. 6, p. 325-397 ; J. Hill, Working with Victims of Crime : A manual applying research to clinical practice, 2e éd., 2009, Ottawa : Department of Justice Canada.
  • 65.
    V. infra, à propos de l’individualisation de la peine à travers l’influence opératoire des dynamiques criminologiques cliniques.
  • 66.
    A. Beziz-Ayache et M. Ravit, Fiches de Criminologie, Rappels de cours et exercices corrigés, 2021, Ellipses, p. 87-88.
  • 67.
    C. Blatier, Les personnalités criminelles, évaluation et prévention, 2014, Dunod, p. 31-36.
  • 68.
    A.-B. Caire, Criminologie, 2022, Ellipses, Tout-en-un droit, p. 40-45. V. également R. Cassin, P. Bonfil et S. Cimamonti, Criminologie, 2011, Dalloz, Précis, p. 536.
  • 69.
    R. Cassin, P. Bonfil et S. Cimamonti, Criminologie, 2011, Dalloz, Précis, p. 536.
  • 70.
    R. Cassin, P. Bonfil et S. Cimamonti, Criminologie, 2011, Dalloz, Précis, p. 536.
  • 71.
    R. Cassin, P. Bonfil et S. Cimamonti, Criminologie, 2011, Dalloz, Précis, p. 536.
  • 72.
    Le féminicide étant entendu comme une manifestation de la récidive en matière de violences dans le couple.
  • 73.
    C. pén., art. 132-1.
  • 74.
    C. pén., art. 131-6, 14°. À ce titre, il faut souligner que l’interdiction d’entrer en contact constitue une privation de liberté à la fois pour le condamné et pour la victime. En effet, cela se vérifie dans le cadre d’une relation de couple à laquelle aucune des parties n’a souhaité mettre fin, mais dans laquelle le juge commet une ingérence afin, notamment, de prévenir la commission de faits plus graves. La victime ne collabore donc pas nécessairement à sa propre protection.
  • 75.
    C. pén., art. 132-45, 3°.
  • 76.
    C. pén., art. 41-1, 8°, s’agissant de l’interdiction d’entrer en contact avec la victime.
  • 77.
    C. civ., art. 515-11. V. not. les 1°, 1° bis et 2° s’agissant des privations de libertés et 2°ter en ce qui concerne la proposition de « prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ».
  • 78.
    Chacun de ces deux instruments fait l’objet d’une réglementation distincte, le premier pouvant être attribué par le procureur de la République (CPC, art. 41-3-1) et le second pouvant être mis en place par le juge pénal au titre du contrôle judiciaire (CPP, art. R 24-14) ainsi qu’au titre de la condamnation (C. pén., art. 132-45-1) ou par le juge aux affaires familiales (CPC, art. 1136-18).
  • 79.
    G. Lopez, Victimologie, 2019, Connaissance du droit, p. 19.
  • 80.
    L. n° 2020-936, 30 juill. 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales.
  • 81.
    C. pén., art. 226-14.
  • 82.
    E. Piet, « Chapitre 3. Le repérage systématique, une méthode de diagnostic efficace », in E. Ronai, Violences conjugales. Le droit d’être protégée, 2017, Paris, Dunod, « Santé Social », p. 37-51.
  • 83.
    E. Piet, « Chapitre 3. Le repérage systématique, une méthode de diagnostic efficace », in E. Ronai, Violences conjugales. Le droit d’être protégée, 2017, Paris, Dunod, « Santé Social », p. 37-51.
  • 84.
    Haute autorité de santé, « Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple », Recommandation de bonne pratique, Méthode recommandations pour la pratique clinique, juin 2019, https://lext.so/ZIFVf7.
  • 85.
    Bien que cette qualification ne soit pas employée au sein des prétoires, la direction que prend la politique pénale actuelle reflète tous les caractères d’une lutte spécifiquement dirigée contre le féminicide, comme extension de la lutte contre les violences dans le couple.
  • 86.
    D. n° 2019-1263, 29 nov. 2019, relatif à l’agrément des associations d’aide aux victimes d’infraction.
  • 87.
    D. n° 2023-1077, 23 nov. 2023, instituant des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel. Le décret vient consacrer ce dispositif préexistant et issu de la pratique juridictionnelle.
  • 88.
    L. n° 75-617, 11 juill. 1975, portant réforme du divorce : JO, 12 juill. 1975.
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