Les affaires criminelles des Yvelines : Roger Lesimple, le « turfiste enragé »

Publié le 02/12/2024

« Lesimple écrasait la tête de ses victimes à coups de bûche ou de pilon », titre en 1948, le journal Ce Soir. Roger Lesimple, 31 ans au moment des faits, a tué deux personnes à quelques jours d’intervalle pour quelques milliers de francs… Guillotiné en 1951, il a fait partie des condamnés à mort sélectionnés pour des essais de greffe de rein en France.

Roger Lesimple a 31 ans lorsqu’il est arrêté à la Villette par l’inspecteur chef, Arnal et ses collègues, Godot et Deplanque. Lors d’un long interrogatoire, il avoue deux crimes, pour un gain de 6 900 francs. Le premier remonte au 22 décembre 1947. « À l’époque, Lesimple était garçon de ferme à Jumeauville, près de Montfort (Seine-et-Oise), relate le journal Ce Soir. Il avait un « tuyau » épatant aux courses. Il voulait jouer, mais il n’avait pas d’argent. Son camarade Blanchard, lui, avait un portefeuille plein de billets de « mille ». Le soir, Lesimple saisit Blanchard à la gorge avec ses deux grosses mains et il acheve sa victime en lui écrasant la tête avec le pilon à broyer les betteraves. Ce crime lui rapporta 6 000 francs. » Deux jours après, il est à Egly, près d’Arpajon. « Là, dans une baraque en planches, une vieille dame, Mme Lécureuil, 65 ans, élevait des poules et des lapins. Lesimple s’introduisit la nuit dans le local en brisant le carreau d’une fenêtre. Au bruit, la sexagénaire s’éveilla et se dressa sur sa couche. » Elle se mit à crier. Pour la faire taire, il lui tire une balle en pleine poitrine. «  Mais elle continuait à gémir, dit le bandit. Je l’ai achevée à coups de bûche » ! Son corps est découvert quatre jours plus tard, dévoré par les rats et les poules. Le gain pour Lesimple : 900 francs. Pensant à une mort naturelle, le corps est inhumé. Ce n’est qu’avec les aveux de Lesimple lors de son arrestation que l’assassinat put être reconnu.

Surnommé « écumeur de la banlieue », il tente également en janvier de braquer un fermier à Trilport et un café sur les bords du canal de l’Ourcq à Aulnay. Puis « quelques fric-frac dans la région de Rosny et de Bondy », avec des cambriolages dans des maisons inhabitées.

Maître Tiercin à la défense

Mars 1950, Roger Lesimple est jugé devant les assises de Seine-et-Oise, à Versailles. Il est défendu par Maître Tiercin, du barreau de Versailles. On retrouve peu d’informations sur cet avocat dans les archives de la presse. Son nom apparaît dans une seconde affaire de la même époque, aux côtés de Maître Genty, pour défendre André Félix en 1949. Durant ce que le journal Le Combat appelle « le procès du satyre de Rueil », André Félix est accusé d’avoir violenté plusieurs femmes. Surnommé « le vampire », il avoue avant de se rétracter, « en expliquant qu’athlète complet, il n’en avait pas moins été pris d’une terreur panique devant l’appareil de la justice » (Ce Soir, 14 avril 1949). Il est relaxé au bénéfice du doute.

Maître Tiercin apparaît ensuite dans l’affaire du « châtelain-gangster » en 1952, avec Maître Aubert et Maître Raoult. Tous les trois défendent Daniel Touche et ses complices pour de nombreux faits d’agressions et de cambriolages à Saint-Cloud. Ou encore pour la défense d’un homme accusé d’homicide involontaire : « Un coup de chance malheureux, qu’il décocha, le 24 septembre 1950, vers 21 h 45, à un jeune ivrogne, qui s’accrochait à lui, l’amène, aujourd’hui, devant les jurés de Versailles. »

Mars 1950, le procès à Versailles

L’édition du 10 mars 1950 de Ce Soir fait un compte rendu du premier jour du procès de Roger Lesimple : « Tout au début de l’interrogatoire, le tueur a tenté d’expliquer d’une voix faible son enfance malheureuse. En fait, ces explications ont été fournies au jury par le président Pihier, l’accusé ne répondant que par monosyllabes. » Dans L’Humanité du même jour, il est fait état d’un « remords tardif », d’après le journaliste. « J’ai fait des aveux, car j’ai voulu libérer ma conscience », dit-il tout de même à l’audience. Lesimple est « une épave ». « Son père, gazé de guerre, est mort quand il avait 6 ans. Puis il a perdu sa mère. Repoussé de tous, il a volé à plusieurs reprises. » À plusieurs reprises dans la presse, les journalistes s’arrêtent sur ses mains : « Des mains énormes, des mains d’étrangleur. »

Le contexte de son enfance ne change rien au verdict : Roger Lesimple est condamné à mort pour l’assassinat de Mme Lécureuil, et aux travaux forcés à perpétuité pour celui d’Aimé Blanchard. L’avocat général Furter avait pourtant « réclamé au jury une nouvelle condamnation au châtiment suprême. » (L’Aurore, 11 mars 1950). « Cela n’empêche pas Me Tiercin, son défenseur, de tenter de remonter le courant en faisant valoir que, malgré l’opinion des psychiatres, son client n’est pas, ne peut pas, être normal. Et son appel à la pitié n’est pas vain puisque, cette fois, le jury accorde des circonstances atténuantes à Lesimple. » Pour la tentative d’assassinat contre M. Corbrion de Trilport, il est condamné aux travaux forcés par les assises de la Seine-et-Marne, en novembre 1950.

L’exécution, et une tentative de greffe d’organe

Sans l’obtention de la grâce présidentielle, Roger Lesimple n’échappe pas à sa première condamnation. Il est guillotiné dans la cour de la prison de la Santé, sous le couperet d’Henri Desfourneaux, exécuteur en chef des arrêts criminels.

Des essais de transplantation de reins sont alors réalisés par les pionniers de la médecine, René Küss, Charles Dubost et Marceau Servelle, après prélèvement sur les corps de plusieurs condamnés à mort en 1951, une première en Europe. Roger Lesimple en fait partie, sans qu’il ait donné son consentement au préalable. « Malheureusement, écrit le journal Paris-Presse le 24 janvier 1951, au cours des opérations préparatoires on s’aperçut que le supplicié était atteint d’une maladie du sang qui interdisait de poursuivre plus avant la tentative »…

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