TJ de Créteil : « La cocaïne incorporée, c’est difficile à nier »
Deux jeunes femmes ont avalé respectivement 1 et 1,4 kilogrammes de cocaïne au Brésil pour l’importer en France. Elles étaient parvenues à sortir de l’aéroport sans encombre, avant d’être interpellées à Rungis. En répression, la procureure reconnaît que les deux prévenues sont elles-mêmes des victimes du trafic mais requiert un an de prison ferme.
« Les faits sont simples mais sortent un peu de l’ordinaire », commence le président de la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil. Comme la juridiction en voit souvent, il s’agit d’importation de cocaïne sur le territoire français. Ici, depuis le Brésil.
Ce qui sort de l’ordinaire, c’est la façon dont les deux jeunes femmes ont été interpellées : c’est si bête que cela ressemble à un acte manqué. Elles étaient sorties de l’aéroport de Roissy sans encombre et sont arrivées jusqu’à Rungis, dans un hôtel. Peut-être se sont-elles senties sorties d’affaires et ont cessé de faire attention. Quoi qu’il en soit, c’est là qu’elles ont provoqué leur arrestation : au lieu de récupérer leurs bagages et de quitter la chambre qu’elles occupaient au moment voulu, elles sont allées manger dans un fast-food à l’heure du check-out. Pour libérer et préparer la chambre, le personnel de l’hôtel a alors lui-même ramassé leurs affaires… et découvert des ovules contenant chacun entre 10 et 12 grammes de cocaïne avant d’appeler la police.
Au moment où elles sont arrêtées, Madame G. et Madame S. n’ont pas encore évacué la totalité de la cocaïne ingérée et le processus est si difficile qu’une opération est envisagée. Elle ne sera finalement pas nécessaire. Au total, l’une évacuera 1,4 kg, l’autre 1 kg. Le juge demande aux prévenues d’identifier qui a ingéré puis évacué combien. « Merci pour ces précisions », répond-il dans un sourire.
Surtout, toutes les deux expliquent ne pas se connaître avant l’importation et expliquent avoir accepté par besoin d’argent : 10 000 réaux brésiliens, soit 1 600 euros environ. C’était leur premier voyage en Europe et même le premier en dehors du Brésil. Elles n’ont jamais eu affaire à la police. L’une est cuisinière à son compte, l’autre ne travaille pas actuellement.
La procureure entame ses réquisitions en rappelant l’incontestable matérialité des faits : « La cocaïne incorporée, c’est difficile à nier ». La magistrate poursuit comme de coutume en rappelant que l’import de cocaïne depuis le continent américain alimente le marché français. Elle reconnaît que les deux prévenues sont elles-mêmes des « victimes de ce réseau d’importation » mais va demander une sanction forte car les décisions du tribunal de Créteil sont observées par les gérants des réseaux. En l’occurrence, un an de prison avec mandat de dépôt et une interdiction définitive de séjour sur le territoire français, « ce qui pourrait permettre une libération conditionnelle assez rapidement ». Face à la précarité des prévenues, elle ne requiert pas d’amende.
En défense, l’avocate de Madame G. prend la parole la première et rappelle les risques encourus par sa cliente en ingérant une si grande quantité de cocaïne. Son motif principal : le lourd traitement médical de sa mère qu’il faut payer. « Elle veut retourner au Brésil le plus rapidement possible et en tout cas prévenir ses proches de sa situation. » Son confrère, en défense de Madame S., y va plus franco, critiquant d’emblée « la politique pénale qui consiste à envoyer systématiquement en prison les petites mains du trafic ». Une stratégie qui ne fonctionne pas, puisque la juridiction de Créteil est envahie par ces affaires : beaucoup passent en procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité mais lui-même assiste, au cours de cette après-midi de comparutions immédiates, trois prévenus pour des faits d’importation de cocaïne. « N’ajoutons pas à la surpopulation carcérale et profitons de ce que Madame soit étrangère pour la condamner à un sursis probatoire et une interdiction de séjour dans les aéroports nationaux. »
Il en sera décidé autrement : Madame G. et Madame S. sont condamnées selon les réquisitions à un an de prison ferme, une interdiction de séjour sur le territoire français et à la confiscation de leur téléphone et de l’argent retrouvé sur elles.
Référence : AJU015t6