TJ de Nanterre : « Votre façon d’obtenir le respect de votre sœur, c’est en la frappant ? »

Immature et ayant déjà eu souvent affaire avec la justice, un jeune prévenu a multiplié les bévues pendant l’audience, où il devait répondre de faits de violences contre sa petite sœur et de rébellion.
Dans la 16e chambre correctionnelle, Amin* s’approche de la barre, l’allure un peu nonchalante. Il n’a pas vingt ans et comparaît pour des violences sous l’emprise de l’alcool sur sa sœur et pour avoir résisté lors de son interpellation. Les faits ont eu lieu en janvier 2024 et il les reconnaît entièrement. Alors que le juge reprend le déroulé des faits, le prévenu l’interrompt avec une précision et un « on va y venir » pour le moins désinvolte et peu au goût du magistrat. Il est aussitôt remis à sa place.
« À quel moment la réponse d’un grand frère, c’est de rendre les coups ? »
Le soir des faits, la police est appelée au domicile dans lequel se trouve la sœur d’Amin, ainsi qu’une autre femme et son compagnon. La victime a reçu des coups, elle est en train de pleurer. Alors qu’il est emmené par les policiers, Amin résiste au point de mettre des coups de pied. Selon les différents témoignages, le prévenu se serait énervé contre sa sœur parce qu’il ne trouvait pas son téléphone.
À l’audience, il admet les faits de rébellion, mais tente de minorer les violences, au point de les justifier plus que maladroitement :
– « Elle m’a manqué de respect.
– Votre façon d’obtenir le respect de votre sœur, c’est en la frappant ? Ça, c’est une vraie marque de maturité !
– Elle m’a mis des coups, j’sais pas comment expliquer…
– Vous n’êtes pas à ce moment-là la personne la plus clairvoyante… »
Amin croise les bras devant lui, marquant une attitude qui se prête peu à la remise en question.
– « Vous comprenez que ça choque ?
– C’est pas ce que je voulais dire…
– À supposer que vous étiez frappé, à quel moment la réponse d’un grand frère, c’est de rendre les coups ? »
« Si vous n’arrivez pas à vous contrôler, vous finirez en détention »
À son casier judiciaire, Amin a déjà seize mentions, dont les trois dernières pour violences aggravées. « Si vous n’arrivez pas à vous contrôler, vous finirez en détention », met en garde le juge. Le prévenu évoque des « circonstances », des « choses qui jouent ». Il a néanmoins trouvé un emploi, a arrêté l’alcool et a diminué sa consommation de cannabis. Il a aussi consulté un addictologue en prison. « Il faudra complètement arrêter, ça ne va vous créer que des problèmes ! » Une juge assesseure ajoute qu’il a des sursis probatoires au-dessus de la tête et que le juge d’applications des peines de Marseille a perdu sa trace. Amin maintient qu’il a pourtant fait transférer son dossier. « Compte-t-il poursuivre son suivi addictologique ? », demande la défense. « Oui ». Et un suivi psychologique ? Ce n’est visiblement pas à l’ordre du jour.
La procureure réclame une peine mixte pour ce prévenu qui accumule les sursis probatoires : 18 mois dont six assortis du sursis probatoire avec obligation de suivi psychologique et pour ses addictions.
La défense se dit elle aussi « effarée » par certaines déclarations d’Amin, par ces « considérations archaïques et patriarcales » : « Quand il s’explique, il est capable de dire exactement ce qu’il ne faut pas dire ! » Mais elle reconnaît aussi que cet ancien détenu des Baumettes, tristement célèbre centre pénitentiaire de Marseille, essaie de se sortir de la délinquance et est venu s’installer dans les Hauts-de-Seine pour rompre avec ses mauvaises fréquentations. « Les faits sont reconnus, mal justifiés, mais reconnus. » Elle demande un stage de responsabilisation parentale et si le juge prononce une peine de ferme, qu’elle soit aménageable.
Amin a la parole en dernier : il aimerait maintenir le contact avec sa sœur car leur père est malade. Au délibéré, il est reconnu coupable et condamné à dix mois d’emprisonnement à effectuer sous bracelet électronique. Il devra aussi régulariser sa situation avec le JAP de Marseille.
*Le prénom a été modifié.
Référence : AJU014t1
