TJ de Versailles : « Mais si c’était une arme pourquoi les policiers ne l’ont pas saisie ?»
À 26 ans, cet homme est sorti de sept années de prison, en juillet 2024, pour des actes de violence. Multirécidiviste depuis son plus jeune âge, il se retrouve de nouveau à la barre pour des faits similaires avec arme ayant entraîné des blessures sans gravité sur la victime.
Un prévenu jugé avec son arme à la main au tribunal judiciaire de Versailles… Décrite ainsi, la situation paraît totalement improbable. Et pourtant… Monsieur P. entre dans le box des accusés entouré par deux policiers avec dans sa main gauche « l’arme » impliquée dans les faits qui lui sont reprochés.
À 26 ans, l’homme vêtu ce jour-là d’un survêtement fluo du FC Barcelone a la parole facile. Il se retrouve face aux juges en comparution immédiate pour des actes de violence avec usage d’une arme en état de récidive légale. La présidente commence à décrire la situation qui s’est déroulée à la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines. Vers 23 heures, Monsieur P. était présent avec un ami dans le hall de la gare. Monsieur A. attendait son train et était en train de recharger son téléphone. Les deux hommes sont venus vers lui et lui ont demandé de l’argent. La victime a pris la fuite avant de se faire rattraper et de se faire frapper au visage par le prévenu, qui a été interpellé et placé en garde à vue par les policiers.
Multirécidiviste pour des faits de violence et de vol
Suite à cet acte de violence, Monsieur A. a eu un hématome sur le front. Il s’est rendu au poste de police le lendemain pour déposer plainte. Dans le box, Monsieur P. coupe le récit des faits : « Il était dans la gare, il rechargeait son téléphone mais il criait. J’ai dit « chut″ avec la main ». La juge lui répond : « Effectivement, il était agacé par l’attente de son train. Vous lui avez demandé de l’argent, s’il voulait continuer de parler puis vous l’avez ensuite frappé, d’après le dépôt de plainte ». L’exploitation de la vidéosurveillance montre le coup porté sur la victime. Si Monsieur P. a gardé le silence face aux policiers lors de sa garde à vue, il reconnaît l’acte de violence face à la juge en rigolant :
– « Je reconnais les faits. Mais je n’ai jamais demandé de l’argent. Il a allumé sa cigarette à l’intérieur de la gare. La dame de l’accueil lui a dit d’aller dehors. Du coup, je lui ai dit de sortir. Il m’a dit de sortir, m’a provoqué et insulté. Je lui ai donné un coup mais je n’avais pas l’intention de le blesser.
– Vous lui avez quand même fait un hématome en le frappant à la tête…
– Oui. Mais si c’est une arme pourquoi les policiers ne l’ont pas saisie ? »
Appuyé sur le bord du box des accusés au moment de cette affirmation, Monsieur P. relève sa béquille en la désignant à la présidente de l’audience. Après avoir constaté la reconnaissance des faits par le prévenu, la juge enchaîne sur sa personnalité. Incarcéré à 19 ans, le jeune Yvelinois, âgé aujourd’hui de 26 ans, est sorti de prison le 25 juillet 2024 avec deux tibias fêlés lors d’un match de football en détention. Il est hébergé chez sa maman et fait l’objet d’un suivi socio-judiciaire. Très défavorablement connu de la justice, Monsieur P. a été condamné à de multiples reprises pour vol, violence, détention d’armes ou trafic de stupéfiants par le tribunal pour enfant, le tribunal correctionnel et la cour d’assises.
– « Vous avez conscience que vous êtes sous le coup d’un suivi judiciaire ?
– Comme je vous ai dit c’est lui qui m’a dit de le suivre.
– Et il vous a aussi demandé de le frapper ?
– Il ne m’a pas demandé de le frapper mais c’est lui qui était énervé ».
800 euros pour la perte d’une casquette
Constitué partie civile, Monsieur A. est représenté par une avocate qui précise que la victime a eu deux jours d’arrêt de travail suite à cette agression. « Monsieur A. était agacé par l’attente de son train. Mais il était tranquille et n’a pas demandé à ce qu’on le violente », souligne la professionnelle du droit qui le représente à l’audience. Au moment de son agression, il portait une casquette Gucci. Dans la confusion, il l’a perdu. « C’était un cadeau de sa fille et il avait un attachement sentimental. La perte de cette casquette lui fait de la peine. Pour ce préjudice moral, il demande une indemnisation à hauteur de 800 euros », conclut l’avocate.
La parole est ensuite donnée au procureur qui met de suite en avant la sortie de détention récente du prévenu : « On note une certaine difficulté à maîtriser son émotion. Si on suit le récit de Monsieur P., sa réaction est disproportionnée. Puis il n’est pas agent de sécurité de la gare pour demander à Monsieur A. de fumer à l’extérieur de la gare. Non, nous sommes sur une scène de violence gratuite ». Face au passif judiciaire de l’auteur des faits, le parquet requiert un an d’emprisonnement avec ordre d’incarcération immédiate.
« Il s’est servi de ce qu’il avait sous la main pour le frapper : sa béquille »
Face à ces réquisitions, l’avocate de la défense insiste sur la fin de l’incarcération récente de Monsieur P., ses soucis de santé notamment aux jambes qui l’obligent à marcher avec une béquille et ses difficultés dans les démarches administratives notamment pour se soigner. Sans vouloir justifier les violences, elle tente néanmoins de les expliquer à travers « l’absence d’un suivi psychologique à la sortie de détention avec des réactions qui peuvent être disproportionnées. Ce grand gaillard avec une carrure importante vous dit qu’il s’est senti insulté et obligé de suivre celui qui l’aurait offensé. Il s’est servi de ce qu’il avait sous la main pour le frapper : sa béquille ». L’avocate demande un aménagement de peine pour que Monsieur P. se soigne et soit accompagné à l’extérieur.
Après la délibération des juges, la sentence tombe. Monsieur P. est reconnu coupable de violence avec arme. Pour ces faits, il est condamné à 15 mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt et se voit dans l’obligation de verser 600 euros à Monsieur A. au titre du préjudice moral lié à la perte de sa casquette. Monsieur P. reprend sa béquille et quitte le box des accusés entouré de deux policiers.
Référence : AJU016n8