TJ d’Évry : « Sa place, c’est triste de le dire, est à Fleury-Mérogis »

Publié le 02/10/2024

Un jeune homme, au lourd casier et purgeant déjà une peine sous bracelet électronique, a été présenté devant la justice pour des violences et des menaces de mort contre deux ambulanciers.

« T’es un homme mort », « Je sais où tu travailles », « Je vais tous vous tuer ». C’est en ces termes que Théo*, la vingtaine, s’est adressé à deux ambulanciers. Aux menaces de mort, se sont aussi ajoutés des coups de poing et l’une des victimes a reçu des jours d’ITT. Les faits se sont déroulés en mai dernier, à Épinay-sur-Sénart. La comparution a été différée dans l’attente des certificats médico-judiciaires des deux hommes qui ont été violentés. Présenté devant la juge de la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes, Théo commence par contester les déclarations faites lors de sa garde-à-vue : « Ça ne s’est pas passé comme je l’ai décrit. »

« On s’est pris la tête »

La juge rappelle les faits : dans la soirée, deux ambulanciers stationnent devant leurs locaux, Monsieur T. et Monsieur B. L’un d’eux doit aller récupérer son chargeur de téléphone dans la société. Derrière eux, un véhicule, en l’occurrence une C3, s’est arrêté et les a klaxonné. L’un des ambulanciers a essayé de calmer l’impatience du conducteur. Un homme est sorti du véhicule et s’est approché. Monsieur T. a rapporté avoir senti une forte odeur d’alcool. Il a été attrapé par le col et a reçu un coup de poing. Il a raconté avoir « rigolé de nerfs » et reçu d’autres coups. Après la violente altercation, les deux ambulanciers sont revenus sur les lieux, à cause d’un oubli de sacoche. Ils ont constaté que plusieurs véhicules avaient été dégradés entre-temps. Une voisine a affirmé avoir vu un individu donner des coups de hache. Un autre témoin a entendu des bruits de vitre brisée.

Théo, le prévenu, a finalement été reconnu sur planche photographique. Dans le box, il explique pourquoi la situation a dégénéré. Les deux ambulanciers « ont pris le temps » : « Ils ont pris dix minutes, je me suis énervé et on s’est pris la tête. » La juge veut comprendre le déroulé de cette « prise de tête » :

– « On s’est pris par le col, on s’est mis des coups.

– Monsieur T. ne le nie pas, il vous a mis au sol. C’était une altercation.

– Dans l’excitation, peut-être que j’ai porté des coups… »

Il semble se souvenir vaguement que le deuxième ambulancier a essayé de les séparer. Théo était le passager de la C3. Il ne se souvient pas non plus de ce qu’a fait le conducteur, qui n’est pas présent à l’audience puisqu’il n’a pas été interpellé. Qu’en est-il des dégradations sur les ambulances ? Justement, Théo affirme que c’est son acolyte qui en est l’auteur. Pourtant il est revenu sur le lieu des faits.

– « Il vous a déposé chez vous, mais pourquoi être repassé ?

– C’était sur mon chemin.

– Et vous n’étiez pas plus inquiet que ça ? Vous ne pensiez pas être identifié ?

– Je suis passé par là pour rentrer chez moi. »

« Vous en pensez quoi d’en arriver à ces extrémités ? »

Théo reconnaît les propos tenus, mais pas les menaces de mort à l’encontre des deux ambulanciers.

– « Vous avez patienté cinq minutes, vous en pensez quoi d’en arriver à ces extrémités ?

– Je regrette.

– Ça valait le coup ?

– Ah non… »

La défense intervient concernant un élément capital du dossier : les images de vidéosurveillance, dont certaines sont manquantes. Un trou temporel qui entretient le doute sur Théo et sa participation aux dégradations.

À son casier, le prévenu a 18 mentions. Il est par ailleurs déjà sous bracelet électronique et en sursis probatoire. En outre, la juge ne manque pas de rappeler qu’elle et lui se sont déjà croisés quelques mois plus tôt. Théo a eu un enfant d’une première union qu’il n’a pas reconnu et avec qui il n’a pas de contact en raison d’une interdiction de paraître à Boussy-Saint-Antoine. Il a un autre enfant, qu’il n’a pas non plus reconnu car il était en détention au moment de la naissance.

« Mais depuis, vous êtes sorti, pourquoi ne pas l’avoir reconnu ? », s’étonne la juge.

– « Je ne sais pas.

– Rien ne s’y opposerait…

– Je sais pas comment on fait. »

L’avocat de Théo se tourne vers la salle et s’adresse à une jeune femme. On devine qu’elle a la mère de l’enfant en question. Elle confirme les dires de Théo. Inscrit en intérim, Théo n’a pas de ressources et vit hébergé chez sa mère.

Une avocate représente les deux victimes. Elle évoque le travail de nuit qui leur permet d’obtenir des primes et la perte substantielle de revenus suite aux violences. Les deux ambulanciers veulent se constituer partie civile. Leur conseil demande 1 500 euros à titre du préjudice subi.

« C’est un dossier ni fait ni à faire, des violences réciproques »

« C’est assez désagréable d’avoir des dossiers comme celui-ci, contre des personnes qui agissent pour la société », déplore la procureure. Elle souligne que la version du prévenu a évolué, tandis que les propos des deux victimes sont étayés. « Forcément, ça interroge, cette capacité à dégoupiller. C’est désagréable d’avoir à attendre cinq minutes… », raille-t-elle. Trois coups de poing pour Monsieur T. avant d’être plaqué au sol, deux coups pour Monsieur B., qui a reçu une ITT de dix jours. « On a un voisin qui a reconnu sur planche photographique le prévenu, on a aussi une vidéo, qui certes ne montre pas l’ensemble des faits. » Le ministère public pointe également le « palmarès impressionnant » de Théo d’un ton faussement admiratif. Elle requiert douze mois d’emprisonnement ferme. « Ça commence à suffire ! Il y a un sursis probatoire qui n’a pas vraiment commencé. Sa place, c’est triste de le dire, est à Fleury-Mérogis ! » Elle demande le maintien en détention au motif de la crainte des victimes de subir des représailles.

« Il manque tout dans ce dossier », s’étonne l’avocat de Théo : « Comment peut-on dire qui y était, comment les uns et les autres ont réagi ? » Et si le conducteur a finalement été identifié, il serait intéressant de connaître sa version, avance la défense qui insiste sur une présentation des faits « orientée et partielle » : « Imaginez une procédure civile où on va réclamer quelque chose sur la base de déclarations. Ici, il n’y a aucune preuve, ce sont des convictions, une cohérence de récit, mais pas une preuve. C’est un dossier ni fait ni à faire, des violences réciproques, on a fait le choix des personnes coupables et des personnes innocentes. Vous allez me dire que deux personnes ont porté plainte, ça fait une différence colossale. » Il insiste enfin sur l’absence de certificat médical d’une des victimes. « On a affaire à de la nuisance, pas du banditisme », tempère-t-il.

Théo est finalement relaxé pour les menaces de mort, au bénéfice du doute, et est reconnu coupable des violences sur personnes chargées d’une mission de service public. Il est condamné à six mois d’emprisonnement et sera convoqué par le juge d’application des peines pour voir les modalités d’aménagement. Il devra également indemniser les victimes.

*Le prénom a été modifié.

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