Tribunal de Meaux : Ivre et sans permis, il refuse d’obtempérer et blesse un policier

Publié le 14/10/2024

Salim a cumulé les infractions, et ce n’était pas la première fois. Privé de permis de conduire depuis 2020, il prend pourtant le volant chaque jour dans le cadre de son travail. Contrôlé par la police de Villeparisis (Seine-et-Marne) alors qu’il était ivre, il a fourni une fausse identité, s’est enfui et a heurté un policier. Après une folle course-poursuite, il s’est présenté le lendemain au commissariat. Il a été sévèrement condamné.

Tribunal de Meaux : Ivre et sans permis, il refuse d’obtempérer et blesse un policier
Salle d’audience au Tribunal judiciaire de Meaux (Photo : I. Horlans)

 

« Lisez-vous la presse ? » demande Isabelle Florentin-Dombre, qui préside la chambre des comparutions immédiates au tribunal judiciaire de Meaux. Costume anthracite sur chemise blanche, le prévenu à la barre lève les bras au ciel : « Oui, je sais, l’actualité n’est pas en ma faveur. Mais je ne suis pas un tueur de policier ! Je n’ai même pas vu que je l’ai percuté. » Pas vu ? À tout le moins, il a dû sentir le choc entre sa portière ouverte et le gardien de la paix qui l’avait arrêté, ce 30 septembre en soirée. Lequel, blessé, s’est vu accorder quatre jours d’ITT pénale (incapacité totale de travail). Il s’est constitué partie civile.

Salim, vendeur de maisons qui prospecte en région parisienne à bord d’un véhicule de société, conduit sans permis. Il a perdu ses douze points à trois reprises : en 2009, 2013 et décembre 2020. Depuis l’ultime retrait, il n’a pas « trouvé le temps » d’effectuer des stages de récupération. Ni de payer ses amendes, dont un reliquat en francs ! C’est dire leur ancienneté.

Et le voilà donc suspect de cinq infractions.

« Je ne sais pas ce qu’il m’est passé par la tête… »

 Âgé de 44 ans, père de trois enfants, Salim répond de conduite malgré son injonction de restituer son permis (en récidive), d’état d’ivresse au volant, de prise du nom d’un tiers pouvant entraîner une sanction contre celui-ci, de violence avec arme (le véhicule) sur un fonctionnaire de police, de refus d’obtempérer après sommation, aggravé par la mise en danger d’autrui.

Ce lundi-là, tout avait bien débuté. Un dîner avec un client, la compagnie d’une amie, un bon vin : « J’avais bu deux verres, j’étais pas ivre », objecte-t-il en ouverture des débats. « L’éthylotest était positif, rétorque la juge, et c’est un appareil très sensible. Si vous ne vous étiez pas enfui, l’analyse de sang aurait précisé l’alcoolémie. » Pour ne pas le contraindre à abandonner la voiture, les agents font souffler son amie dans le ballon. Résultat positif. Dès lors, forcé de les suivre, il décline l’identité de son frère qui habite au Portugal. Puis il vitupère, arguant n’avoir « jamais commis de délit ».

Et les choses dégénèrent. « Je ne sais pas ce qu’il m’est passé par la tête, ou plutôt si : j’ai été pris de panique. » Sous prétexte d’attraper sa veste restée dans l’habitacle, il se rassoit, met le contact, file en marche arrière, entraîne le policier posté dans l’angle de la portière ouverte. Lequel, bien que blessé au bras, sort son arme et effectue les sommations.

En vain. La puissante automobile s’élance dans la nuit.

« Vous avez eu de la chance que la police ne tire pas ! »

Commence une course-poursuite en ville. Voie empruntée à contresens et feu rouge grillé, vitesse excessive vers la Seine-Saint-Denis. Le péril est tel que la police cesse la filature. La berline du chauffard sera retrouvée dans le département, sans son conducteur. Le lendemain, Salim se présente au commissariat de Villeparisis. Il a dessoûlé.

Face à la présidente Florentin-Dombre, il convient avoir « mal réfléchi » et « ne [se] pardonne pas : je n’ai aucune excuse, c’est irresponsable. Mais je maintiens que je n’étais pas en état d’ivresse.

– Monsieur, ça suffit ! Plein de gens ivres ou sous stupéfiants pensent être capables de conduire et tuent des gens. Et vos points annulés trois fois, et les amendes que vous ne réglez pas ?…

– Oui, je sais, c’est un cancer que je traîne.

– Le cancer est une maladie, corrige la juge assesseure Louise Pierre. Vous comparaissez pour des délits. »

S’agissant du cumul des PV, il assure avoir enfin entrepris de rembourser. En fait, le Trésor Public opère des saisies sur salaire (2 000 € en septembre). Le procureur Éric de Valroger : « Vous avez eu de la chance que la police ne tire pas ! »

Le prévenu opine.

« On a consulté le Fichier national des permis de conduire, reprend Mme Florentin-Dombre. Votre dossier fait 103 pages !

– Oui, le juge des libertés et de la détention me l’a montré hier, il est épais comme ça [il mime deux centimètres entre pouce et index], je n’en revenais pas.

– C’est insensé ! Vous conduisez chaque jour, et votre employeur n’est pas au courant de votre situation ! »

Sans doute non plus sa famille, qu’il emmène en vacances.

« Des conséquences dramatiques sur sa vie professionnelle »

 Aussi agacé que les juges tant ces infractions se multiplient en France, Éric de Valroger rappelle « qu’en termes d’ordre public, ce que vous avez fait est très grave. Vous auriez pu blesser grièvement le policier. Voire pire ». Vu « son casier chargé » (détention d’arme blanche, violence sur conjointe, usage de stupéfiants, commission de faits totalement identiques en 2008), le parquetier requiert 18 mois de prison, dont six ferme sous bracelet, un sursis probatoire de deux ans plus six mois de sursis simple « pour la prise du nom d’un tiers ». Avec une obligation de s’acquitter de ses amendes, de travailler, de soigner l’addiction à l’alcool, et l’annulation judiciaire de son permis de conduire pendant deux ans.

Me Sonia Amami estime « les réquisitions extrêmement élevées au regard des faits », occultant le danger encouru par la passagère, les policiers, les piétons et usagers de la route ; elle est dans son rôle. Toutefois, lorsqu’elle évoque « les conséquences dramatiques sur la vie professionnelle » de son client, commercial, l’adjectif fait tiquer. Le « drame » se situe du côté des gens blessés ou tués par les fous du volant. Et Salim conduit sans permis depuis quatre ans, sans remédier à sa situation. « On ne peut pas dire qu’il n’a pas été prévenu », avait d’ailleurs observé M. de Valroger.

Le tribunal le condamne à deux ans de prison, moitié en DDSE (détention à domicile sous bracelet électronique). Il devra repasser par l’auto-école et verser 1 000 € à son frère dont il a emprunté l’identité pour la seconde fois. Le préjudice du policier sera fixé en audience civile le 30 avril prochain.

 

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