Tribunal de Meaux : « Je suis vraiment désolé d’avoir mordu le policier… »
Jugé en comparution immédiate au tribunal correctionnel de Meaux, en Seine-et-Marne, Thal reconnaît les faits : la conduite sans permis en état d’ivresse et les violences envers deux policiers. Aux victimes présentes, l’une frappée et l’autre mordue, il remet une longue lettre d’excuses.
« Monsieur, vous avez le comportement d’un ado de 15 ans », réprouve la présidente Emmanuelle Teyssandier-Igna. Thal acquiesce et baisse la tête, apparemment contrit. Il ne conteste aucun des délits qui l’amènent devant la chambre correctionnelle de sa ville natale, ce 27 août. C’est également à Meaux qu’il les a perpétrés cinq jours plus tôt. Et toujours dans l’ancienne capitale de la Brie qu’il fut arrêté deux fois pour les mêmes motifs en 2019 et 2020.
A 28 ans, il semble n’avoir pas compris que pour s’assoir au volant d’une voiture, il convient d’abord d’obtenir le permis de conduire, de préférer la limonade au gin tonic et de toujours obtempérer aux injonctions des forces de l’ordre. Si, malgré tout, on choisit d’enfreindre la loi, alors il faut courir vite pour distancer au sprint les agents chargés de la faire respecter. Thal est d’accord et, jure-t-il, on ne l’y reprendra plus.
« La course-poursuite dure 20 minutes ! »
Si les deux policiers n’avaient pas été équipés de caméras-piétions, aurait-il aussi facilement admis sa culpabilité ? Ce n’est pas certain mais puisque l’intégralité de la scène a été enregistrée, Thal est coincé. La juge rapporte ses frasques qui se sont muées en violences. Dimanche 22 août, après une nuit autour d’un barbecue bien arrosé à Corbeil-Essonnes (Essonne), Thal et Kevin regagnent Meaux. Ce dernier ayant trop bu, il confie son auto au premier, un peu moins ivre, qui parcourt sans encombre les 70 kilomètres entre les deux villes. « Une chance, vous auriez pu blesser ou tuer quelqu’un en 50 minutes de trajet ! J’en vois tous les mois, des histoires comme ça. En juin, un garçon aussi inconscient que vous a tué son passager », s’emporte la juge.
A 10h20 ce 22 août, Thal se prend pour Fangio, l’as argentin de la Formule 1. Sur les chapeaux de roues dans le centre-ville de Meaux, il fait crisser ses pneus. Deux policiers municipaux le prennent en chasse, finissent par l’arrêter. « Je m’appelle Kevin », dit le conducteur, usurpant l’identité du copain en train de cuver sur le siège passager. Les choses se gâtent lorsque les agents réclament son permis et les papiers du véhicule. Thal s’enfuit à toutes jambes.
« La course-poursuite dure 20 minutes ! », précise la magistrate. Quand il est rattrapé, on le voit « gesticuler », « se débattre ». Madame B., frappée, esquive une morsure. Monsieur D. n’évite pas les dents du récalcitrant qui entaillent jusqu’au sang son index droit. Il est finalement neutralisé, grâce à l’assistance de la police nationale.
« Il sera sous surveillance médicale pendant six mois ! »
Trapu dans un tee-shirt blanc, Thal n’en mène pas large. Du box, il cherche le regard des fonctionnaires assis dans la salle, à sa droite. Ni l’un ni l’autre ne manifestent la moindre animosité à son égard mais on les sent secoués. Particulièrement le policier D., 25 ans, stagiaire. Emmanuelle Teyssandier-Igna veut comprendre l’enchaînement des événements.
« – Vous prenez le volant parce que Kevin était bourré, c’est ça ?
– Oui, je suis sincèrement navré…
– De quoi ?
– Ben, d’avoir conduit sans permis. Je n’aurais jamais dû.
– Pourquoi donnez-vous le nom de votre pote ?
– Je sortais de prison…
– Vous préfériez que ce soit lui qui prenne, donc. Pourquoi vous enfuir ?
– Parce que sinon, j’aurais tout gagné.
– Eh bien là, en fait, vous avez tout perdu ! Pourquoi mordre le policier ?
– Monsieur, je suis vraiment désolé », précise Thal, tourné vers la victime.
La présidente souligne les conséquences de ses actes : « Il va devoir passer des examens, effectuer des analyses de sang, c’est insupportable. » « Il sera sous surveillance médicale pendant six mois », ajoute Clémence Verneyre, l’avocate parisienne représentant les parties civiles. « Je sais, soupire Thal, je vous demande pardon. » Par la voie de son défenseur, il remet une lettre d’excuses aux blessés, qui l’acceptent.
« Inadmissible et honteux ! »
Madame B. souffre d’une entorse à une main, l’ITT (incapacité temporaire de travail) est pour l’instant fixée à 15 jours. Celle de son collègue est de 6 jours, sous réserve de complications, la moins grave étant une infection, la pire une transmission du VIH (Virus de l’immunodéficience humaine). Ils observent du coin de l’œil le prévenu qui, à l’évidence, gâche sa vie alors qu’il dispose d’atouts. Il a un emploi dans une entreprise de commerce en ligne américaine, deux filles, une compagne aide-soignante, un logement. En dépit de ces éléments positifs, il multiplie les délits depuis 2012, du vol aggravé à l’outrage, en passant par les conduites sans permis sous emprise de l’alcool. Sa dernière condamnation ne date que du 22 avril 2021.
« Vous mettez tout par terre, comment vous faire confiance ? Qui nous dit que vous ne recommencerez pas une quatrième fois ? », demande la juge. A nouveau, Thal exprime ses regrets. Me Clémence Verneyre les entend : « Mes clients aussi et c’est bien que monsieur reconnaisse ses actes. Mais ce qu’ils ont subi est très violent et leur préjudice n’est pas consolidé. »
Le procureur rappelle que Thal est « sous le coup d’un sursis avec mise à l’épreuve », fustige son comportement, « inadmissible et honteux ». Hervé Tétier requiert un an de prison, dont quatre mois ferme. En défense, Jean-Christophe Ramadier plaide « une succession de mauvais choix », admet que « de telles violences sont extrêmement désagréables ». Il en appelle toutefois à la clémence du tribunal : « Pour le responsabiliser, pour qu’il indemnise les victimes, il faut le laisser travailler. Il ne faut pas obérer son avenir. » Il suggère un placement sous bracelet électronique ou un régime de semi-liberté.
Thal redit « les yeux dans les yeux » qu’il a « mal agi ». A 18h30, les juges confirment que son attitude est intolérable et le maintiennent en détention, l’envoyant pour huit mois en prison. Les intérêts civils seront examinés le 15 mars 2022.
Référence : AJU240456