Tribunal de Meaux : « J’étais prêt à aller en prison pour voir mes enfants »

Publié le 10/09/2024

Le 5 juillet, Cédric devait aller chercher ses deux jeunes enfants à la gare de Paris-Montparnasse. Quand il a voulu prendre son train à Meaux, en Seine-et-Marne, le distributeur de billets était en panne. Son argent à la main, il a franchi un portique pour payer à bord. Et tout a dégénéré…

Tribunal de Meaux : « J’étais prêt à aller en prison pour voir mes enfants »
Salle d’audience au Tribunal judiciaire de Meaux (Photo : I. Horlans)

« Que fait-il devant la chambre des comparutions immédiates, quand une procédure de plaider-coupable avait été recommandée ? Est-ce à cause de son casier judiciaire ? » La question de Me Thierry Benkimoun, qui défend Cédric, 48 ans, est posée à bon droit. Détenu dans le box pour un outrage à quatre agents de la Surveillance Générale (SUGE) du réseau ferroviaire, son client répond en outre du port d’une arme blanche dans son sac à dos, un Opinel qu’il a d’initiative signalé aux fonctionnaires. Les menaces, dont ceux-ci se sont plaints, « n’ont pas été retenues à la prévention », confirme le procureur de Valroger. Et pour cause : cette dernière infraction, que nie Cédric, n’a pas été prouvée. La très longue séquence de rébellion à la gare de Meaux a été filmée par une caméra-piéton mais « l’enregistrement a été opportunément effacé », souligne l’avocat du prévenu, précisant que « la SUGE a aussi interdit aux voyageurs de capter la scène ».

« Quelle coïncidence », conclut-il, amer.

« Les menottes étaient si serrées que j’avais les poignets violets »

 L’origine de l’affaire est banale pour qui a l’habitude de voyager. L’arrivée en gare quelques minutes avant le départ du train, le distributeur de billets en panne, l’attente en vain au guichet et, finalement, la course pour monter à bord et payer auprès du contrôleur. Cédric commet alors une infraction : « Oui, j’ai sauté par-dessus le portique car il fallait que j’arrive à l’heure en gare Montparnasse. Mes enfants [mineurs] avait un accompagnateur de la SNCF et, si je ne me présentais pas, il les remettait dans le train du retour. J’étais prêt à aller en prison pour voir mes enfants… » Il a programmé leurs vacances, aime à la folie ses petits dont il est séparé en raison de ses séjours trop fréquents en prison : 28 condamnations à son casier.

Cédric n’est pas une oie blanche, et assume sa part de responsabilité : « Je me suis énervé quand on m’a arrêté et ça s’est effectivement mal passé avec un gars de la SUGE qui semblait content que je rate mon train », explique-t-il. On lui demande ce que contient son sac, il tend son couteau, conscient d’avoir commis une autre infraction. Le ton monte, il sort une cigarette, se voit interdire de fumer, donne un coup de tête dans la machine à café. Et donc, tout dégénère.

Se sentant en danger, les agents de la SUGE l’entravent, le plaquent au sol, appellent la police ; elle mettra 45 minutes à arriver. « Les menottes étaient si serrées que j’avais les poignets violets, la circulation coupée. » Il dit avoir « toujours des marques », jusqu’à celle d’un genou sur son dos.

Deux mois après les faits.

« On s’est acharné sur cet homme, il en porte des stigmates ! »

 Cédric n’est jugé qu’en septembre car il n’a pas répondu à sa convocation : il ne l’aurait pas reçue. Quand il a finalement eu un policier au téléphone, lundi 2, il s’est présenté et a été placé en garde à vue. D’où son défèrement avec escorte dans le box. Il a l’air de bonne foi, et regrette l’effacement des images enregistrées, que personne n’a songé conserver. Les quatre agents de la SUGE se sont constitués parties civiles ; ils demandent chacun 500 € en réparation de leur préjudice.

« Je suis surpris, objecte Me Benkimoun, deux d’entre eux n’ont même pas déposé plainte. » Sans doute ceux qui en juillet avait décrit le contrevenant « un peu véhément, mais sans plus », portrait assez éloigné du fou furieux aux intentions malveillantes. Ils se sont ravisés à l’approche du procès. Le procureur Éric de Valroger n’a pas un mot pour eux.

En revanche, il tient compte de la non-contestation du délit d’outrage, de la remise de l’arme, du rapport du juge de l’application des peines – « son sursis probatoire se déroule de façon convenable » – et de l’avis positif de l’Arile, association qui aide Cédric à se réinsérer : « Il fait des efforts pour travailler, participe à des ateliers et ne fume plus de cannabis ». Il requiert trois mois sous surveillance électronique à domicile, et une interdiction de porter une arme pendant cinq ans.

La défense évoque « le sentiment d’injustice qu’a ressenti Cédric, qui avait son argent en main pour payer son train ». Il revient sur la vidéo disparue, laquelle aurait peut-être montré qu’« on s’est acharné sur cet homme, il en porte toujours des stigmates ! » Me Benkimoun suggère des jours-amende.

Le tribunal préfère suivre les réquisitions. Il accorde 50 € à un seul agent, déboute les trois autres.

Libéré, Cédric remercie son conseil et les quatre magistrats.

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