Tribunal de Meaux. Kidnappeurs et voleurs de rouge à lèvres : tous coupables !
Le 12 mai 2022, à Meaux, ils avaient enlevé devant son domicile un chef d’équipe, lui avaient fracassé le crâne pour l’obliger à rouvrir l’entrepôt de produits cosmétiques où il travaillait. Les malfaiteurs avaient dérobé des palettes de rouge à lèvres à la société LVMH comme à deux reprises, déjà, en 2021. Butin total à la revente : cinq millions d’euros. Le tribunal de Meaux (Seine-et-Marne) a condamné les six hommes.
Le dossier, volumineux, avait été bouclé par la police judiciaire de Meaux et Versailles (Yvelines) de l’été 2022 à septembre 2023. Six hommes avaient été mis en examen pour des infractions graves, trois d’entre eux incarcérés pendant un an, les autres étant placés sous contrôle judiciaire. En ce mois de septembre 2024, ils comparaissaient devant la chambre correctionnelle à Meaux ; le tribunal avait dû scinder l’audience en deux parties (premier compte-rendu des débats du 12 septembre à lire ici).
Au terme du second volet, tous ont été reconnus coupables, à des degrés divers en fonction de leur implication.
Ces six hommes étaient soupçonnés d’avoir, de près ou de loin, participé à des vols Chez Pascual Cosmétiques, une société de Ferrières-en-Brie où sont conditionnés des produits de maquillage pour grandes marques. Ils y avaient subtilisé des palettes de rouge à lèvres Givenchy, par trois fois : les 7 février et 12 novembre 2021, puis le 12 mai 2022. Ce soir-là, à quatre, ils avaient opéré une « descente » précédée de l’enlèvement d’un gardien de l’entreprise, alors qu’il rentrait chez lui à 21h30. Encagoulés, les mains gantés, ils avaient forcé Jean* à remonter dans sa voiture, l’avaient frappé jusqu’à ce qu’il perde connaissance, et séquestré pour l’obliger à convoyer 15 palettes de rouge à lèvres vers deux fourgons faussement immatriculés.
Un préjudice estimé à cinq millions d’euros
Libres à la barre, les six individus ont fermement nié leur mise en cause et leurs six avocats ont espéré jusqu’à l’issue du procès la relaxe au bénéfice du doute. De doutes, pourtant, il y en avait peu car le rapt a été filmé, une voiture et les fourgons tracés, les téléphones géolocalisés en temps réel, les habitudes et fréquentations de chacun étudiées. La PJ a effectué un travail remarquable, qui a conduit aux six arrestations et à la résolution de trois vols dont le préjudice, en valeur marchande, est estimé à cinq millions.
Selon le parquet, le chef serait Hicham, 31 ans : il répondait d’enlèvement, séquestration, vol aggravé par trois circonstances (notamment la violence) commis les 7 février et 12 novembre 2021, puis le 12 mai 2022, participation à une association de malfaiteurs ; le tout en récidive. Shawn, 25 ans, était poursuivi pour l’enlèvement, la séquestration et le vol avec violence du 12 mai (lui aussi en récidive légale). Benjamin, 25 ans, Fayssal, 40 ans, étaient prévenus de complicité des faits précités, Rechdi de blanchiment aggravé entre 2021 et 2023, A., 45 ans, sans casier judiciaire, de participation à une association de malfaiteurs de janvier 2021 à juin 2022.
La victime au crâne fracassé a perdu son travail et sa compagne
Jean n’a pas eu la force d’assister aux débats, et de revoir ses agresseurs en liberté. Pendant ses 45 jours d’ITT pénale, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, il a été opéré plusieurs fois à la suite d’une fissure et d’un enfoncement de la boîte crânienne, « occasionnés par une crosse d’arme ou une matraque » a révélé le médecin légiste. « Il a gardé d’importantes séquelles physiques, psychologiques », a indiqué son avocat, le vice-bâtonnier Jean-Christophe Ramadier. La première expertise fait état de troubles anxio-dépressifs avec syndrome post-traumatique d’intensité importante. Il en faudra une autre, l’an prochain, pour déterminer son préjudice dans la durée.
Au nom de la partie civile, Me Ramadier a également insisté sur « le choc qu’il a ressenti d’avoir été ainsi menacé : ils connaissaient son adresse, les prénoms de ses enfants, de sa femme ». Conséquences de cette soirée : « Il a dû accepter une rupture conventionnelle car il ne pouvait pas retourner à son travail, et sa compagne l’a quitté. Il peut heureusement se raccrocher à ses deux enfants. »
Après les plaidoiries des autres parties civiles (Pascual et la CPAM), la procureure Léa Dreyfus a requis cinq ans de prison dont trois ferme contre Hicham, « prêt à tout » selon elle, précédemment condamné « pour des faits gravissimes ». Elle a laissé le tribunal décider d’un retour, ou non, en détention.
Des peines aménageables sous bracelet électronique
À l’encontre de Shawn, la parquetière a sollicité deux ans de prison, dont un ferme aménageable sous DDSE (détention à domicile avec un bracelet électronique). Même mesure recommandée contre Benjamin, complice en récidive – trois ans dont deux ferme sous DDSE –, et Fayssal, cinq ans dont deux ferme sous bracelet. Enfin, le ministère public a requis 18 mois avec sursis contre Rechdi et « une peine d’avertissement » pour A., limitée à un an de sursis.
Les défenseurs se sont succédé pour plaider la relaxe, en vain. Cependant, les trois juges ont quelque peu réduit les sanctions :
Hicham : cinq ans dont 29 mois assortis d’un sursis probatoire (deux ans), exécution provisoire sous bracelet de la partie ferme, obligation de travail, d’indemniser Jean, interdiction de contacts avec lui et de port ou détention d’arme jusqu’en 2029 ;
Fayssal : quatre ans dont deux avec sursis probatoire, exécution provisoire pour la partie ferme sous DDSE, mêmes obligations et interdictions, plus la confiscation de sa BMW ;
Benjamin : 30 mois dont 18 mois assortis d’un sursis probatoire (deux ans) et des obligations/interdictions identiques. Il est relaxé de l’association de malfaiteurs pour les vols perpétrés en 2021 ;
Shawn : 15 mois de prison dont huit mois de sursis probatoire de deux ans (interdictions et obligations similaires). Il est relaxé de vol avec violence ;
Rechdi : 15 mois de sursis ;
A : 12 mois avec sursis, non-inscription de sa peine au bulletin N°2 de son casier judiciaire.
Hicham, Fayssal, Benjamin et Shawn sont « entièrement et solidairement responsables des préjudices subis par la victime ». Ils verseront à Jean une provision de 4 000 euros. Une nouvelle expertise médico-psychologique a été réclamée d’ici à l’audience sur intérêts civils, fixée au 25 mars 2025.
Référence : AJU468386