Tribunal de Nanterre : « Mon épouse cherche à m’énerver pour que je la tape »

Publié le 29/07/2021

Alcoolique et violent, Mâran est jugé lundi 6 juillet pour des violences en récidive sur sa compagne, en comparution immédiate, par le tribunal de Nanterre.

Tribunal de Nanterre : « Mon épouse cherche à m’énerver pour que je la tape »
Photo : © AungMyo/AdobeStock

La petite fille de 8 ans a laissé un mot à son père : « I love you ». Aux policiers, elle a dit : « Je voudrais qu’ils arrêtent les bagarres ».

Elle n’est pas devant le tribunal correctionnel de Nanterre, qui juge Mâran, 44 ans, pour des violences sur sa mère, Sudar, absente également. Les faits qui lui valent de comparaitre pour « violences sur conjointe et violences habituelles » se sont produits le 1er juillet dans la ville de Fontenay-aux-Roses, mais il est apparu au cours de l’enquête que les violences dénoncées par Sudar avaient commencé en  septembre 2017. Il est d’ailleurs en récidive puisqu’il a déjà été condamné cette année-là pour des faits identiques. A chaque fois Mâran s’est vue reconnaitre 7 jours d’ITT.

Le voici dans le box, écoutant sagement son interprète en langue tamoule lui synthétiser le rapport de la présidente. Le 1er juillet, Sudar, qui ne travaille pas, est à la maison. Mâran rentre du travail. Il a bu de la bière, comme tous les soirs. Parfois, il boit aussi du whisky . Ce soir-là, « vous êtes tout de suite véhément, vous accusez votre femme de faire des choses derrière votre dos ». Après un bref coup de fil, il se met à l’insulter, lui dit qu’elle est « sale ». Fait rare, Sudar s’oppose, ce qui le met hors de lui. « Vous avez dit à madame que, si vous aviez été au Sri Lanka, elle serait déjà morte », lance la présidente.

Sudar s’enfuit à l’école de ses enfants, où on l’aiguille vers le commissariat. Placé en garde à vue, Mâran dit : « On ne s’entend plus depuis un an ». Ils se sont mariés en Inde en 2009, alors que lui est arrivé en 2004 en France. Aucun des deux ne parle le français.  Sudar est totalement illettrée.

Mâran reconnaît une gifle en 2015, mais rien depuis. « Mon épouse me pousse à bout et cherche à m’énerver pour que je la tape », dit-il aux policiers. L’aînée du couple, 8 ans, rapporte des faits antérieurs : Mâran qui poursuit Sudar avec un couteau, Mâran qui frappe Sudar avec une cuillère en bois. « Mais en général, il tape avec les mains ».

La voisine du couple témoigne également. Depuis un an, dit-elle, « ça criait deux fois par semaine ». Elle a tenté d’intervenir plusieurs fois et a recommandé à Sudar d’aller voir une association d’aide aux femmes battues, en vain. En général, dit-elle, « je monte, car je ne veux pas qu’il y ait un drame, et Monsieur se calme quand j’interviens. » Malgré cela, Sudar depuis 4 ans subit les coups, les menaces, les insultes. Elle a appelé plusieurs fois sa famille pour prévenir qu’il allait la tuer. Elle ajoute également qu’elle ne peut jamais refuser un rapport sexuel.

« Madame serait l’hystérique de service et lui serait là pour la contenir »

Appelé à s’expliquer, Mâran raconte : ce jour-là, il avait rendez-vous avec une assistante sociale pour parler de ses problèmes de couple et, dit-elle, tenter de trouver une solution. Sudar l’aurait alors interrogé avec hostilité au sujet de ce rendez-vous. La voisine est intervenue suite aux cris, Sudar se serait plainte d’avoir été frappée. Lui-même est allé déposer une main courante au commissariat, expliquant que sa femme s’énervait beaucoup. D’ailleurs, ajoute-t-il, elle est d’accord pour continuer à vivre avec lui et ne pas porter plainte. La présidente l’interrompt : « Madame l’interprète, dites à monsieur que, bien que son épouse soit absente, en France c’est le procureur qui décide s’il y a un procès ou pas. » Elle l’interroge :

« ­— Comment expliquez-vous les blessures ?

– Elle s’est blessée elle-même

– Ah ? Comment a-t-elle fait ?

– Elle donne des coups dans les portes, elle se blesse toute seule ! » jure Mâran, bras en croix sur son torse. Il ajoute : « Elle s’énerve facilement. » La présidente lui demande d’expliquer les propos accusateurs de sa fille, Mâran répond qu’elle ne comprend pas le français.

— Elle est scolarisée ? En CE2 ? Alors elle est en mesure de comprendre le français », tranche la présidente.

Avant le réquisitoire, la présidente lui demande :

« —Vous étiez où en septembre 2017 ? Dans ce tribunal ? Et que s’est-il passé ?

– On m’a juste dit de ne pas recommencer.

—Non, vous avez été condamné le 6 septembre 2017 à 10 mois de prison avec sursis ».

« Il lui a coupé les cheveux pendant son sommeil »

La procureure prend la parole. « Monsieur a un positionnement assez désagréable du point de vue du ministère public, il nie les coups et crie au complot. Madame serait l’hystérique de service et lui serait là pour la contenir. » Puis, la procureure fait des constats : 7 jours d’ITT, des hématomes, les témoignages de la plaignante, des enfants et de la voisine. « Depuis, 2012, en somme, Monsieur n’a cessé de commettre des violences sur son épouse ». Elle revient sur une plainte de Sudar, déposée le 7 juin, dont elle regrette qu’elle n’ait pas été traitée par la police « submergée ». Dans cette plainte, Sudar indique qu’il lui a coupé les cheveux dans son sommeil. Elle lit sa déposition, puis commente : « On sent vraiment que cette femme se sent en danger. » Sudar est une femme isolée, sans compte bancaire, vivant de l’aumône que lui accorde son mari. « Depuis 9 ans, elle se fait taper de manière régulière par son époux, et lui dit qu’elle est hystérique et se blesse toute seule. La perversité va jusqu’à ce qu’il aille lui-même déposer des mains courantes pour se couvrir ». Elle requiert 24 mois d’emprisonnement avec maintien en détention, dont 10 mois avec sursis probatoire, obligation de soins, de travail et interdiction d’entrer en contact. Elle demande également la révocation du sursis.

Son avocat n’a d’autre choix que de plaider la relaxe. Il regrette que les affaires médiatiques influent, selon-lui, sur le cours ordinaire de la justice – au détriment de son client. Il déplore également l’absence de la plaignante, et estime que les éléments matériels sont « somme toute contestables ». Puis, il répond à la procureure sur les mains courantes déposées par Mâran : « Pourquoi on ne le croirait pas, lui ? Pourquoi ce qu’il dirait serait faux, ce serait le monstre qui va finir ce qu’il a commencé ? Il faut savoir relativiser. Au-delà de la question des violences conjugales, se cache un problème de détresse conjugale, un problème de stabilité dans ce couple ».

Après la suspension d’audience, le tribunal condamne Mâran à 18 mois de prison dont 6 mois assortis d’un sursis probatoire, interdiction d’entrer en contact avec Sudar, obligations de soins et de travail. Son sursis est révoqué à hauteur de 6 mois. Il est maintenu en détention.

 

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