Tribunal de Pontoise : « Ce n’est pas une raison pour frapper votre mère »
Mercredi 6 septembre, un homme de 60 ans comparaît pour avoir frappé sa mère, chez qui il vit. Il dit sa honte mais ne compte pas habiter autre part, ce qui inquiète les magistrates.

Alain est un peu ratatiné sur lui-même à force d’attendre, cassé en deux par un horrible petit banc plein d’angles sur lequel le public de la salle n° 4 est forcé de s’asseoir. Il se déplie en fin d’audience et traîne les pieds jusqu’à la barre, face à la juge qui le toise de haut, non par mépris mais parce que son bureau est surélevé.
C’est le dernier dossier de cette audience à juge unique entièrement consacrée à des violences intrafamiliales, et si les victimes sont souvent les conjointes ou ex-conjointes, parfois des enfants, Alain est lui prévenu d’avoir frappé sa mère de 84 ans.
À 60 ans, c’est la première fois qu’il a affaire à la justice. Jusqu’ici, il a mené une vie sans histoire, mais en ce moment, ça ne va pas fort. Par conséquent, il boit beaucoup d’alcool et fume du cannabis. De ce fait, il s’enfonce dans la déprime, et son entourage en pâtit. Et donc, puisqu’il vit chez elle : sa mère.
Querelle familiale
Il suffit alors d’une étincelle pour faire vriller le pauvre Alain. Il s’explique : « On a hérité d’une maison en Sardaigne, on est d’origine italienne. La maison nous revient à mon cousin et à ma mère. Mon cousin a passé les vacances dans la maison, j’ai prévenu que ma fille voudrait y séjourner avec son petit ami. Mon cousin m’a lancé « y’a pas un arabe qui rentre chez moi », ça m’a rendu dingue. Faut savoir que le copain de ma fille est maghrébin.
— Monsieur, ça n’intéresse pas le tribunal. Ce n’est pas une raison pour frapper votre mère, déjà parce que c’est votre mère, et parce que c’est une femme âgée !
— Je lui ai dit ‘Maman, dis quelque chose à Pascal !’, Pascal c’est mon cousin. Mais elle ne disait rien, aucune réaction, et je l’ai prise par les épaules.
— Encore une fois Monsieur, les histoires de famille ça n’intéresse vraiment pas le tribunal. Si elle a appelé la police, c’est qu’elle a vraiment eu peur, que c’était plus que secouer un peu les épaules. »
Alain dit que pas vraiment, mais il reconnaît qu’il l’a pas mal secouée. Il s’en veut énormément, dit-il. En réalité, il lui a aussi tordu le nez.
« Une petite bière et puis c’est tout »
« Aujourd’hui, vous consommez quoi ?
— Que dalle, zéro. Enfin, une petite bière et puis c’est tout.
— Et le cannabis ?
— Je ne fume plus.
— Et vous n’avez pas d’analyse de sang ?
— Ah non, on ne m’a pas demandé. »
Sous contrôle judiciaire, Alain n’avait pas le droit d’être en contact avec sa mère, ni de se présenter à son domicile. La juge regarde le prévenu avec suspicion, Alain adresse un sourire gêné qui confirme son intuition. Il s’empresse d’expliquer : « Comme j’ai dit au gendarme, ma mère a 84 ans, je lui fais ses courses, je passe l’aspirateur …
— Et vous la violentez !
— Ça, c’est une grosse erreur que je regrette.
— Monsieur, ce que la justice a fait, c’est protéger votre mère. Ce n’est pas à vous de décider, vous avez des obligations. Ce qui vous était demandé, c’est de prendre rendez-vous avec un addictologue pour arrêter l’alcool, et ne pas entrer en contact avec votre mère.
— …
— Bon, quelle est votre adresse ? »
Alain donne l’adresse de sa mère.
« Ah, mais vous y habitez carrément ? » s’écrie la juge désemparée.
Alain se balance d’un pied sur l’autre, les bras ballants.
La procureure questionne : « Comment pouvez-vous me rassurer sur le fait que ça ne se reproduira pas ?
— Ce que j’ai fait, c’est infâme.
— Est-ce que vous avez une possibilité de dormir ailleurs que chez votre mère ?
— Franchement, non. »
« Ingrat à l’égard de sa mère »
La procureure requiert : « Je dois vous avouer que les faits reprochés à Monsieur sont particulièrement désagréables. Je le trouve particulièrement ingrat à l’égard de sa mère. »
Sur la peine : « C’est tout à fait gênant que Monsieur n’ait pas respecté son contrôle judiciaire. Cela montre son incapacité totale à respecter les obligations qui lui sont imposées par la justice. Je comptais demander un sursis probatoire, mais considérant le non-respect du contrôle judiciaire et l’absence totale de sentiment d’avoir besoin d’un suivi, je vais vous demander un sursis simple », à hauteur de 6 mois.
La juge note, regarde Alain, réfléchit quelques secondes et se décide : « Vous êtes condamné à 8 mois de prison avec sursis. » C’est déjà fini.
Référence : AJU393016
