Tribunal de Pontoise : « Crack et Vodka, c’est un sacré mélange »

Publié le 04/09/2023

Karim, SDF de 42 ans toxicomane et alcoolique, vole dans les magasins des produits qu’il revend pour se nourrir. Il a déjà été condamné à trente-huit reprises.

Tribunal de Pontoise : « Crack et Vodka, c’est un sacré mélange »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

En procédure de comparution immédiate, on demande toujours au prévenu s’il veut être jugé immédiatement ou s’il préfère un délai pour préparer sa défense. Karim le sait, mais il n’est pas dupe : « De toute façon, si je dis ‘plus tard’, je vais être placé en détention.

— On va voir ça, vous savez comment ça fonctionne », répond la présidente qui vient de mentionner les 38 condamnations inscrites à son casier judiciaire. Sans le regarder, une avocate, assise en dessous du box, souffle « aujourd’hui », et Karim répond : « jugez-moi aujourd’hui », pour un vol en récidive.

Plus précisément, Karim, 42 ans, a volé des jeux vidéo et de l’alcool dans le magasin Carrefour de Sannois, trois jours auparavant, c’est-à-dire le 25 août. Il a rempli un sac de sport de ces produits, l’a déposé à l’extrémité d’une caisse, est sorti, puis entré de nouveau et a tenté de ressortir avec le sac. L’agent de sécurité l’a alpagué sans effort et a prévenu la police.

La présidente, d’un ton neutre : « Le dossier n’est pas compliqué, vous dites que vous volez pour manger, sauf que vous volez beaucoup de jeux vidéo, ce qui ne se mange pas, et que vous voulez beaucoup de vodka. » Cette fois-ci, il y en avait pour plus de 1 000 euros.

« Moi, je vis au jour le jour »

Elle regarde le prévenu et sa bouche esquisse un rictus désolé : « Vous êtes SDF. Vous dites consommer du crack et boire beaucoup. Crack et Vodka, c’est un sacré mélange. » Elle s’adresse à la salle : « Monsieur est connu pour un grand nombre de faits de vols, il aurait deux enfants de 19 et 15 ans, il était peintre en bâtiment. Les objets ont été rendus à Carrefour, qui ne s’est pas constitué partie civile », énonce-t-elle mécaniquement. « Y’a-t-il des questions ? » L’avocate de Karim se lève. « Monsieur, pourquoi voler des jeux vidéo ?

— Parce qu’avant je volais un sac rempli de nourriture que je stockais chez moi. Je vis dans une voiture. Au bout de deux jours, y’avait des insectes partout. Donc j’ai opté pour une autre solution : je vole des produits que je revends, et j’achète de la nourriture chaque jour. » Il regarde le tribunal : « Moi, je vis au jour le jour. »

« C’est horrible, franchement je le souhaite à personne »

Karim a commencé le crack il y a huit mois seulement, après son dernier job en intérim, mais boit depuis longtemps. Il est en recherche d’emploi et fait part de ses difficultés à s’adapter : « C’est plus comme avant, maintenant il faut avoir internet et un ordinateur, moi j’ai même pas de téléphone. » La présidente rétorque : « C’est compliqué, surtout avec vos addictions. » Le prévenu réplique : « Oui, mais parfois je fais une petite pause de deux ou trois jours pour faire des démarches, mais je trouve des barrières devant moi. » La juge change de sujet : « l’enquêtrice sociale dit que le dialogue a été difficile, que vous n’avez pas été très agréable.

— Oui, j’étais en manque, d’ailleurs ils ont dû m’amener aux urgences, j’étais en tachycardie. » Il consomme 50 à 100 euros de crack par jour : c’est beaucoup.

Son avocate intervient de nouveau : « Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous vous sentez quand vous êtes en manque ?

— C’est horrible, franchement je le souhaite à personne. Moi qui n’aime pas les médicaments, je suis obligé de prendre soit du Lexomil, soit du Xanax, ça équilibre les effets. »

« L’alcool l’aide à tenir pendant ses phases de descente »

La procureure dit concevoir « les difficultés qui peuvent être les siennes », mais précise qu’il est toujours sous le régime d’un sursis probatoire et d’une semi-liberté. La justice a infligé à Karim toutes sortes de peine depuis vingt ans, même une contrainte pénale. Cette fois-ci, elle requiert cinq mois de prison avec mandat de dépôt.

La défense reste sur la thématique de l’addiction. Elle explique : « L’alcool l’aide à tenir pendant ses phases de descente. Il a attendu son audience devant le juge des libertés et de la détention en position fœtale dans la salle d’attente. Est-ce qu’on a tout tenté ? Oui et non. Sa semi-liberté est en attente d’exécution car il n’y avait pas de place, donc on n’a pas encore tenté cela. Peut-être que s’il avait été en semi-liberté, il n’aurait pas commis cela », plaide-t-elle. Karim conclut en disant qu’il aurait bien aimé être placé en centre de semi-liberté, mais après en avoir délibéré, le tribunal préfère l’envoyer en détention pour deux mois.

 

 

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