Tribunal de Pontoise : « Elle a peur de vous, elle est terrorisée »

Publié le 08/12/2023

Jessy, 45 ans, marié et père de 5 enfants, comparaît devant le tribunal de Pontoise pour harcèlement sur sa maîtresse, 25 ans, terrifiée par le comportement de son amant.

Tribunal de Pontoise : « Elle a peur de vous, elle est terrorisée »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Quand la policière finit par convaincre Sophie de la laisser entrer chez elle, elle trouve une jeune femme de 25 ans aux yeux rougis, qui tremble de tout son corps. Elle avait été prévenue par une amie de Sophie, ce 26 avril à 22 h 50, inquiète de ne pas avoir de nouvelle.

En bas de l’immeuble de la jeune femme, les policiers tombent sur Jessy. Les voisins de Sophie les avisent qu’ils voient souvent cet homme, qui parfois tambourine à sa porte et hurle dans les parties communes. Alors Sophie se cloître dans son deux-pièces, et attend que ça passe. Si les policiers n’étaient pas intervenus, Jessy aurait fini par repartir, las.

Sophie raconte qu’ils sont en couple depuis 4 ans, et que leur relation est « spéciale ». Ils se voient régulièrement mais jamais une nuit complète. Il ne répond jamais au téléphone mais exige qu’elle soit disponible, ne supporte pas qu’elle voie des amis. Il est capable de débarquer chez elle, de piquer une colère et de mettre tout le monde dehors.

Ce soir-là, elle aperçoit de son salon une silhouette qui l’observe de l’extérieur. Elle éteint la lumière, s’accroupit, reste ainsi de longues minutes puis vérifie que la porte est verrouillée. Jessy sonne, elle ne répond pas. Il part, revient 40 minutes plus tard, avec la clef. Mais elle a mis les deux verrous, alors il piétine en bas de l’immeuble, où les policiers l’ont trouvé.

« Madame, C’est votre maîtresse »

Sophie révèle que 4 jours avant, alors qu’elle recevait chez elle un garagiste venu pour une intervention sur sa voiture, Jessy a débarqué par la fenêtre, l’a traitée de pute et a foutu le mec dehors. Elle montre un certain nombre d’échanges de messages, d’appels, qui valent aujourd’hui à Jessy de comparaître devant le tribunal correctionnel de Pontoise, pour harcèlement.

 Et c’est d’une toute petite voix terrifiée que, à la question de la présidente « Quel type de relation aviez-vous avec madame ? », cet échalas de 45 ans en tenue orange bariolée répond :

« Au départ, on a une relation normale.

— Sauf que vous êtes en concubinage depuis 20 ans et que vous avez 5 enfants. Madame, C’est votre maîtresse. Vous vous voyez régulièrement ?

— Une ou deux fois par semaine, chez elle.

— À quel moment c’est devenu moins normal ?

— Elle subissait des pressions dans son entourage, je ne comprenais pas jusqu’à ce que j’aie compris qu’elle avait une relation avec quelqu’un de son travail. »

Jessy, qui trompe sa femme, est obsédé par l’idée que Sophie, sa maîtresse, le trompe avec d’autres hommes. Alors il fouille son téléphone, croit trouver la preuve d’une tromperie, et se met dans des colères terrifiantes.

« Si la relation ne vous plaît pas, vous la quittez »

« — Est-ce que vous ne faites pas une fixation, Monsieur, à chaque fois qu’elle n’est pas avec vous, elle vous trompe avec la terre entière ?

— Non j’ai des textos d’elle qui prouve qu’elle agit. Et ça s’est répété.

— Est-ce que ça explique les appels incessants, le fait que vous exigiez de savoir ce qu’elle faisait.

— Oui, à la suite de ça.

— Est-ce que ça vous est arrivé de venir chez elle sans la prévenir ?

— Je lui demandais toujours.

— Et le soir où elle était avec le garagiste, elle vous avait invité ? »

Il dévie : « le garagiste je lui ai expliqué, il m’a dit qu’il me comprenait ». Ou il a cru préférable de ne pas le contredire.

« — Ce n’est pas ce qu’elle dit, elle dit que vous l’avez mis dehors. Est-ce que vous trouvez ça normal d’arriver chez elle et de mettre quelqu’un dehors ? Si la relation ne vous plaît pas, vous la quittez. Cette dame a le droit de mener la vie qu’elle souhaite, c’est à vous d’accepter, vous qui, en plus, avez une double vie.

— C’est une mauvaise réaction …

— Est-ce que vous reconnaissez les faits ? L’expert psychiatre parle de psycho traumatisme, elle a peur de vous, elle est terrorisée. Pourquoi vous insistez tant que ça ?

— Je n’insiste pas.

— Si vous insistez, vous écrivez ‘réponds’ trois fois puis ‘quand je vais arriver ça va swinguer.’

— Ok, je suis explosif, mais jamais je ne suis violent ou autre.

— Menaçant ? Le jour où vous avez dit que vous alliez la passer dans l’armoire ? Ce sont des menaces.

— Oui, mais je n’étais pas à l’attraper, c’était pour lui montrer que j’avais envie mais que je ne le referai pas. »

L’avocate de Sophie livre quelques informations intéressantes dans sa plaidoirie. Elle se dit « atterrée par le comportement de Monsieur, diamétralement opposé à celui qu’il a eu face aux policiers, avec qui il était arrogant et provocateur. » Puis, elle raconte que sa cliente était « persuadée que Monsieur vivait Chez sa sœur avec 5 chiens ». Elle demande 3 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral de Sophie.

La procureure n’est pas rassurée par « le discours de Monsieur. Il est dans la banalisation de son comportement : cette pression, ces menaces et ces insultes qu’il justifie par sa jalousie. Elle demande 8 mois de prison avec sursis probatoire : obligation de soins, interdiction de contact.

« Quelqu’un qui ment de bout en bout ! »

La défense, silencieuse jusqu’ici, fait une entrée fracassante dans le prétoire : « Madame le juge, d’abord je vais vous dire, je suis inquiète. On se rend compte qu’on a des parquets qui conduisent un combat qui est devenu aveugle, madame le juge. Un combat qui considère que la parole des victimes est suffisante. Quand on est féministe on ne supporte pas un dossier ficelé comme ça, qui se base sur les déclarations de quelqu’un qui ment de bout en bout.

« Le soir des faits, il était invité à venir. Les textos le prouvent. La partie civile dit ‘c’est de l’emprise’, j’ai trois ans de SMS qui disent le contraire ! » Elle en cite quelques-uns avec emphase. Des messages de reproches adressés par Sophie à Jessy, qui ne s’investit pas assez dans leur relation.

Elle continue longuement dans la même veine, puis demande, enfin, la relaxe, qu’elle n’obtient pas : Jessy est condamné à 6 mois de prison avec sursis probatoire.

 

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