Tribunal de Pontoise : « Elle fait des crises régulièrement, des crises de démence »
Jeudi 13 juillet, le tribunal correctionnel de Pontoise juge Éric pour des violences commises sur sa femme, devant leurs enfants. Il comparaît libre, conteste radicalement la version de son épouse et, en fait, n’essaie pas vraiment de se défendre.

Bien calé à la barre, le buste légèrement de biais, Éric fait tournoyer ses lunettes par l’extrémité d’une branche. L’assesseure lui demande où il vit depuis que son contrôle judiciaire lui impose une interdiction de contact avec sa compagne.
« — Un peu partout.
— Et comment vous envisagez la suite ? Vous restez en couple ?
— Je ne pense pas. »
Le 12 février 2023 vers minuit, dit le rapport d’enquête, Catherine appelle les gendarmes. Éric, son mari depuis 2016, est alcoolisé et vient de la frapper devant ses enfants. Ils interviennent au domicile, placent l’homme en garde à vue et recueillent le récit de Catherine.
Plus tôt dans la soirée, elle est sortie acheter des pizzas. « Mais j’ai senti que ça ne lui plaisait pas, alors j’ai mangé ma pizza dans mon coin et je suis allée me coucher ». Elle est proche de s’endormir, quand elle entend Éric sortir l’aspirateur. Elle se lève, lui dit que ce n’est pas le moment. « Toi, ta gueule, je t’ai rien demandé », lui répond-il. Elle débranche l’aspirateur et il lui met un coup de poing au visage. Il la saisit par les cheveux et la traîne vers la chambre, appuie sur son thorax avec un genou. Elle s’échappe et compose le 17, ce qui le rend furax. Il lui retire d’un coup sa robe de chambre et elle se retrouve en culotte, presque nue devant leurs deux garçons, des jumeaux de 12 ans qui, réveillés par la dispute, crient à leur père d’arrêter de taper leur mère.
« Il peut donner des coups sur tout le corps de ma mère. Tous les soirs, il boit de l’alcool » explique l’un des jumeaux aux gendarmes. Ce jour-là, il a 1,2 gramme d’alcool dans le sang.
« Vous avez mis des coups, mais pas volontairement ? »
L’assesseure demande simplement : « Est-ce que vous reconnaissez les faits ?
— Pas ça en tout cas.
— C’est mieux que vous donniez votre version aujourd’hui devant le tribunal.
— Y’a des tensions fréquentes.
— Y’a eu des coups ?
— Je l’ai attrapée pour la maîtriser parce qu’elle est énervée. Je l’ai clairement mise au sol, ça c’est vrai. Mais je ne l’ai pas volontairement frappée au visage.
— Vous avez mis des coups, mais pas volontairement ?
— J’ai appliqué de la force pour tenter de la maîtriser. Je l’ai attrapée fermement pour qu’elle arrête ses agissements.
— Vous l’avez frappée de façon non intentionnelle ?
— Oui, lors des disputes j’essaie de la maintenir à l’écart pour éviter de me faire frapper.
— Selon vous elle s’est énervée sans raison ?
— Elle fait des crises régulièrement, des crises de démence. »
« Quelqu’un d’autoritaire et de violent »
Éric décrit une femme très énervée, qui crie et casse volontairement l’armoire et frappe son fils. La juge rapporte que la sœur de Catherine, à qui elle se confie, raconte qu’elle prend des coups régulièrement depuis des années, qu’elle est tétanisée par son mari.
« — Vous apparaissez comme quelqu’un d’autoritaire et de violent.
— Je ne suis pas violent. »
— Vous buvez de l’alcool régulièrement ? Est-ce que ça peut vous rendre violent ?
— Pas du tout. »
Éric est laconique et, peut-être, trop désinvolte. La juge ne parvient pas à lui faire développer une position plus précise sur les faits et les raisons de cette situation. Elle choisit donc de conclure : « D’autres choses à ajouter ? Quelles sont vos relations avec vos enfants ?
— C’est compliqué, je ne peux pas approcher Madame. Ça m’arrive d’aller les chercher à la sortie du collège.
— Vous avez des relations avec votre fils qui a témoigné contre vous ?
— Oui.
— Qu’est-ce qu’il vous a dit ?
— Qu’il regrette d’avoir menti », dit Éric.
Il pose à son tour des questions au tribunal : pourquoi seulement l’un des deux enfants a été auditionné ? Pourquoi Catherine, selon lui alcoolisée ce soir-là, n’a-t-elle pas été dépistée ?
Ni elle, ni les enfants ne sont présents à l’audience.
La juge tente une dernière approche : « Si je comprends bien vous n’avez rien à vous reprocher ?
— Si, d’avoir maîtrisé Madame.
— Être alcoolisé devant vos enfants, c’est bien ? Pourquoi est-ce qu’il mentirait votre fils ?
— Parce qu’il couvre sa mère.
— Je n’ai pas d’autre question. »
L’autre assesseure tente une dernière question : « L’enfant dit que les violences surviennent régulièrement, tard le soir, qu’est-ce que vous en pensez ?
— J’en pense que je me couche tous les soirs à 10 heures. »
« Posture très arc-boutée de Monsieur »
L’avocat de Catherine demande 5 000 euros et affirme que sa cliente ne veut plus être en contact avec Monsieur. La procureure : « Je suis un peu étonnée de voir la posture très arc-boutée de Monsieur. Il a fait un stage, je pensais qu’il en aurait tiré un certain bénéfice », se désole-t-elle. Contre ce prévenu réfractaire, elle réclame huit mois avec sursis probatoire, assortis d’une obligation de soins (alcool) et d’une interdiction de tout contact.
Éric n’a pas d’avocat et assure lui-même sa défense : « J’ai effectivement suivi le stage qui m’a été très bénéfique, j’ai appris beaucoup de choses sur les violences. Seulement, j’ai regretté que les deux parties ne participent pas. » Rien de plus.
Éric est condamné aux réquisitions.
Référence : AJU380235
