Tribunal de Pontoise : « Elle me sort des trucs que je ne supporte pas »

Publié le 07/07/2023

Le 19 juin, le tribunal correctionnel de Pontoise juge en comparution immédiate une femme accusée de violences sur sa mère. L’alcool et un lourd passé seraient à l’origine de cette violence.

Tribunal de Pontoise : « Elle me sort des trucs que je ne supporte pas »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Décharnée, ébouriffée, Miliana s’exprime d’une voix éteinte : « Je vais pas vous mentir : ma mère je la contacte, elle me contacte, on se voit et ça se passe mal.

— Oui, mais c’est sur vous que pèse l’obligation de ne pas entrer en contact. C’est vous qui risquez quelque chose », insiste la présidente des comparutions immédiates de Pontoise.

Miliana, trentenaire abîmée par les addictions, comparaît ce 19 juin pour des violences sur ascendant sans interruption volontaire de travail. Elle a déjà été condamnée le 7 juin pour des faits similaires à une peine de prison avec sursis probatoire lui interdisant d’entrer en contact avec sa mère. Elle était absente à l’audience (« Je ne me sentais pas bien, je ne voulais pas me présenter sous un mauvais jour » explique-t-elle), contrairement à la procureure (« Vous aviez le même positionnement face aux policiers, vous reconnaissiez votre culpabilité a posteriori »).

« — Vous deviez être suivie par une association, qu’en est-il ?, l’interroge la magistrate du parquet.

— J’y suis allée une fois », répond la prévenue.

Elle n’a pas eu le temps d’y aller une deuxième fois. Le 16 juin, elle se rend à Eaubonne et frappe à son domicile. Les deux femmes ont convenu d’aller faire les magasins ensemble, raconte la prévenue. Elle ne sait pas pourquoi,  ça se passe toujours mal.

La présidente : « Pourquoi des violences sur votre mère à chaque fois ?

— Je sais pas, le passé qui me revient, à chaque fois elle me sort des trucs que je ne supporte pas. »

« Les violences débutent immédiatement »

Ce n’est pas la version de la mère, une femme malade de 62 ans, absente à l’audience, dont l’avocate explique qu’elle est terrorisée par sa fille. « Elle dit que c’est sa fille qui s’impose chez elle, et que, dès qu’elle ouvre la porte, les violences débutent immédiatement », rapporte la procureure. « Oui, je l’ai suivie dehors quand elle est sortie, car j’ai peur d’elle et elle me l’avait demandé », témoigne la sexagénaire auprès des policiers. « Elle vient chez elle tambourine à la porte, elle n’a d’autre choix que d’ouvrir », rapporte l’avocate de la victime, qui demande un renvoi sur intérêts civils. « Elle veut être protégée. »

La présidente examine la prévenue, qui explique avoir bu deux flashs de vodka ce jour-là. « Pourquoi vous avez bu ?

— Je ne sais pas, j’avais vu d’anciens copains. J’avais un rendez-vous à Gennevilliers, alors j’ai décidé de passer par le 95, sans raison particulière. Et comme j’étais SDF là-bas, je connais plein de gens dans la rue.

— Pourquoi vous allez voir votre mère ?

—J’ai que ma mère. »

« Je fumais du crack, j’ai arrêté du jour au lendemain »

Miliana revient de très loin. Son avocate lui demande d’expliquer, elle résume : « Je fumais du crack, mon ex-compagnon m’avait mis dedans. J’étais à la rue. J’ai arrêté du jour au lendemain, seule. » Mais ce n’était pas tout : « Je buvais du matin au soir, je tremblais de manque le matin au réveil, j’étais obligée de boire. » Puis elle a rencontré un autre homme qui lui a fait faire le mouvement inverse : déménagement dans l’Oise, fin de l’errance dans les rues d’Eaubonne, fin de sa consommation d’alcool. Mais l’addiction perdure ; tapie au fond d’elle, la rechute guette. Approcher son ancien territoire n’a pas réussi à Miliana.

Maman d’un enfant de 12 ans, placé, elle n’a pas de droit de visite. Elle est sans travail depuis 4 ans, cherche un emploi d’auxiliaire de vie en maison de retraite, mais ne trouve pas.

« Elle minimise les faits »

« Madame explique tout cela en évoquant un passif compliqué entre elles, sa mère lui rappellerait des choses de son passé. Mais ce n’est pas du tout ce que dit sa mère », analyse la procureure, sans préciser toutefois ce que dit la mère de la prévenue. « Elle minimise les faits, mais elle reconnaît au moins avoir fait tomber sa mère en la poussant. » Étant donné que Miliana vient d’être condamnée, la magistrate craint la récidive, tout en prenant en compte son addiction à l’alcool : elle demande un an de prison, dont 6 mois avec sursis probatoire, et un maintien en détention.

L’avocate n’est pas d’accord : sa cliente ne minimise pas les faits, seulement elle les reconnaît « de la manière dont elle les a vécus ». Selon elle, tout cela est le fruit d’une grande précarité ; les addictions, la rue. Elle demande de prendre en compte les aspects positifs : elle est désormais suivie en addictologie et file le parfait amour avec son nouveau compagnon. « Je vais vous plaider que la totalité de la peine que vous allez prononcer soit assortie d’un sursis probatoire ».

La réponse du tribunal tombe : c’est non. Il prononce une peine de  8 mois, dont 4 avec sursis probatoire (obligation de soins, interdiction de contact), assortie d’un mandat de dépôt. Miliana part directement en prison.

 

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