Tribunal de Pontoise : « Il banalise les faits alors que Madame est terrorisée »

Publié le 29/11/2022

Lundi 28 novembre, Mohamed est jugé en comparution immédiate pour appels malveillants et menaces de mort – en récidive sur ce point. Ce trentenaire nerveux semble prendre à la légère les agissements qui l’ont conduit ici. Une expertise psychiatrique a mis au jour un profil inquiétant.

Tribunal de Pontoise : « Il banalise les faits alors que Madame est terrorisée »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Mohamed est le premier de la journée, la présidente n’a pas de temps à perdre. Est-ce qu’il reconnaît les faits ? « Je reconnais, mais ça a pris des proportions trop grandes.

— Parce que le procureur en a décidé ainsi.

— Elle (son ex-compagne) me connaît, elle sait que je n’en serais pas arrivé là.

— Mais ce n’est pas elle qui fait le choix des poursuites. » Mohamed en convient.

Il a l’œil fixe et l’air un peu hagard, tandis que Stéphanie, plaignante et ex-conjointe, se tortille nerveusement au premier rang. La présidente résume à toute vitesse : « Madame a appelé les secours à 12 h 10, ce vendredi 25 novembre, car elle se sentait en danger du fait de vos agissements. » Depuis lundi 21 novembre, Mohamed harcèle, insulte, intimide.

Cela a débuté par une visite impromptue à la sortie de l’école maternelle, où Stéphanie est venue chercher ses jumelles. Juste une présence, un regard, quelques phrases et quelques pas derrière elle, un accompagnement non désiré, suffisent à instiller la crainte. Le lendemain, après qu’elle a posté une photo d’elle sur Snapchat, Mohamed pète un plomb : il lui envoie une cinquantaine de messages audio dans lesquels il l’insulte et la menace. « Je viens avec mon chien et mon fusil et tu vas voir », « Je m’appelle pas Mohamed si je te mitraille pas », ou encore : « Je vais te piquer avec de l’héroïne dans les fesses. » Une nuit, il l’appelle à 246 reprises.

« Vous avez en effet déclaré : ‘je veux juste la faire chier’ »

Tout cela, Mohamed ne le conteste pas. « Mais je n’allais rien faire », assure-t-il. Comme il n’avait rien fait lorsqu’il rôdait près de chez elle avec son chien dangereux ou lui criait dessus depuis la rue – position dans laquelle il fut appréhendé par la police, le 25 novembre. Il ajoute : « Je ne parlais pas tout seul, vous avez lu ce que j’ai écrit mais elle aussi

—Vous comprenez que ça puisse lui faire peur ?

— Oui, mais elle n’avait pas l’air d’avoir peur.

— Pourquoi l’appeler 246 fois ?

— Pour la réveiller.

— Vous avez en effet déclaré : ‘je veux juste la faire chier’. ». Et ça va continuer ?

— Franchement une nuit en prison, la première de ma vie, ça m’a servi de leçon ».

« Une personnalité de type psychopathique »

Un rapport psychiatrique est produit, la présidente l’aborde. L’expert a conclu qu’il était « intolérant à la frustration et d’une grande instabilité », qu’il présentait un « sentiment de persécution », une grande intolérance à l’autorité et une immaturité certaine. Puis, les mots claquent dans le prétoire : « Une personnalité de type psychopathique », lit la présidente. Mohamed secoue la tête, l’air de dire que tout ça, c’est de la foutaise. Stéphanie change d’expression et se prend le visage entre les mains. Elle est visiblement terrifiée.

Elle s’avance à la barre, répète rapidement les faits énoncés et dit : « j’ai peur, et maintenant j’ai encore plus peur ». Mohamed réagit : « Quand on se parlait, ça n’avait pas l’air de la choquer ».

Le prévenu ne « se rend pas compte », car les « personnalités de type psychopathique » souffrent d’un sentiment d’altérité atrophié et d’une absence d’empathie. Pour Mohamed, c’était une simple dispute entre deux anciens conjoints un peu échauffés.

Ces troubles de la personnalité lui ont déjà valu trois internements en hôpital psychiatrique. La présidente : « Y’a visiblement un souci, non ?
— Non, je ne crois pas
— On ne vous a pas dit de prendre un traitement ? » Mohamed hausse les épaules. Le procureur reprend : « C’était pour quelle raison, les internements ?
— À cause de mes frères, ils ne me voyaient rien faire d’autre que de me promener avec mes chiens (dangereux) », résume Mohamed, sans plus de détails.

« Il me menace encore ! »

L’avocate de Stéphanie a pris la mesure du personnage : « Il banalise totalement les faits alors que Madame est terrorisée », elle demande 1 000 euros de dommage et intérêt pour sa cliente. « On est dans une promesse d’attenter à l’intégrité physique, et comme il n’est pas capable de se contrôler il lui faudra passer à l’étape suivante. Monsieur a 11 condamnations et n’est jamais allé en prison. C’est un individu qui a besoin d’une limite », analyse le procureur. Les murs de la prison en l’occurrence, car il requiert 12 mois dont 6 avec sursis probatoire (interdiction de contact et de paraître au domicile de la victime, obligation de soin), et demande son maintien en détention.

L’avocat en défense relève un autre point du rapport psychiatrique : « Monsieur est susceptible d’être réhabilité ». « Ce n’est pas dans une maison d’arrêt qu’on va donner le traitement nécessaire pour changer la donne. Je demande la clémence. » Mohamed aura les réquisitions et Stéphanie 800 euros. « Il me menace encore ! » Crie-t-elle alors qu’un Mohamed en colère la fixe et murmure des « tu vas voir ! » à répétition, tandis qu’il est emmené dans les geôles pour laisser place au prévenu suivant.

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