Tribunal de Pontoise : « Il est là parce qu’il a sauvagement agressé une jeune femme ! »

Publié le 09/05/2022

Yssouf a violenté une jeune femme à la gare de Cergy et ne semble pas s’en repentir, ce qui inquiète le procureur. Il aurait des problèmes de compréhension, assurent les employés de la Croix Rouge qui le suivent.

Tribunal de Pontoise : « Il est là parce qu’il a sauvagement agressé une jeune femme ! »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

A la gare de Cergy, Yssouf a croisé Anissa et lui a volé un téléphone portable. Aux policiers qui viennent l’arrêter ce lundi 15 février, Yssouf assure qu’il n’a fait que récupérer son téléphone qu’Anissa lui avait dérobé un mois auparavant.  Raison pour laquelle il lui aurait « barboté » à son tour. Il insiste : « on se connaît très très bien, moi et elle ». La version d’Anissa n’est pas tout à fait la même. Elle explique aux enquêteurs qu’Yssouf a été violent avec elle, qu’il lui a arraché le portable, l’a frappée et l’a poussée au sol. La vidéosurveillance de la gare le confirme son récit. Le téléphone est donc restitué à la jeune femme et Yssouf placé en garde à vue.

Dans sa déposition, Anissa explique ce qui s’est déroulé un mois auparavant. Alors qu’elle marchait dans la rue dans le secteur de Cergy, Yssouf s’est mis à la suivre ; il lui parle, insiste, profère des commentaires déplacés, de plus en plus insistants et lourds. Il continue de poursuivre la jeune femme de ses assiduités quand elle emprunte les transports jusqu’à La Courneuve, en Seine-saint-Denis, où elle réside. Sur le chemin de son domicile,  Anissa croise une bande de copains à qui elle confie être suivie par ce type depuis une heure. Ils se jettent immédiatement sur lui,  le poussent et le frappent. Anissa ne voulait pas cela, elle souhaitait juste qu’on la laisse tranquille, mais elle ne peut rien faire. La jeune femme s’éclipse.

Dans la bagarre, Yssouf s’est fait voler son téléphone portable. Les policiers qui l’interpellent à la gare de Cergy, ce lundi 15 février 2022, retrouvent la plainte qu’il avait  déposée à l’époque et la joignent au dossier. Aux policiers, Anissa explique qu’elle a tout fait pour que ses copains rendent son téléphone à Yssouf. Elle a demandé au « capo di tutti capi », dit le président, soit le chef de la bande, d’intervenir auprès du « rasta », l’homme qui détient le téléphone, pour que celui-ci lui rende. Mais elle ignore ce qu’il  est advenu ensuite.

Un caïd violente et raciste

Aux comparutions immédiates de Pontoise, le 17 février, Yssouf est dans le box mais Anissa n’est pas là. Elle s’est néanmoins constituée partie civile et réclame 500 euros, fait savoir le président.

Pour lui, les faits sont « tellement simples, tellement rapides », il ne comprend pas trop pourquoi deux personnes spontanément lui ont demandé en début d’audience si elles pouvaient témoigner. « Très bien, a-t-il répondu, si c’est comme ça, vous remettez votre pièce d’identité et vous allez attendre en dehors de la salle le temps qu’on vous appelle, comme la loi le prévoit. »

Yssouf n’est pas très bavard. Tout d’abord, il répète en boucle qu’on lui a volé son téléphone, qu’il devait le récupérer, il ne voit aucun problème à cela. Le président tente de lui faire prendre conscience que le vol de son téléphone est une chose, mais que les violences commises sur une jeune fille, dans une gare (un jour d’ITT), en sont une autre, et que c’est de cette dernière chose dont il s’agit aujourd’hui. Le président semble être particulièrement irrité par l’attitude d’Yssouf. Il a opposé aux policiers son droit au silence, sauf pour lâcher : « Madame, de toute façon, c’est une arabe ! » En parlant d’Anissa. Pour le président, cela fait d’Yssouf un caïd violent et raciste.

Le prévenu n’a que 18 ans, mais déjà plusieurs condamnations pour des violences commises alors qu’il était mineur. Avant, Yssouf vivait en Côte d’Ivoire, avec ses parents. Il est parti seul vers l’Europe, il n’avait que 16 ans. Le président : « Comment êtes-vous venu ?

– En bateau.

– Quand ?

– En 2019.

– Pourquoi ?

– Je n’avais pas le choix. »

Yssouf, qui a arrêté l’école en CE2, a d’abord vécu à la rue, avant d’être recueilli par la Croix-Rouge.

Le président fait entrer les témoins.

Yssouf a beaucoup de problèmes de compréhension

Le premier est l’assistante sociale de la Croix-Rouge qui suit Yssouf. Elle parle vite et un peu maladroitement sous le regard pas commode du président. Elle évoque les « nombreuses fragilités » du jeune homme, qui fait partie des « cas complexes ». Yssouf a « beaucoup de problèmes de compréhension des choses simples ».

« — C’est quoi ses problèmes ?

— Il a un parcours migratoire traumatique, des problèmes de compréhension.

—  Des problèmes de compréhension ?  Je vais vous expliquer ce qui vient de se passer : il est là parce qu’il a sauvagement agressé une jeune femme. Vous savez ce qu’il a dit ? Il a dit ‘je garde le silence’. C’est de l’incompréhension, ça ? » grince le président, qui y voit au contraire un signe clair de malice.

Le second témoin est appelé à la barre : c’est le responsable de l’assistante sociale qui dirige le programme auquel Yssouf doit être intégré. Le jeune homme serait placé dans un appartement, seul, et recevrait la visite et le soutien de membres de la Croix-Rouge. Il serait suivi par un psychiatre, car Yssouf souffre de sévères troubles psychologiques, dit le témoin, qui rappelle le « parcours migratoire traumatique » d’Yssouf. Le président lui tient le même discours qu’à sa collègue, et remercie le témoin.

La procureure estime dans son réquisitoire que « dans ce dossier, on est au carrefour des problèmes sociaux, psychologiques et culturels ». Elle ajoute : « Moi, je me pose du côté de l’ordre public. Je dois m’assurer que Monsieur n’agresse pas des jeunes femmes dans les gares. » Elle anticipe : « Je pense que l’avocat va demander une expertise psychiatrique, mais moi, je ne peux pas faire peser la sécurité des gens qui prennent le RER sur un placement à la Croix-Rouge. Elle demande un placement en détention provisoire si le procès est renvoyé pour expertise psychiatrique, et, après avoir « beaucoup hésité », requiert 8 mois de prison dont 4 mois avec sursis probatoire – assortis d’un mandat de dépôt.

En défense, l’avocat tente le tout pour le tout  : « Il est tout à fait possible qu’il soit tombé dans un guet-apens. Madame aurait servi d’appât. Je ne dis pas que la victime n’est pas une victime, je dis qu’on peut douter de tout ».

Après en avoir délibéré, le tribunal n’a pas douté : 8 mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt pour Yssouf, qui doit verser 500 euros de dommages et intérêts à Anissa.

 

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