Tribunal de Pontoise : « Il faudrait être clément parce que votre femme est enceinte ? »
George, 36 ans, a pris le volant sans permis pour aller acheter des sucreries pour sa compagne enceinte, mais il a grillé un feu rouge devant la police. Au vu de son casier très rempli, le parquet ne croit pas à cette histoire de chevalier servant.
George a conduit sans permis, encore une fois. Et comme d’habitude sous l’emprise du cannabis. À en croire le procès-verbal, la saisie s’élèverait à 0,9 gramme de résine de cannabis. Qui ne sont pas à lui, mais se trouvaient dans le véhicule qu’il a emprunté. Aucune analyse n’atteste qu’il a fumé et pourtant il est poursuivi non pour détention mais pour usage.
Quand les policiers l’ont arrêté après qu’il a grillé un feu rouge (« orange un peu trop mûr, Madame la présidente »), il a remis immédiatement et spontanément un petit pochon contenant une minuscule boulette, mais il n’a pu présenter son permis, ce qui l’a conduit en garde à vue et, ce lundi 10 octobre, devant les comparutions immédiates de Pontoise.
« Normalement, pour ce genre de faits, on ne va pas en comparutions immédiates », précise la présidente. Mais « c’est votre profil qui vous y a mené ».
« Les relations de couple, ça a l’air très, très compliqué »
Tout d’abord, George est sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une instruction ouverte pour trafic de stupéfiants.
Et puis, il y a ce casier. Les délits routiers, George en a commis plusieurs, mais à 36 ans, il a aussi été condamné pour un vol avec violence, trafic de stupéfiants et surtout des violences sur trois compagnes différentes et un viol sur l’une d’entre elles qui lui a valu 5 ans aux assises. « Les relations de couple, quand on voit votre casier, ça a l’air très, très compliqué », commente la présidente.
Justement : sa compagne est dans la salle. Enceinte. Un grand sourire s’affiche sur son visage quand la présidente le fait remarquer, et George, en retour, sourit. Cette grossesse n’est pas sans rapport avec sa présence dans le box : c’est pour satisfaire une « envie de femme enceinte » que George a emprunté la voiture de son ami dans laquelle, manque de chance, ledit ami avait « oublié » un morceau de shit dans le vide-poches. Mais il n’aurait jamais conduit si cela n’avait été pour satisfaire sa compagne, assure George. Et il sourit en direction de celle-ci.
La présidente est « très très surprise » de l’emploi de George : agent de sécurité. « Avec un tel casier… ». Le prévenu la rassure : il ne travaille pour ce restaurant des beaux quartiers de Paris que depuis 15 jours, et c’est un CDD.
C’est à ce moment que le procureur se lève et pose une question inattendue : « Elle s’appelle comment, votre compagne ?
— Elle s’appelle Shirley. C’est son deuxième prénom.
— Et son prénom, à l’état civil ?
— J’ai du mal avec ce prénom, je l’ai toujours appelée —Est-ce que vous pouvez nous le dire ici ?
— Je le connais, mais je préfère l’appeler Shirley.
— Je vous demande juste de me donner son prénom.
— Comment ça, je ne connais pas son prénom ? Mais c’est ma femme ! »
« Vous n’aviez droit à aucune erreur »
Les juges observent la scène, stupéfaits. « Je ne comprends pas pourquoi une question si simple entraîne ce genre de réaction », intervient la présidente. Le procureur explique : « L’avocat du prévenu a remis des papiers sur une soi-disant compagne, mais ça ne correspond à personne. » Il suspecte George d’avoir inventé la raison qui lui aurait fait conduire ce véhicule. Pour « attendrir » le tribunal ? Sur son banc, Shirley ne sourit plus du tout. « Moi, en l’état, je n’ai pas de Shirley dans les pièces qui m’ont été communiquées. Mais peu importe : cela ne justifie pas les infractions », dit le procureur, qui a commencé son réquisitoire. « Monsieur, vous n’avez plus droit à l’erreur depuis très longtemps. Aujourd’hui vous faites profil bas, mais je pense que l’image que vous montrez ne correspond pas à votre vrai visage. Il y a deux ans, vous étiez condamné à 15 mois pour des violences conjugales. Et il faudrait être clément parce que votre femme est enceinte ? Vous n’aviez droit à aucune erreur ». Il demande 6 mois de prison, avec mandat de dépôt.
L’avocate de George tente de rassurer le tribunal : « Je n’ai pas de doute sur le fait que cette femme soit sa compagne. Elle a eu accès à sa boîte e-mail et il connaît son nom par cœur. » Elle lance le mot « réinsertion » en réponse à la dureté des propos du procureur. « Il ne faut pas le stopper dans cette démarche ! »
Le tribunal est d’accord : 60 jours-amendes à 10 euros pour George qui, au surplus, est relaxé de l’usage de stupéfiant. George sourit. Shirley aussi.
Référence : AJU325815