Tribunal de Pontoise : « Il préfère voler chez les gens ? »

Publié le 06/10/2023

Le prévenu du jour est schizophrène et en situation irrégulière. Poursuivi pour vol avec effraction, il lui est vivement recommandé, après sa détention, d’aller se faire soigner ailleurs.

Tribunal de Pontoise : « Il préfère voler chez les gens ? »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Mahyddine se présente dans le box l’air de dire « c’est moi que v’là », avec un sourire insolent sur son visage encore enfantin, alors qu’il a déjà 23 ans mais pas de carrure ni de barbe ; et puis, il n’est pas bien grand, surtout à côté des colosses de l’administration pénitentiaire qui font saillir leurs biceps en croisant les bras sous leur poitrine gonflée, les doigts sous les aisselles. Il devait initialement être jugé en comparution immédiate, mais son dossier a été renvoyé deux fois pour être expertisé par un psychiatre. Ceci étant dit, la présidente lève les yeux : l’étrange sourire de Mahyddine ne quitte pas son visage.

Le 10 juillet, il est filmé au domicile d’un homme, absent, qui y a installé des caméras de vidéosurveillance. Constatant l’intrusion à distance, le propriétaire appelle son fils, qui se rend au domicile, surprend Mahhydine dans le garage et l’y enferme en attendant l’arrivée de la police. L’interpellation a lieu à 19 h 10. Mahhydine, qui a en poche une petite bourse remplie de bijoux que le fils reconnaît, avoue sur-le-champ. Il voulait revendre les objets volés (un ordinateur et une batterie externe en plus des bijoux).

Deux cambriolages en cinq jours

C’est également ce qu’il voulait faire le 5 juillet quand ces mêmes policiers avaient cueilli le même Mahhydine dans le même quartier. Cette fois-ci, il était ressorti de garde à vue avec une convocation, mais au vu de la tournure des évènements, Mahhydine a été orienté en comparution immédiate, où il est jugé pour ces deux faits, après 53 jours de détention provisoire.

Le prévenu étant arabophone, il faut passer par un interprète pour l’interroger, mais ses réponses sont brèves et claires : il reconnaît tout, c’était bien lui. À ce moment, il ne sourit plus. La présidente veut en savoir un peu plus : « Pourquoi il fait ça Monsieur ? Pourquoi il rentre chez les gens pour dérober des objets ?

— Pour payer mon loyer. » Il ajoute être ici en situation irrégulière. « Ce n’est pas une fin en soi d’aller voler pour payer son loyer, il ne veut pas régulariser sa situation et travailler ?

— Si.

— Que doit penser le tribunal ? Qu’il ne cherche pas à régulariser la situation et qu’il préfère voler chez les gens ? C’est un peu compliqué là. » La présidente rouspète et passe à autre chose.

Un trouble grave de la personnalité de type schizophrénique

L’expertise psychiatrique, qu’elle parcourt d’un trait : « L’expert dit que Monsieur a toujours un petit sourire, ce qui pourrait laisser penser à un trouble, mais ne retient rien… Euh… Ah si pardon. Un trouble grave de la personnalité de type schizophrénique, et en conséquence une altération du discernement. » Mahhydine sourit, la présidente demande à l’interprète : « Monsieur le comprend ?

— Oui.

— Il le savait ?

— Oui.

— Il se fait suivre par quelqu’un ?

— Non.

— Bah il faudrait. »

Hébergé par un oncle à Montreuil, il travaille sur les marchés, fume quatre joints par jour et était sous le coup d’une assignation à résidence – après l’interpellation du 5 juillet. En gros, Mahhydine doit rentrer en Algérie et trouver un psy. En attendant, il est enfermé à la maison d’arrêt d’Osny.

« — Ça se passe comment la détention ? Il a vu un psy ? s’enquiert la présidente.

— Oui.

— Tant mieux. » Elle a l’air satisfaite.

Interdiction du territoire français

La procureure est plutôt démunie : elle convient que le préjudice est essentiellement moral pour les victimes, et que vu la situation de Mahhydine, les réponses pénales à y apporter sont limitées. Elle demande 8 mois avec son maintien en détention et une interdiction du Val d’Oise pendant 3 ans.

L’avocate de la défense n’y voit pas grand-chose à redire, et elle veut même aller plus loin : plutôt que de limiter l’interdiction au seul département, pourquoi ne pas envisager une interdiction du territoire français ? « Si ça peut permettre à mon client de passer moins de temps en détention… »

Exaucée : 4 mois de prison et 3 ans d’interdiction du territoire.

 

 

 

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