Tribunal de Pontoise : « J’ai pas de souvenir, mais je reconnais les faits »

Publié le 03/01/2023

Fred et sa compagne sont séparés, depuis trois mois, mais il continue de dormir chez elle. Une situation qu’il vit mal. Un soir, il boit beaucoup trop et se met à la frapper, elle se défend. Il finit au tribunal.

Tribunal de Pontoise : « J’ai pas de souvenir, mais je reconnais les faits »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Mail Lan a attendu tout l’après-midi, parfois dans la salle d’audience, parfois devant, en pianotant sur son ordinateur. Comme par hasard, celui contre qui elle a porté plainte comparait en dernier. A 20 heures passées, son ex-concubin apparaît dans le box des comparutions immédiates de Pontoise, la tête froissée par une gueule de bois carabinée. Fred, 49 ans, plante le décor : « J’ai pas de souvenir, mais je reconnais les faits. » Il est déprimé et se fout un peu de tout.

Après 7 ans de vie commune, sa compagne – qui vit avec son fils de 14 ans – l’a quitté il y a trois mois. Au chômage, il est contraint de rester dormir chez elle, sur le canapé du salon.  Derrière la vitre du box, il lui jette un regard triste. Depuis peu, elle s’est remise en couple avec un autre homme, ce qui le rend plus amer encore. En fait, il ne supporte pas cette situation, et ne se prive pas de le lui dire.

Comme il est déprimé et sans emploi, Fred boit. De plus en plus. On peut même dire qu’il se soule régulièrement, pour oublier sa condition d’homme triste, pour combler le vide. Ce 23 novembre, il a vraiment beaucoup trop bu, une bouteille de vodka entière. Complètement ivre, il décide de brancher la musique à fond à 2 heures du matin. Mai Lan sort de son lit pour lui dire gentiment mais avec autorité qu’il est temps d’arrêter. Fred s’excuse avec emphase, se met des baffes pour se punir, file dans la cuisine et prend un couteau, tombe à genoux et fait mine de s’éviscérer. Mail Lan lui dit d’arrêter de faire son cirque et de laisser les gens dormir. La séquence a duré 30 minutes. Elle se rendort.

« Tu veux faire le bonhomme ? »

A 4 heures, c’est reparti. Fred a allumé les lumières, il veut absolument lui parler et tambourine à sa porte. Elle finit par aller à sa rencontre, tente de le raisonner et le prend par le bras afin de le guider jusqu’à son lit. C’est à ce moment que Fred vrille complètement. Il dégage son bras et lance : « Tu veux faire le bonhomme ? » Il lui met une balayette, elle chute, il tombe sur elle, l’écrase au sol et tente de l’embrasser. Elle se dégage, le gifle et lui dit : « Tu fais quoi ? » Il la coince avec ses avant-bras, elle le mord. Ils glissent au sol et luttent.

L’adolescent alerté par le bruit fait irruption dans le salon, il intervient et parvient  à dégager sa mère de l’emprise de Fred. La police débarque et place Fred, dont le taux d’alcoolémie est indécent, en garde à vue.

En écoutant le récit des faits,  il secoue la tête en silence. C’est la dernière affaire de la journée, tout le monde est fatigué, surtout le prévenu.

« — Bon, vous n’avez aucune mention au casier, et je vois que vous êtes cuisinier. Ça recrute en ce moment, non ?, tente la présidente.

— Je suis pas cuisinier, je servais des sushis.

— Vous êtes spécialisé en sushi ?

—Non, je préparais des plateaux repas à Roissy. J’y connais rien en cuisine. »

Mai Lan vient témoigner brièvement, car elle a tout de même attendu sept heures. Parfaitement calme, elle explique : « C’est quelqu’un de très gentil, mais quand il prend de l’alcool, il n’est plus lui-même. Sa violence est involontaire. » Elle ne demande pas de dommages et intérêts. Elle ne veut pas non plus qu’il aille en prison.  Tout ce qu’elle souhaite, c’est de ne plus avoir aucun contact avec lui. Le procureur partage la même vision, il requiert 6 mois avec sursis probatoire (interdiction de contact et de se présenter au domicile de la victime). L’avocat de Fred n’a rien à objecter. Pour une fois, la victime, le parquet et la défense sont d’accord.

Le tribunal aussi, qui condamne Frédéric à la peine requise, et le renvoie déprimer dans un autre canapé.

Plan
X