Tribunal de Pontoise : « J’ai tiré en l’air et là ça a été magique »

Publié le 27/09/2024

Trois ans après les faits, une femme et son beau-frère comparaissent pour des violences contre un moniteur d’auto-école. Ils reconnaissent a minima et accusent le plaignant, absent, d’avoir déclenché la bagarre.

Tribunal de Pontoise : « J’ai tiré en l’air et là ça a été magique »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

 

La juge regarde son dossier, semble hésiter puis lève le nez vers les prévenus : Najat, 44 ans et Mohamed, 48 ans, attendent raides et immobiles derrière le pupitre. La juge regarde l’un et puis l’autre et dit à Najat : « Je vous laisse raconter, Madame ». Et Najat raconte.

« Ce jour-là (26 avril 2021 à Saint-Gratien, ndlr), je voulais récupérer ma fille à l’école primaire, j’ai cherché une place mais je n’en ai pas trouvé. J’ai fait un tour, deux tours et j’ai constaté qu’il n’y avait plus d’élèves devant l’école. J’ai paniqué, je me suis arrêtée en double file, je suis sortie du véhicule pour aller voir la maitresse et lui demander où était ma fille. Elle m’a expliqué que par erreur une autre maitresse l’avait amenée à l’étude. C’est là que j’ai entendu klaxonner. J’allais retourner à la voiture, quand la maitresse me dit que ma voiture est en train de partir. J’ai paniqué car je croyais qu’elle partait toute seule, j’ai couru et j’ai vu qu’il y avait quelqu’un dedans. J’ai ouvert la porte et dit ‘mais qu’est-ce tu fais’ il a dit ‘tu fais chier, tu bloques la circulation’, c’est arrivé tellement soudainement, j’ai pas compris ce qu’il s’est passé : il m’a frappée, il est reparti. Avec Mohamed, qui attendait, on l’a cherché et on l’a retrouvé pour s’expliquer. » Mohamed est le beau-frère de Najat.

« Je ne voulais pas que ça prenne ces proportions »

Najat explique qu’une bagarre éclate entre les deux hommes, puis : « J’ai vu une camionnette arriver avec quatre hommes à bord, qui se sont mis à frapper le plaignant. Je suis intervenue, mais il y avait cinq hommes et j’ai pris des coups. Quand j’ai vu Mohamed à terre, les bras sur la tête, j’ai eu peur qu’ils le tuent ; j’ai pris ma bombe lacrymo dans mon véhicule et là un grand type m’a saisi le bras et m’a dit qu’il allait me mettre une patate. J’ai ouvert mon coffre où j’avais un pistolet d’alarme car j’ai déjà été agressée dans le passé, j’ai tiré en l’air et là ça a été magique, la bagarre s’est arrêtée, tout le monde s’est dispersé. Je ne voulais pas que ça prenne ces proportions, je suis sincèrement désolée, tout ce qu’il s’est passé c’était sans réfléchir, mais l’évènement déclencheur c’était qu’il est entré dans mon véhicule et qu’il m’a frappée gratuitement. C’est regrettable pour toutes les parties. »

Mohamed n’a rien a ajouter. Il dit : « Je suis venu pour lui parler et c’est parti tout de suite ».

« La dame sort le pistolet d’alarme et crie je vais vous tuer »

Jimmy, la victime, est absent à l’audience. La présidente lit ses déclarations : « Un véhicule stationné gênait la circulation, alors il est descendu de sa voiture d’auto-école où il se trouvait avec sa jeune élève. Il aurait attendu cinq minutes avant de klaxonner, puis une dame est arrivée et lui a dit : « puisque tu as klaxonné, tu vas attendre encore un peu », et est repartie. Elle est revenue et se serait énervée, puis l’aurait frappé. « Je pensais la dame apaisée mais elle s’est rapprochée de nous et a essayé de frapper mon élève qui était assise au volant. » Ils s’en vont mais, la dame et un homme les rattrapent ; l’homme lui met des coups de ceinture. D’autres hommes arrivent. « Je prends le dessus, la dame sort le pistolet d’alarme et crie je vais vous tuer. »

Ce sont deux versions radicalement différentes qui s’affrontent concernant le début des faits, mais finalement tous admettent la survenance des violences qui ont suivi. Najat dit : Chacun a des torts et ça a généré cette violence qui n’était pas du tout justifiée.

Les deux ont un casier. La présidente dit : « Madame aussi, mais c’est moins long que Monsieur », qui a neuf mentions et touche le RSA. Najat a une petite fille qu’elle doit aller chercher après son procès, précise-t-elle en tapotant sa montre.

« Ils sont encore accessibles au sursis, on se demande comment »

Le procureur se lève et dit :  « Je ne suis pas complètement rassuré, parce qu’à la fin on a quelqu’un qui prend une arme et tire en l’air, à proximité d’une école. » Il souligne que trois témoignages vont dans le sens du plaignant. « À la première altercation, ça aurait dû s’arrêter. Mais non, on monte dans le véhicule, on prend une arme, on part pour aller régler ses comptes. Monsieur dit : ‘quand j’ai entendu ce que m’a dit Madame, ça m’a rendu fou, j’ai perdu le contrôle.’ » Il sermonne les deux prévenus sur leur manque de recul, trois ans après les faits, et leurs regrets a minima. « Ils sont encore accessibles au sursis, on se demande comment, mais ils le sont, et c’est ce que je vais requérir. » Six mois contre Monsieur, quatorze mois contre Madame..

La défense critique des réquisitions « un peu moralistes ». « M. Le procureur doit représenter les intérêts de la société, il a surtout représenté les intérêts du plaignant. » L’avocate, qui représente seulement Najat, dit que ce n’est pas si simple de démêler le vrai du faux, mais admet que sa cliente sera condamnée pour son usage du pistolet d’alarme. En effet : elle écopera de douze mois de prison avec sursis, et Mohamed des six mois requis par le parquet.

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