Tribunal de Pontoise : « J’aimerais que papa ne revienne pas »

Publié le 16/09/2022

À Arronville, dans le Val d’Oise, Guillaume a injurié sa femme, sa fille, et bousculé cette dernière. Ce n’est pas la première fois que cet homme alcoolique, à la dérive, agit ainsi. Jugé à Pontoise le 2 septembre, la prison de nouveau le guette.

Tribunal de Pontoise : « J’aimerais que papa ne revienne pas »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Depuis son box, Guillaume, la quarantaine, en convient : il savait bien qu’il n’avait pas le droit d’entrer en contact avec son ex-compagne, mais à sa sortie de prison, il se sentait un autre homme. Galvanisé par son arrêt de l’alcool, choqué par sa détention, il était empli d’une énergie nouvelle et bienveillante. Il avait su convaincre son ex-compagne qu’il était prêt à venir revivre avec elle et leur fille de 5 ans.

D’ailleurs, ils n’ont jamais été vraiment séparés. Guillaume lui a téléphoné tous les jours depuis la prison. Son ex-compagne confie qu’il lui a fait du chantage affectif et qu’il l’a même menacée de se suicider. Ce n’était pas du chantage, se défend-il seulement une démonstration sincère d’affection couplée à une fragilité psychique et à un authentique état dépressif. Selon lui, la cohabitation au départ s’est bien passée. Ils n’étaient pas à proprement parler en couple, mais leur entente était bonne, et les violences qui lui avaient valu d’être condamné  en 2019 et en 2021, étaient révolues. Sobre, Guillaume n’est pas violent. C’est même un gentil papa.

Sobre, Guillaume l’a été tout le temps de la détention, il l’était encore à sa sortie en octobre 2021 lorsqu’il s’est installé chez son ex-compagne. Jusqu’à ce jour funeste de  mai 2022 où, par ennui, il s’est remis à boire. Un verre, rien de méchant, une bagatelle même pour un buveur de ce calibre, mais – il le savait sans vouloir l’admettre – ce verre était un pied dans la porte, une lézarde dans le mur fragile de ses résolutions. La volonté de Guillaume s’est craquelée, sa consommation d’alcool est devenue croissante et, de nouveau, quotidienne.

Dix verres de whisky et un trou noir

Le 31 août, plus de trois mois après la reprise, « la journée a débuté », résume Guillaume, qui n’a aucune activité professionnelle. « A l’heure du déjeuner, j’ai consommé de l’alcool dans des proportions très importantes : 10 verres de whisky soda relativement chargés entre midi et 14h30 », annonce-t-il. L’après-midi se passe, puis, à l’heure du goûter, il s’en envoie 3 autres. La présidente demande :

« – Bon alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

– Pour ne rien vous cacher, je ne m’en souviens plus.

– Madame dit que vous avez titubé, que vous disiez des choses incohérentes. Vous vous souvenez de les avoir insultées, elle et votre fille ? D’avoir frappé votre femme ? Menacé de mort, frappé votre fille ? Non, rien ? Quel est votre dernier souvenir ?

– D’avoir travaillé sur mon véhicule, entre 16h30 et 17h.

– Cette quantité, vous l’aviez déjà bue ?

– Non, j’avais repris une consommation qui augmentait, mais je n’avais pas rebu autant. »

La présidente lui ravive la mémoire : il s’est assis sur un banc à côté de sa fille, l’a bousculée au point de la faire chuter, tout en insultant copieusement la femme et la fillette, leur jetant un « je vais vous égorger » accompagné d’un geste éloquent du pouce sur sa gorge. Prostrée dans le bureau de l’officier de police judiciaire, la petite fille a dit : « J’aimerais que papa ne revienne pas ». Neuf jours d’ITT psychologiques lui ont été attribués.

« Je souffre d’une maladie qui s’appelle l’alcoolisme »

 « Qu’est-ce qu’on peut faire pour changer tout ça ? » interroge la présidente apparemment peu optimiste. Guillaume argumente : « J’ai pris conscience de mes problèmes, notamment dans le milieu carcéral. Je souffre d’une maladie qui s’appelle l’alcoolisme. J’ai réussi durant six mois, puis j’ai fait une rechute. Je pensais que je serai capable de ne pas replonger. Mon objectif, c’est de faire un sevrage encore plus sérieux. » Son avocate souligne son état dépressif. La présidente est agacée par ce qu’elle interprète comme de l’auto-apitoiement : « L’alcoolisme est une maladie, c’est certain, mais comment arrêter les violences ? » s’interroge -t-elle, préoccupée.

C’est aussi la préoccupation de la procureure qui, elle, souligne les deux condamnations du prévenu et donc son état de récidive, la manière qu’il a eu de manipuler son ex-compagne, sur le plan affectif. Elle rappelle les insultes, les menaces et les violences contre la petite fille, mais ne dispose d’aucun élément pour appuyer la prévention de violence contre l’ex-compagne de Guillaume. Le dossier, sur ce point, est complètement vide ;  elle requiert un an ferme pour le tout, avec maintien en détention ainsi que la révocation des deux sursis qui menaçaient Guillaume à hauteur de 6 mois chacun. Soit, en tout, deux ans de détention.

L’avocate en défense commence par le plus facile : elle demande qu’il soit relaxé des violences sur « madame », puis elle s’attaque à la peine, puisque les autres faits sont reconnus. Elle évoque une problématique « 100% liée à l’alcool », et la solution de « facilité » que serait la prison. « Et quand il sort, on fait quoi ? » Elle rappelle que son alcoolisme est relativement récent. Il débute à la fermeture de son garage automobile en 2019. Les confinements successifs ont accéléré le processus de dépérissement. Guillaume est un homme meurtri qui, à son tour, meurtrit son entourage, par désarroi. Envoyer un dépressif en détention n’est pas une bonne idée, résume-t-elle. Elle voudrait une peine ferme aménagée et pas de révocation ; une probation très contraignante serait la solution.

Le tribunal n’est d’accord que sur un point : il faut le relaxer des violences contre son ex-compagne. Guillaume est condamné à 6 mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt, et le sursis est révoqué à hauteur de 6 mois. Un an à purger pour Guillaume, qui accueille la décision avec un léger air de chien battu – juste un peu triste, mais compréhensif.

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