Tribunal de Pontoise : « Je me sens le geôlier de ma propre maison »
Un septuagénaire surprend deux cambrioleurs dans sa maison et parvient à les faire fuir. Les policiers en attrapent un, qui ne se présente pas à l’audience de ce mardi 3 septembre devant le tribunal correctionnel de Pontoise. À la barre, la victime exprime son désarroi, sa peur et son traumatisme : ces hommes étaient déjà venus le cambrioler deux semaines auparavant.
Le président appelle un prévenu. « Est que Monsieur Mosab B. est là ?
« Je peux répondre à sa place : non », dit l’avocat de la partie civile sur un ton agacé.
Il fait un geste en direction des bancs, et un vieil homme grand, mince et élégant s’avance, appuyé sur une canne en bois. « Vous pouvez rester assis », lui propose le président. Non, il préfère se tenir debout à la barre : il a mal aux fesses à force d’être assis sur ces bancs horriblement durs.
C’est une affaire de cambriolage qui se déroule le 8 mars 2024 à Herblay-sur-Seine, dans une rue où quelques belles demeures attirent les voleurs. Les policiers sont appelés par le propriétaire et pénètrent à 3 h 35 dans une grande propriété. « Lors de notre progression, constatons la présence d’un homme de type maghrébin, ganté, allongé faisant le mort. » L’homme ne peut plus se lever car il s’est cassé la cheville. Il est interpellé et placé en garde à vue.
Le lendemain matin, ils y retournent pour constater les dégâts. Après avoir escaladé un mur de 4 mètres, ils sont entrés par effraction en cassant un volet roulant. À l’intérieur, les dégâts résultant d’une âpre lutte : bris de verre, traces de suies, traces de sang, meubles renversés.
« Ils se sont jetés sur moi »
Appuyé sur sa canne, Maurice prend la suite. Il a entendu du bruit vers 3 heures du matin alors qu’il dormait, enfermé dans sa chambre, car il avait été cambriolé deux semaines avant. Il avait réussi à en attraper un, mais le temps qu’il appelle la police, l’homme s’était enfui. « Les policiers avaient écrit bousculade dans le procès-verbal, mais en réalité ils se sont jetés sur moi », précise-t-il.
Depuis deux semaines, Maurice est en état d’alerte et se réveille au moindre bruit. « Je le savais qu’ils étaient dans la maison, je l’entendais. » Il est sûr que ce sont les deux mêmes hommes qui sont revenus. Ils approchent de sa porte qu’ils tentent d’ouvrir : « Et là je me dis vaille que vaille », et il ouvre la porte.
Débute alors une lutte au cours de laquelle le septuagénaire déterminé prendra le dessus sur les deux jeunes hommes paniqués. « J’ouvre la porte, ils sont là, le plus petit s’enfuit par l’escalier. Le deuxième essaie de faire la même chose, je réussis à l’attraper par la cheville. Il m’a mordu, vous voyez le genre d’individu ? » Le vieil homme s’essouffle. L’un d’eux parvient à s’enfuir par le rez-de-chaussée – il ne sera pas retrouvé. L’autre saute du deuxième étage et sera cueilli dans le jardin par les policiers. C’était bien l’homme que Maurice avait vu deux semaines plus tôt.
La défense du mis en cause, lue par le président, consiste à dire qu’il a rencontré un ami au cours de la soirée, qu’ils ont consommé ensemble du Rivotril (un épileptique qui défonce), et qu’il s’en est suivi un black-out jusqu’à son réveil à l’hôpital. Il dit qu’il ne se souvient de rien et que ce n’est pas lui.
« Je suis traumatisé »
Le président demande à la victime : « C’était il y a 6 six mois, comment vous le vivez depuis ?
— Je le vis très mal, je ne dors pas, je suis angoissé d’une manière permanente. Je dors avec toutes les portes fermées, alors que jamais les portes n’étaient fermées auparavant. Je vis tout seul enfermé dans ma chambre. Je suis traumatisé. Je me sens le geôlier de ma propre maison. »
Mosab B. est un Algérien en situation irrégulière, jamais condamné, qui vit dans un squat.
L’avocat de la partie civile s’insurge que le prévenu n’ait pas été déféré en comparution immédiate, alors que pour lui c’était évident qu’il ne se présenterait pas devant le tribunal. Il parle du traumatisme de son client et demande 3 000 euros de dommages et intérêt.
La procureure répond à l’avocat que la gravité des faits aurait pu justifier un déferrement en comparution immédiate, mais que parfois l’audience est trop chargée, et aussi que le prévenu n’avait pas d’antécédents. Elle estime que les faits sont constitués, et comme il ne s’est pas présenté, demande 12 mois ferme et que soit délivré un mandat d’arrêt. Elle demande également « une interdiction du territoire français à titre définitif ». Après en avoir délibéré, le tribunal condamne Mosab B. à 10 mois de prison, décerne mandat d’arrêt et prononce l’interdiction du territoire requise.
Référence : AJU465785