Tribunal de Pontoise : « Je n’ai pas touché la partie sexuelle »
Un homme ivre a touché des femmes contre leur gré à la table de jeu d’un casino. Elles se sont plaintes, il a été interpellé et, 6 mois plus tard, il comparaît devant le tribunal correctionnel de Pontoise.
Le 12 avril 2023, à 1h40, les vigiles du Casino d’Enghien-les-Bains remettent aux policiers un individu ivre qui ne tient pas debout. Deux femmes, dont l’une très en colère, affirment que cet homme les a agressées sexuellement au cours de la soirée, lorsqu’ils étaient tous les trois assis à une table de jeu.
Plus précisément : l’homme s’incruste entre les deux femmes en leur proposant de leur offrir un verre, ce qu’elles acceptent. Il joue avec Eva et en profite pour lui toucher les mains, le dos et frôler le haut de ses fesses. Elle s’esquive aux toilettes, et il s’approche de Charlotte pour lui toucher le sein droit et les mains. Lorsqu’Eva revient des toilettes, il tente de nouveau de la toucher. Elle a un mouvement brusque de recul et, pour ainsi dire, craque. Les deux femmes appellent le vigile, l’homme est débarqué de la table et gardé au chaud par les vigiles.
Alcoolisation
Le 3 octobre, le tribunal de Pontoise visionne les images enregistrées par la caméra de surveillance du casino, qui montrent un homme ivre aux gestes déplacés, sans qu’il soit possible de déterminer où ses mains se posent précisément.
A la barre : Richard, 49 ans, blazer bleu chiné et raie de cheveux un peu en vrac, fait remuer ses fines lunettes au bout de son nez. Il donne au tribunal quelques éléments de contexte. Il sort d’un dîner professionnel avec un client, à Enghien, au cours duquel il a bu pas mal de vin. S’il se rend au bar du Casino, c’est pour acheter des cigares ; le bar n’en vend pas mais retransmet un match de foot. Richard commande un verre, puis un autre, et encore un autre. A la fin du match il avise trois filles à la table d’à côté et leur demande « comment on joue ? » Elles lui expliquent, il offre des verres.
« J’ai eu un comportement inapproprié »
« J’en ai malheureusement aussi bus. J’ai commandé trop d’alcool. J’ai eu le comportement du lourd qui a trop bu. Puis, j’ai passé une nuit en prison.
— En garde à vue ?
— Ça m’a marqué. Je ne pensais pas que c’était si répréhensible, j’ai eu un comportement inapproprié mais je n’ai pas touché la partie sexuelle.
— L’une des plaignantes dit « au niveau des fesses » et l’autre évoque les seins.
— Je n’ai pas touché les seins. En confrontation elle a dit ‘effleuré’.
— Qu’est-ce que vous en pensez ?
— C’est pas normal d’avoir ce type de comportement, il n’aurait pas dû y avoir de contact.
Après la présidente, la procureure l’interroge : « pourquoi iraient-elles raconter qu’on leur aurait touché les fesses et les seins, si ce n’était pas vrai ?
— …
— Je n’ai pas d’autre question. »
Le prévenu se dit honteux et marié depuis 17 ans. Il a 3 enfants et une entreprise, ses revenus s’élèvent à 12 000 euros nets (« plus les dividendes »), ce qu’on n’a probablement jamais vu dans ce box (la présidente lui fait répéter deux fois).
L’une des juges assesseures insiste : « Ça vous arrive souvent de consommer de l’alcool dans ces quantités ?
— Parfois, je suis fatigué.
— C’est pas une question de fatigue. Boire 10 verres, c’est fréquent ?
— En général, je bois max 2 verres, comme ça je me souviens de la soirée », dit-il amer.
« Effleurer n’est pas toucher »
La procureure, estimant les faits établis par les déclarations des plaignantes, demande 5 mois de prison avec sursis.
L’avocat de la défense entreprend de pinailler dans des proportions assez exceptionnelles, afin de réfuter l’accusation. « Effleurer n’est pas toucher », « vous dites les fesses ? Je dis le bas du dos, et à travers le vêtement. » Il remarque que les femmes n’opposent pas de refus, et « ne sont pas sous emprise » : elles finissent juste par s’en aller (pour prévenir le vigile qu’un homme les touche sans leur consentement, ndlr). « Le dossier est au-delà de la volonté du législateur ! » tonne-t-il. Il n’a pas fini. « Elles n’ont pas dénoncé avec l’idée de l’envoyer encourir 5 ans devant un tribunal correctionnel, elles se sont juste plaintes d’un vieux C.O.N (il épelle, vraiment), comme disent les jeunes. » Il tournoie sur lui-même et demande la relaxe.
Et finalement, n’ayant « pas de certitude sur la nature sexuelle des gestes », le tribunal relaxe Richard.
Référence : AJU402532