Tribunal de Pontoise : « Je voulais voler pour acheter de l’alcool »

Publié le 02/11/2022

Arif, la trentaine finissante, est sous curatelle et alcoolique. Pour payer son alcool, il vole. Quand il est ivre, il fait un peu n’importe quoi, et se fait souvent attraper. Il admet toujours les faits, comme ce mercredi 12 octobre, devant les comparutions immédiates de Pontoise.

Tribunal de Pontoise : « Je voulais voler pour acheter de l’alcool »
Tribunal judiciaire de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Arif entre dans le box, son frère est dans la salle, et la présidente interroge : « Qu’est-ce que vous alliez faire dans cette école ?

— J’étais complètement alcoolisé ! »

Arif ne tourne pas rond. Il a été interpellé la veille en train d’escalader péniblement le grillage d’un collège de Franconville. Les policiers n’ont eu qu’à le cueillir. En garde à vue, il a déclaré : « Je voulais voler pour acheter de l’alcool. »

La veille, le directeur de l’école et la maire adjointe de la ville avaient porté plainte pour un vol avec effraction. Une porte donnant vers l’extérieur était dégradée, plusieurs portes de salles de classe avaient été forcées, et des ordinateurs volés. Un coup d’Arif, déjà. « Oui, j’ai braqué sept ordinateurs.

— Vous en avez fait quoi ?

— Je les ai revendus 100 euros chacun.

— Ça fait beaucoup d’alcool.

— Oui, c’est parce que je suis alcoolique.

— Et elles sont où toutes ces bouteilles ?

— Dans mon estomac !

— Et pourquoi vous aviez sur vous un brassard Police ?

— Parce que c’est marrant. »

Il y a aussi les faits du 3 octobre. Arif, encore, qui cette nuit-là a quitté précipitamment les lieux quand l’alarme s’est déclenchée, laissant les sanitaires adultes en pagaille, après avoir subtilisé quelques effets.

« J’étais trop bourré »

Enfin, le 26 septembre au soir, une femme ouvre à l’homme qui sonne à sa porte, toujours à Franconville, et tombe nez à nez avec Arif. « Pourquoi être entré chez cette dame ?

— J’étais encore bourré.

— Et pourquoi avoir laissé votre vélo sous la fenêtre ?

— Je l’ai posé contre le mur, dans le jardin, pour demander mon chemin. J’étais trop bourré. »

La femme a appelé son mari qui lui a demandé ce qu’il « foutait là », Arif a répondu qu’il cherchait le chemin de la gare. Le mari l’a pris en photo et l’a prévenu qu’il allait appeler la police, alors Arif a détalé.

Le frère d’Arif n’est pas venu par hasard. Il est le co-curateur de son frère, depuis que celui-ci a subi de graves dommages cérébraux. À la sortie d’une boîte de nuit, en 2018, Arif s’est fait « écraser la tête », raconte son frère. Il ajoute : « Cette série de vols a débuté après la restriction de son budget par la curatrice. Avant, il touchait ses 900 euros par mois en une seule fois » ; aujourd’hui Arif n’a plus que 50 euros par semaine. Peut-être parce qu’il claquait tout en spiritueux. Alors Arif vole pour acheter sa boisson. Il est en récidive légale.

Son frère et curateur explique qu’ils ont rendez-vous le mois prochain à la CIVI (Commission d’indemnisation des victimes d’infractions) pour toucher une indemnisation. « Il croit que c’est son droit d’avoir cet argent, il l’exige, il est impatient. »

La présidente semble se diriger vers les réquisitions. « Est-ce qu’on a un examen psy ? non ? Je ne crois pas que ce soit obligatoire. » Le procureur l’interrompt : « Si justement, l’expertise est obligatoire pour les personnes sous mesure de protection.

— Ah », réagit la présidente un peu dépitée. « Donc on va être obligé de renvoyer le dossier. »

Le frère d’Arif lève le doigt : « Juste une petite chose. Là, il est bien encadré, dans une résidence (Arif opine vivement du chef en lançant des borborygmes), il va se tenir tranquille maintenant. »

« La prison mettrait en péril ses différents suivis »

Le procureur n’est pas de cet avis : « Bien entendu, dit-il à l’adresse du tribunal, je vous demanderai de bien vouloir le maintenir en détention. Monsieur a 27 condamnations dont 18 vols à son actif. Si on pouvait laisser à la commune de Franconville un peu de répit. »

La défense conteste : « Mon client est encadré, il a un domicile et reconnaît les faits. Il a une vraie volonté de se faire soigner. La prison mettrait en péril ses différents suivis. »

Après en avoir délibéré, le tribunal place Arif sous contrôle judiciaire. « Vous y êtes pour quelque chose, Monsieur », confie la présidente au frère d’Arif. Au prévenu, elle lance cette injonction : « Il faut soigner votre addiction à l’alcool !

— Ça, c’est sûr.

— Et ne pas traîner aux abords des écoles.

— Ça, c’est sûr !

— Sinon, c’est la prison !

— Ça marche ! »

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