Tribunal de Pontoise : « la panique, ça fait cracher sur le conducteur ? »
Un rodéo à Gonesse, un accident avec un bus. Un copain de l’accidenté s’énerve sur le chauffeur du bus et finit à l’audience de comparutions immédiates de Pontoise.
Le temps est radieux, c’est le week-end, la rue déborde de vie dans ce quartier populaire de Gonesse. Le chemin de la justice est empli de la rumeur pré-estivale de ce mois de mai, les cris d’enfants résonnent sur les trottoirs et les vrombissements d’une moto pétaradante cassent les oreilles. Elle file, la moto, accompagnée des « hourras » des copains ; le pilote est à la fête, il roule sans casque, très vite et « fait des roues ». L’impact avec le bus est brutal.
Un attroupement se forme autour de l’accident. Le pilote est inconscient ; il y a beaucoup de sang. Le chauffeur du bus parle à un jeune homme qui semble vouloir prendre les choses en main : c’est Nouman, 20 ans, qui panique autour du corps inerte de son ami. Le chauffeur lui parle alors que Nouman essaie d’entendre, au milieu des cris, les conseils d’une femme qui semble savoir quoi faire. Nouman dit au chauffeur de se taire et de rentrer dans son bus. Il pète un peu un plomb. La suite est floue, mais à l’issue de la scène, le copain de l’accidenté est placé en garde à vue et, ce mardi 14 mai, c’est en comparution immédiate que l’on tente de tirer les choses au clair.
« Je l’ai insulté, pas menacé »
Les circonstances de l’accident n’intéressent pas le tribunal. On reproche au prévenu des menaces de mort, des violences sans ITT sur personne chargée d’une mission de service public (un crachat au visage ), et des violences avec ITT (des coups, dont il s’avérera qu’ils ont en fait été portés par d’autres individus). Le chauffeur déclare que ce jeune homme lui a dit : « fils de pute je vais te tuer je vais te crever je vais niquer ta mère », cite la présidente. Nouman rétorque : « Je l’ai insulté, pas menacé. Ça sort pas de ma bouche ça, c’est pas moi.
— Y’a bien des crachats qui sortent de votre bouche (le prévenu rit). C’est pas drôle ! Comment vous expliquez un tel évènement ?
— Je voyais mon pote par terre, le sang, la panique.
—Donc la panique ça fait entrer dans le bus par l’arrière et remonter tout le bus pour cracher sur le conducteur ?
— Je ne suis pas entré par l’arrière, les policiers n’ont pas voulu qu’on regarde les vidéos mais je vous jure j’entre par l’avant. Et donc d’abord, je lui ai dit de se taire et je l’ai menacé.
— (Procureure) vous venez de dire ‘je l’ai menacé’ (mais pas de mort, NDLR).
— Non je voulais dire ‘je l’ai insulté’.
— Moi, ça me suffit.
— (Avocate) moi ça me suffit pas, vous avez dit quoi ?
— Des trucs comme ‘je vais t’enculer je vais te niquer ta mère’.
— Pourquoi vous entrez dans le bus ?
— Pour dire à tout le monde de se taire.
— (Présidente) Vous participiez au rodéo ce jour là ?
— Non.
— Qu’est-ce que vous faisiez là ?
— J’accompagnais.
— Vous regardiez, quoi. »
Incarcéré du 12 février au 2 avril, Nouman est en liberté conditionnelle. Il a en outre une condamnation consistant en 105 heures de travaux d’intérêt général à effectuer. Il est aussi en formation pour devenir plaquiste.
« Il se prend pour le justicier du quartier »
Réquisitoire de la procureure de la république : « Les faits sont particulièrement graves, d’aucuns diront que c’est une phrase toute faite, mais il n’en est rien », anticipe-t-elle. « Il a des fréquentations très douteuses quand on sait avec qui il a été condamné en février 2024, vous voyez de qui je parle ? Oui ? Bon », dit-elle (probablement un homme « très défavorablement connu des services de police »). Elle évoque une « jeunesse désœuvrée et bien peu soucieuse d’autrui » qui se livre aux rodéos. Ce jour-là il n’était pas au travail, il ne faisait pas ses TIG, il était au spectacle. Si on comprend qu’il se porte au chevet de l’accidenté, on ne comprend pas pourquoi il agresse le chauffeur avec une telle violence. »
Le chauffeur a été frappé, mais pas par Nouman. Les violences qu’on lui reproche sont constituées par le crachat. Et les menaces ? « Il me semble que la limite dans son vocabulaire est ténue entre insulte et menace, car ‘je vais niquer ta mère’, c’est menaçant. Ces faits sont intolérables. Il se prend pour le justicier du quartier, alors que sa situation pénale aurait dû l’amener à rester chez lui. » Elle demande quatre mois de prison avec mandat de dépôt.
« Panique générale »
Plaidoirie de la défense : l’avocate évoque une « panique générale », un jeune peut-être est en train de mourir, et son client dit à tout le monde de se taire pour entendre la victime. Le chauffeur de bus est également paniqué, il parle trop, il lui demande de se taire. » Elle dit que les menaces de mort ne sont pas constituées, et qu’il est navrant qu’aucun témoin n’ait été entendu
Les violences avec ITT sont écartées, il est condamné pour les violences sans ITT (le crachat). Nouman est relaxé pour les menaces de mort, et finalement condamné à 4 mois de prison, mais sans le mandat de dépôt requis par le parquet.
Référence : AJU442483