Tribunal de Pontoise : Le malentendu
Un homme est jugé par le tribunal correctionnel de Pontoise, jeudi 21 novembre, pour des violences volontaires sans interruption totale de travail contre un fonctionnaire de police. Pour lui, il y a méprise. Ce chauffeur de VTC, jamais condamné, vient clamer sa bonne foi devant les juges.
Cergy-Pontoise, 27 juin 2024. Les policiers de la BAC voient une Toyota noire approcher : ce véhicule correspond à un vol qu’on leur a signalé. La Toyota est stationnée en double file. Ils approchent furtivement, toquent au carreau et ouvrent la porte en criant « Police ! » L’homme au volant démarre soudainement, avance quelques secondes vers un groupe de policiers qui lui disent de s’arrêter. Le conducteur ne s’arrête pas. Les policiers évitent la voiture au dernier moment, l’un d’eux est légèrement touché, un autre tire et touche la carrosserie. La Toyota finit par stopper, bloquée par des travaux. Ismaël est appréhendé.
Ismaël est chauffeur VTC. Il cherche un client depuis plusieurs minutes, mais ne parvient pas à accéder à l’endroit où il se trouve. Fichus travaux. Il se gare rapidement en « warning » pour chercher à contacter ce client, quand des hommes en noirs surgissent sans prévenir. Paniqué, il repart aussitôt en trombe. Ils ne voient pas les policiers lui demander de s’arrêter un peu plus loin, n’entend pas le tir, comme il n’a pas entendu celui qui a crié « Police ! » Ismaël est bloqué par le chantier et se fait interpeller.
« Vous n’avez pas vu que vous avez percuté quelqu’un ? »
Le président du tribunal a Ismaël devant lui. « Alors vous nous dites que vous n’avez pas entendu l’homme crier ‘police’ ni vu qu’il essayait d’ouvrir votre porte. Mais si personne n’essaie d’ouvrir la porte, pourquoi fuir ?
— J’ai vu des gens en noir courir et j’ai pris peur. J’ai été agressé il n’y a pas longtemps.
— Effectivement, je le dis pour mes assesseurs, Monsieur a été agressé dans des circonstances similaires à Aubervilliers, on a une plainte du 18 avril 2024. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi les policiers n’ont pas joint la plainte au dossier.
— (avocat de la défense) Un groupe de jeunes armés de barres de fer se sont précipités vers son véhicule, exactement la même scène.
— (président, goguenard) Sauf que cette fois-ci c’était des policiers. Que vous prenez pour un groupe d’agresseurs. Vous démarrez, vous voyez les personnes au milieu de la route ? Vous n’avez pas vu que vous avez percuté quelqu’un ? Non ? Ni les deux autres personnes devant vous qui se sont écartées au dernier moment ?
— Un des fonctionnaires de police était en bermuda, comme les jeunes la dernière fois.
— (Avocat) C’est dans le dossier (le bermuda) !
— Je vous assure que c’est la vérité. Je suis quelqu’un d’honnête, je travaille beaucoup pour m’occuper de ma femme malade et de ma fille.
— (Avocat) C’est dans le dossier ! »
« Est-ce que monsieur l’a percuté oui ou non volontairement ? »
La procureure a une certitude : Un fonctionnaire de police a été touché par le véhicule de Monsieur. « Est-ce que monsieur l’a percuté oui ou non volontairement ? » Elle ne fait pas de suspense : « Ses déclarations sont cohérentes avec les faits en procédure. Les policiers sont en civil. Moi, aujourd’hui, je n’ai pas d’élément pour dire que Monsieur a vu le fonctionnaire de police. » Relaxe requise.
L’avocat de la défense est soulagé, mais il tient quand même à rappeler « qu’on aurait pu se retrouver devant une juridiction autre que la vôtre si le projectile avait été tiré plus haut » (une juridiction criminelle, ndlr). Il tient aussi à souligner que, lors de sa comparution préalable, le parquet voulait le placer en détention. » En fait, dit-il, Ismaël était au mauvais endroit, au mauvais moment. « J’ai quand même le sentiment que par moment l’analyse des fonctionnaires de police est un peu rapide, et je ne suis pas surpris qu’il ait été transi de peur quand ils ont fait irruption vers sa voiture ». Relaxe plaidée.
Relaxe prononcée.
Référence : AJU485511