Tribunal de Pontoise : « On n’est pas dans la défense, on est dans la persécution »

Publié le 17/11/2023

Le 29 septembre, deux hommes ont comparu devant le tribunal de Pontoise pour en avoir agressé deux autres en leur tirant dessus avec un pistolet airsoft, sur fond de violences conjugales. Au tribunal, ils n’en mènent pas large.

Tribunal de Pontoise : « On n’est pas dans la défense, on est dans la persécution »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

La femme dit qu’elle a pris peur quand elle a vu son ex-compagnon, Travis à travers l’œilleton de sa porte, qui tambourinait, bien décidé à récupérer son fils. Énervé, il était accompagné de Destin, son cousin. Elle appelle sa cousine, qui lui dit : ne t’inquiète pas, j’appelle mon frère. Puis, plus de nouvelles. Voilà ce qu’elle a dit aux policiers.

Travis était remonté, sur le palier de son ex, à l’affût de ce qu’elle pourrait lui dire à travers la porte, quand il a entendu « viens, et fais ce que tu as à faire ». Il ne s’est pas passé beaucoup de temps avant qu’un tir ne touche son cousin, puis lui (au bras), sous les cris de « fils de pute ». Deux types apparemment en mission leur étaient tombés dessus.

Travis et Destin ont dévalé l’escalier dans un état de panique totale. Une voisine raconte qu’elle a vu par son œilleton deux types armés poursuivre deux types effrayés. L’autre requérante indique qu’elle a entendu des cris, qu’elle a ouvert à deux hommes qui se sont précipités chez elle, et que c’est là qu’elle a appelé la police, tandis que son mari verrouillait à triple tour, juste avant que les deux poursuivants ne s’écrasent sur la porte sur laquelle ils tambourinent, rageurs.

Une bonbonne de gaz et des munitions

Aux policiers, la femme, placée en garde à vue, nie avoir commandité une intervention punitive. Elle est crue et relâchée. Travis, lui, a reconnu le tireur. Il s’agit de Yanis, un ami de Lilian, le frère de la cousine de son ex. Sur ses indications, les policiers cueillent Yanis et Lilian à leur domicile et les placent en garde à vue. Les deux hommes sont confondus et admettent. Chez Yanis : une bonbonne de gaz, des billes noires et une boite à chaussures pleine de trous. Travis reconnaît les deux à travers une glace sans tain. Ils sont déférés, et les voici bras ballants, pour ainsi dire déconcertés, dans le box des comparutions immédiates du Tribunal de Pontoise.

La présidente demande à Yanis, 25 ans :

« — Vous avez été placé en garde à vue pour tentative d’homicide, vous savez pourquoi ? Parce que les gens ne savent pas quel type d’arme vous utilisez, ça peut être potentiellement létal. Pourquoi vous y allez armé ?

— La cousine a appelé, elle a dit qu’il était dangereux et qu’il n’était pas venu pour parler.

— Visiblement, vous non plus. Vous venez sur place, armé, sans savoir ce qu’il en est. »

« Vous vous rendez compte de la disproportion ? »

Yanis décrit la scène : il monte les escaliers, croise un homme assis au 3e étage. L’homme se lève. Yanis sort son arme et tire. La présidente relance : « Y’a un monsieur qui est assis dans les escaliers, il se lève et ‘boum’ vous tirez. Vous vous rendez compte de la disproportion ? De la gravité de la situation ? » Yannis opine, la présidente commente : « C’est un petit hochement de tête. »

Elle passe à Lilian, 23 ans : « Est-ce que vous saviez qu’il avait une arme, votre ami ?

— Non madame.

— Mais d’après les voisins ça ne s’arrête pas à la scène du tir : il y a une course poursuite, les témoins disent que vous les poursuivez avec l’arme. On n’est pas dans la défense, on est dans la persécution. » Lilian baisse la tête.

« On aurait pu se retrouver à la cour d’assises »

La procureure tient à leur rendre hommage : « Je salue leur honnêteté et leur transparence au cours de cette audience, mais je tiens à souligner qu’on aurait pu se retrouver à la cour d’assises. Au regard de ces éléments et de la contrition qu’ils ont montré », elle demande 15 mois de prison contre Yanis (qui a un casier bien fourni), et 12 mois avec sursis contre Lilian (dont le casier est vierge).

La défense tente de dédramatiser. « Ils sont venus pour exfiltrer Madame et le gamin d’un ex-compagnon violent, pas pour se venger. Il prend ce qu’il a sous la main parce qu’il ne sait pas sur qui il va tomber. Il est venu avec un Airsoft. A plus de trois mètres, un Airsoft ça ne fait rien. Ils croisent le mec, il a un réflexe stupide, il tire. Et ça s’arrête là ! » Et ça finit par 12 mois de prison ferme pour Travis, 9 mois avec sursis pour Lilian.

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