Tribunal de Pontoise : « On s’est rendu compte qu’on faisait de la merde »

Publié le 15/09/2023

Quatre copains un peu éméchés ont décidé au pied levé de cambrioler un pavillon à la campagne, avant de renoncer. Ils ont quand même été interpelés.

Tribunal de Pontoise : « On s’est rendu compte qu’on faisait de la merde »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Quatre jeunes hommes sont en ligne dans le box de la cour d’assises de Pontoise qui, ce 30 août, accueille l’audience de comparutions immédiates. Il y a du monde dans le public : des parents inquiets, des copains supporteurs, des spectateurs bavards, une partie civile en short.

Dans le box, les têtes sont inclinées.

Ayoub, Mathieu, Bastien et Karim auraient tenté de cambrioler un pavillon dans le village de Théméricourt, petite commune verdoyante du Vexin vallonné, et se sont fait pincer comme des dilettantes. Le président résume très succinctement : « C’est une affaire de cambriolage qui commence au petit matin. Le voisin de la victime est alerté par du bruit, remarque la présence d’un véhicule utilitaire, entend des sons de talkie-walkie. Il appelle les gendarmes, les quatre visiteurs s’éloignent, les gendarmes les cueillent au bout de la route. Placés en garde à vue, ils nient s’être introduits sur la propriété.

Ils font aujourd’hui litière de leur positionnement passé. « Je viens pour assumer mes torts », entonne Ayoub, 22 ans. Il raconte : « On était quatre, on buvait des coups dans l’utilitaire à Meulant (commune des Yvelines où ils résident tous, NDLR), puis on s’est déplacés dans une campagne proche pour être plus tranquille. Bastien sort pisser, et quand il revient il nous dit qu’on est à côté d’une maison qui a l’air vide. On s’est tous chauffés entre nous, on est sortis et on a sauté les buissons et la clôture. On a jeté des pierres, j’ai mis coup de pied dans la fenêtre. Je ne pensais pas qu’elle allait se casser, c’était pas un coup explosif.

« — Qu’est-ce que vous espériez ?

— C’était dans le but de l’effraction, je ne peux pas le nier. On s’est chaudronné la tête puis on s’est rendu compte qu’on faisait de la merde.

— Donc c’est à la fois vous le plus actif et celui qui avez décidé d’arrêter. »

Mathieu, petit barbu costaud dans un t-shirt moulant, passe aussi aux aveux. « Je les ai rejoints dans la soirée, on est partis sans objectif précis, on s’est arrêtés sur une route agricole, l’ivresse a commencé à monter. Je suis sorti pisser, j’ai vu une maison qui semblait vide et on a décidé d’aller voir. On a commencé à dégrader. On a réalisé, on s’est dit ‘les gars, c’est chaud là’ ».

 C’est le tour de Karim. « Je voulais commencer par dire que la version que j’ai donnée était complètement fausse.

— On s’en doutait.

— Mais c’est mieux de le dire. En audition j’étais complètement paniqué. J’avais peur des conséquences, peur de perdre mon travail. La gendarmerie, c’est pas la police nationale, c’est un peu plus impressionnant. »

« Je n’ai ni haine, ni rancœur »

Le président appelle Julien, la victime, au style vestimentaire fleuri. « J’étais en vacances quand j’ai reçu un message de la gendarmerie. Ils ne sont pas rentrés, n’ont rien volé, mais ont engendré du chagrin. On s’est éloignés de la ville pour offrir à nos enfants un cadre plus agréable. Se retrouver confronter à ça, c’est incompréhensible. La désolation de ma famille me chagrine profondément, mais moi je n’ai ni haine ni rancœur. »

Le président regarde les prévenus : « Vous souhaitez réagir à ce qui vient d’être dit ?

— Nous sommes désolés pour vous et votre famille, on en a pris conscience pendant ces trois jours de prison. Peu importe la somme que vous allez demander, on va vous la payer », dit l’un, et les autres approuvent.

— On en prend note, c’est un des effets positifs de cette audience », conclut le président.

Les faits sont les mêmes pour tous mais les personnalités divergent. Ayoub (22 ans) a déjà été condamné plusieurs fois, dernièrement à une peine de semi-liberté, et il est sous le coup d’un sursis probatoire. Il envisage une formation de grutier, qu’il n’a pas encore commencée. Mathieu (18 ans) a déjà écopé d’une condamnation à de la prison ferme. Karim a trois condamnations, il n’est jamais allé en prison et a un travail stable. Bastien a un casier vierge et un CDI.

« C’est fou d’être aussi bête quand on est aussi intelligent »

La procureure prend en compte ces éléments : elle demande huit mois avec sursis pour Bastien, douze mois avec sursis probatoire pour Karim, douze mois ferme avec mandat de dépôt et la révocation totale de son sursis probatoire d’un an pour Karim, douze mois avec mandat de dépôt et mise à exécution de sa précédente peine pour Bastien (quatre mois).

L’avocat d’Ayoub plaide que « de temps en temps les éclairés doivent tirer les autres vers la lumière », et demande un bracelet électronique pour son client. L’avocat de Karim observe que « c’est fou d’être aussi bête quand on est aussi intelligent », et se contente du sursis probatoire proposé pour son client. L’avocat de Mathieu et Bastien réclame la relaxe pour la tentative de vol et une requalification en dégradations.

Il ne sera pas entendu. Le tribunal les condamne tous pour vol avec effraction dans un local d’habitation. Trois d’entre eux échappent à la prison : six mois avec sursis pour Bastien, neuf mois avec sursis probatoire pour Karim, neuf mois ferme et révocation de son sursis pour Mathieu (trois mois), sans maintien en détention (il bénéficiera d’une aménagement par un juge d’application des peines).

En revanche, Ayoub part en prison : neuf mois ferme en plus de la révocation de ses douze mois de sursis.

Une bande de copains se presse contre la vitre du box ; ils tendent des mains de soutien à leur ami, qui part pour une longue détention.

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