Tribunal de Pontoise : « Papa, il a tapé la tête de maman dans le mur »

Publié le 04/04/2024

Un homme est prévenu de violences contre sa femme. Face aux policiers, une petite fille du couple témoigne des coups portés contre sa mère et partage sa terreur de la voir mourir. Le père réfute l’intégralité des violences.

Tribunal de Pontoise : « Papa, il a tapé la tête de maman dans le mur »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

La petite fille de 8 ans a appelé Police Secours, jeudi 29 février à 13 h 20, et dit à l’homme qui a décroché : « Papa, il a tapé maman ». Les policiers du commissariat d’Argenteuil sont venus sur-le-champ, et c’est la petite fille qui leur a ouvert. Un, deux, trois enfants de 4, 6 et 8 ans sont apparus dans l’entrée, ainsi que leur mère. Un peu confusément, elle leur a expliqué que son mari était dans la chambre, ivre, et qu’il l’avait frappée. Les policiers ont ramassé l’homme qui ronflait sur son lit et l’ont placé en garde à vue.

Une fois dégrisé (un gramme dans le sang), ils l’ont confronté en interrogatoire aux violences dont sa femme l’accusait. Ce Srilankais de 37 ans prénommé Sigat a tout nié dans un français approximatif, puis dans sa propre langue, un interprète ayant été convoqué pour l’assister. Sa femme invente, il n’a rien fait.

Le contexte : 10 ans de violences

Auditionnée, la victime décrit un climat de violences qui a débuté en 2014, lorsqu’ils sont arrivés en France. Près de 10 ans de violences pour le contexte, car la prévention est limitée aux faits du 29 février, dit la présidente des comparutions immédiates de Pontoise. Sigat est désormais dans le box, prévenu de violences sans ITT sur sa conjointe ; il est toujours assisté d’un interprète et continue à nier les faits.

La présidente rapporte les déclarations de la femme, absente à l’audience. La semaine précédente, il l’aurait frappée avec une chaise. En général, il lui intime de ne pas parler en sa présence et l’humilie fréquemment par des paroles telles que « Sans moi, t’es rien ». La fillette de 8 ans a décrit des scènes de violence : « Papa, il tape maman, il a tapé la tête de maman dans le mur. Il tape dans le frigo et dans les meubles. » Puis elle a pleuré devant le policier qui lui a demandé pourquoi. « Par ce que j’ai peur de la mort. » Depuis toute petite, elle assiste à ces scènes violentes, et au fond d’elle une peur terrible grandit. Elle y pense sans arrêt, même en jouant.

« Je ne l’ai pas frappée »

La présidente a fini de résumer l’affaire, lève les yeux vers le prévenu et demande :

« Alors, Monsieur, comment vous expliquez que votre fille appelle la police et dise ‘papa il a tapé maman’ ?

— J’ai pas frappé. Y’a eu des disputes, c’est vrai, mais c’est ma femme qui a dit de dire tout cela.

— Mais votre fille ne dit pas que c‘est sa maman qui lui a dit d’appeler, elle dit qu’elle l’a fait seule.

— Je ne l’ai pas frappée madame, sinon elle aurait eu des blessures.

— Qu’est-ce que ça vous fait Monsieur que votre fille dise qu’elle a appelé la police parce qu’elle a peur que vous tuiez sa mère ?

— Je ne l’ai pas frappée, Madame. »

Sigat campe sur ses positions. Un juge assesseur s’inquiète de l’avenir : « Comment envisagez-vous les choses avec madame ?

— Je dois travailler et subvenir aux besoins de ma famille, je veux vivre avec mon épouse, si vous pouvez me condamner à une faible peine, ce serait bien.

— Ça ne vous dérange pas d’être condamné à une peine alors que vous n’avez rien fait ? En général, quand on conteste des faits, on n’accepte pas d’être condamné

— Moi je ne veux pas être condamné, je veux vivre avec ma famille. »

« L’alcool, ça ne vous rend pas un peu violent ? »

L’avocat de la défense tente de déminer le terrain : « qu’est-ce que vous pensez de votre consommation d’alcool ?

— Je voudrais arrêter l’alcool.

— Et pourquoi vous voulez arrêter ?

— Parce que c’est mauvais pour la santé.

— C’est tout ? Ça ne vous rend pas un peu violent ?

— Non, je suis normal. »

Raté.

« Il reste un papa correct »

La procureure salue le courage de la petite fille, sans qui « on n’aurait pas grand-chose ». Elle déplore que l’épouse de Monsieur, qui ne s’est pas constituée partie civile, ne souhaite pas d’interdiction de contact, pas de séparation – mais comment survivrait-elle sans le salaire de Sigat ? – et demande, pour la protection des enfants, d’assortir les 8 mois de prison avec sursis qu’elle réclame d’une obligation de soigner son alcoolisme.

« Je vais plaider une relaxe étant donné qu’il ne reconnaît pas les faits pour lesquels il est jugé. Son positionnement a le mérite d’être constant depuis le début. Malgré le fait que ce ne soit pas un bon époux, il reste un papa correct », plaide l’avocat de la défense.

Mais après en avoir délibéré, le tribunal condamne le prévenu à la peine demandée par la procureure.

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